jeudi 10 septembre 2015

Jamais entre amis (Leslye Headland, 2015)

L'une des plus grandes difficultés pour les comédies américaines quand elles débarquent en France, c'est leur sous-titrage et pire leur doublage. Souvent, les comédies sont doublées en français avec un résultat désastreux. Une grande partie de l'humour de Will Ferrell par exemple (je le cite parce qu'il est le producteur de Jamais entre amis) vient du timbre de sa voix, de la manière si étrange de prononcer ses phrases. Doublé, l'humour hilarant de l'acteur s'effondre. Regarder Ron Burgundy présentateur vedette en VF (le film n'était sorti que comme ça dans la majorité des salles), c'est comme regarder un film avec Kev' Adams. L'un des pires écueils des comédies sous-titrés est le remplacement des références à la culture populaire locale par notre culture à nous. Remplacer Target par Carrefour se comprend, mais à force on devrait savoir que la chaîne de magasins Target existe. Autre écueil, le parler jeune, les « vénères », les « kifs », terriblement de notre époque et voués à disparaître pour d'autres termes. Parfois, c'est le mot américain qui est difficile à rendre. Dans Vive les vacances, Ed Helms discute avec son fils du « rimming » (je vous laisse googler), traduit par « roulage de rondelles », mais comment faire autrement. Le choix de sous-titrer littéralement les dialogues de Jamais entre amis, sans adapter au public français (garder les pouces pour parler de la longueur d'un objet au lieu des centimètres est osé) est la meilleure solution dans le cas présent. Le débit ininterrompu de dialogues de Jason Sudeikis et Alison Brie, tous deux habitués à japper leur partition dans Community ou le Saturday Night Live, est l'essence du film. Enfin, le titre du film Sleeping with other people contre Jamais entre amis. Le titre américain est direct, exprimant bien ce que font les deux personnages, le titre français est plus neutre.

Coucher avec d'autres gens, mais jamais entre amis, est le crédo de Lainey (Alison Brie) et Jake (Jason Sudeikis). A l'université de Columbia, ils perdent leur virginité ensemble en 2002. De nos jours, ils se revoient par hasard, chacun a échoué dans sa vie amoureuse. Jake couche avec toutes les filles, les drague sans cesse, y compris sa patronne. Lainey trompe son fiancé avec Matthew (Adam Scott), ignoble gynécologiste glacial et lâche. Jake et Lainey décident de devenir amis, sans coucher. Est-ce que l'amitié peut exister entre un homme et une femme. Bien entendu que non répondait Billy Chrystal à Meg Ryan dans Quand Harry rencontre Sally, le chef d’œuvre de Rob Reiner. 25 ans plus tard, Jamais entre amis est un remarquable hommage au cinéaste (on y voit un extrait de Misery) et à son film précité. Ils sont tout deux situés à New York et la cinéaste Leslye Headland démarque avec intelligence son film sur celui de Rob Reiner. On discute dans les mêmes allées de Central Park, on se téléphone de chez soi pour se confesser en split-screen, la scène de restaurant ou Meg Ryan simulait un orgasme est remplacée par une leçon de masturbation féminine avec une bouteille. Les deux amis les plus proches deviennent aussi conseillers des âmes de leurs cœurs, l'une est lesbienne, l'autre père de famille. Ce qui change radicalement, c'est le langage qui devient bien plus cru (des fuck tout le temps). Il n'est pas nécessaire d'avoir vu Quand Harry rencontre Sally pour apprécier l'humour et l'histoire de Jamais entre amis, mais c'est un plus. Ce qui fait que le film de Leslye Headland dépasse en qualité beaucoup d'autres films sur les relations amis/amants des cinq dernières années, c'est l'absence de jugement moral et de moquerie sur ce libertinage (l'un des pires exemples serait Sex friends avec Ashton Kutcher et Nathalie Portman). Cela fait de Jamais entre amis la meilleure comédie romantique de l'année.

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