mardi 15 septembre 2015

Youth (Paolo Sorrentino, 2015)

On pourrait comparer Youth de Paolo Sorrentino à Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, les deux films se déroulent dans un très luxueux hôtel des Alpes fréquenté par des gens riches avec un personnel au petit soin. Là où résidait l'idée géniale du plus européen des cinéastes américains, c'était de donner aux employés les rôles principaux et d'en faire le moteur du récit. Certes, l'époque n'est pas la même. Dans les deux films, les clients sont campés par des stars du cinéma, mais dans Youth, le personnel reste justement impersonnel. On les voit fumer leurs cigarettes à l'extérieur, faire des massages, faire la tapin ou être un émissaire de la Reine Elizabeth II que le personnage de Michael Caine traite comme un larbin.

Ce dernier est Fred, compositeur de musique à la retraite qui vient dans cet hôtel isolé de la Suisse alémanique pour se reposer. Il est accompagné de sa fille Lena (Rachel Weisz), personnage inutile (on prétend qu'elle est son assistante malgré sa retraite), présente uniquement pour une banale sous-intrigue de rupture amoureuse. Chaque année, il retrouve Mick (Harvey Keitel), cinéaste qui programme son film testament. Il est entouré d'une bande de jeunes scénaristes (encore des employés traités par dessus la jambe) qui lui fournissent des dialogues pour la fin de son film. Mais Mick rejette toutes leurs idées immatures. Les deux amis sont artistes mais l'un ne veut plus l'être, l'autre cherche à poursuivre son œuvre.

Les journées se suivent et se ressemblent toutes. Elles sont scandées par une chanson interprétée dans le jardin sur une scène ronde qui tourne. « Ils ne sont pas très bons », dit un personnage avec condescendance. Rien à voir avec le génie de Fred qui jouera pour la Reine en fin de film, lui, il joue avec un orchestre philharmonique pour les grands de ce monde. Il en pleurera d’émotion, ses yeux rouges en attestent, forçant le spectateur de Youth à être lui-même ému. Le reste de la journée, Fred et Mick se promènent, mangent et font des paris sur un couple voisin qui ne se dit pas un seul mot. Ah oui, et ils contrôlent leur flot d'urine. Prière de rire comme on a pleuré, forcé par Sorrentino.

Fred et Mick ne sont pas seuls dans l'hôtel. Avec son sens du baroque, Paolo Sorrentino expose des personnages secondaires hauts en couleur. Paul Dano est un acteur hollywoodien déprimé de n'être reconnu que pour son rôle de robot. Il acceptera de jouer Hitler et se pavanera dans l'hôtel dans son nouveau costume. Un sosie de Maradonna (son nom n'est jamais cité). Miss Univers qui est belle donc stupide mais en fait elle n'est pas si stupide, c'est elle qu'on voit sur l'affiche. Un enfant qui apprend le violon. Et en fin de film, Jane Fonda, dans le rôle de l'actrice fétiche de Mick. A chacun, Fred et Mick (mais surtout Fred) donnent des leçons de vie pour mieux comprendre le monde. Ils ont bien lu Paulo Coelho.

Je voulais comparer Paolo Sorrentino et Wes Anderson car tous deux sont des formalistes forcenés persuadés de créer leur cosmogonie, comme on dit. Le cinéaste italien s'est cependant bien calmé depuis La Grande bellezza et plus encore depuis Il Divo. Le récit est désormais totalement linéaire, sans digression, sans courbure du récit (sauf dans une scène onirique ridicule). De même, les plans tiennent plus de l'imagerie Instagram (des beaux paysages fleuris, des intérieurs tous cadrés de la même façon) que d'une composition artistique. Il tente de faire son 8 et ½ en s'exprimant sur l'art et les pièges des faux-semblants. Le pire est que tout est toujours trop explicatif à grands coups d'épuisants tunnels de dialogues.

Aucun commentaire: