lundi 7 septembre 2015

La Carrière d'une femme de chambre (Dino Risi, 1976)

 
Parler de La Carrière d'une femme de chambre, c'est aborder le genre cinématographique dit des « téléphones blancs », et parler des téléphones blancs, c'est évoquer Cinecitta pendant l'Italie dirigée par Mussolini. C'est un dialogue du film qui définit le mieux le genre téléphones blancs : « Une passion dans le milieu de la haute bourgeoisie » au milieu d'un décor blanc immaculé comme pour stimuler la pureté de la passion. Le film de Dino Risi commence par un pastiche de film de ce genre, qui donne son titre en version originale. Il se déroule depuis l'un Festival de Venise des années 1930 jusqu'à la fin de la République de Salo, en 1945. Cette femme de chambre s'appelle Marcella (Agostina Belli), elle prépare les lits des stars de cinéma du palace où elle travaille. Elle veut devenir une vedette. Ce film suit son destin.

Marcella est vénitienne, d'une famille très pauvre. Son père boit l'argent des salaires, la mère prépare le gruau. Marcella se laisse séduire par Roberto mais rêve de faire des films à Rome. Naïve et pas farouche, elle préfère accepter les propositions de n'importe quel homme inconnu plutôt qu'un mariage fauché avec Roberto. Evidemment, chaque fois l'homme rencontré lui fait de nombreuses promesses qu'il ne tiendra pas. Tout ce qu'il veut, c'est trousser Marcella, qui n'est pas contre, mais qui ne reçoit rien en échange. Et chaque fois, Roberto, dépité, est abandonné à son sort, le même schéma se reproduira tout au long du film tel un gag récurrent qui devient, pour l'amoureux éconduit, de plus en plus douloureux.

Loin d'être un film à sketches, malgré les apparences, on suit ces personnages de l'Italie fasciste qui se croient tout permis. On saute de l'un à l'autre au gré de la montée de Marcella dans la société et le vedettariat. Le premier est un producteur ruiné, le deuxième est un militant fasciste qui veut l'épouser mais la confie à sa mère, gérante d'une maison close. « Je ne travaille pas dans un bordel, ça serait vulgaire, je suis dans une maison de tolérance », dit-elle à Roberto venu une nouvelle fois la récupérer. Elle s'en échappe et va travailler avec un de ses anciens clients, qui bien que pratiquant une sexualité peu commune, s'avère le plus normal de tous ses clients. Elle commence à devenir chanteuse, elle a petit à petit du succès, elle est appelée à Cinecitta pour des essais cinéma.

Sa carrière d'actrices s'envole quand Mussolini la remarque et en fait sa maîtresse. Il décide en même temps de se débarasser de Roberto qu'il envoie comme soldat d'abord en Ethiopie, puis en Espagne, en Albanie et pour finir en Egypte. Là, Dino Risi souligne la folie belliqueuse du tyran italien et la compare à sa mentalité mesquine d'envoyer un pauvre bougre à la mort pour se taper sa copine. Le film est très direct dans sa critique de la société fasciste et de sa hiérarchie qui a mené le pays au chaos. Il montre la manière la lâcheté de chacun pour accéder à l'argent en marchant sur les autres. La sinistre séquence avec Ugo Tognazzi dans la débâcle en est l'illustration la plus cynique.. Seuls Marcella et Roberto sont épargnés dans sa critique.

L'homme qui occupe le plus la vie de Marcella est l'acteur Franco Denza (Vittorio Gassman). Elle le rencontre par intermittence, mais chaque fois qu'il la revoit, il est incapable de se rappeler son nom (comme pour les autres personnes). Denza incarne tout la suffisance de la star parvenue qui se croit au dessus des autres. Gassman a le génie pour faire de son personnage d'acteur cabot qui se croit irrésistible l'incarnation du prétentieux. Perclus de tics, Denza n'est charmant que dans les films, dans la vie, Marcella le comprendra vite. Il ne vit que dans le cinéma, jusqu'à cet ultime pied de nez dans le nord de l'Italie. Le portrait de tout ce monde n'est pas joli loin de là, mais le film est drôle et tendre. Drôle de carrière, tendre femme de chambre.












Captures d'écran établies à partir du DVD édité par SND en 2011

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