mercredi 9 septembre 2015

Life (Anton Corbijn, 2015)

Dans trois semaines, cela fera 60 ans que James Dean est mort. Que reste-t-il de lui ? Trois films où il le rôle principal, quelques figurations dans d'autres et une série de photos prises en hiver 1955 par Dennis Stock. C'est la conception de ces photos qui est le sujet de Life le quatrième film d'Anton Corbijn. Il faut le dire tout de suite, c'est son meilleur film, si l'on excepte quelques jolis clips pour Depeche Mode. Life, non pas pour la vie et l’œuvre de l'acteur étoile filante, mais pour le magazine qui a publié ces photos, page 125 au fin fond du sommaire. La couverture n'était pas consacré à James Dean, il était inconnu à l'époque. Le film rappelle à plusieurs reprises que ses trois films n'étaient pas sortis et que ses seuls faits de gloire étaient de défrayer la chronique pour être l'amant de Pier Angeli, actrice en devenir qui n'a jamais réussi à percer.

Life donc comme titre de film avec comme personnage qui lance la narration Dennis Stock, admirablement campé par Robert Pattinson. C'est son point de vue que le cinéaste adopte, c'est uniquement à travers ses yeux de photographe que l'acteur est vu. Il bosse à l'agence Magnum, il cherche un bon sujet. Il est sans le sou, il habite à Los Angeles dans un petit studio, il a laissé à New York un fils et une femme divorcée. Pour gagner sa vie, il va aux avant-premières, aux soirées mondaines pour prendre en photo les vedettes de Hollywood. Chez Nicholas Ray, il rencontre James Dean, binoclard timide, qui fume une clope sur la terrasse, loin du brouhaha. Il veut convaincre son patron, très sceptique, de consacrer un reportage au sauvageon. Le problème est que James Dean (Dane DeHaan, peu ressemblant mais très convaincant) est très sceptique également.

Les rapports entre les deux hommes de 24 ans sont au cœur du film, comment ils vont s'apprivoiser l'un l'autre, comment ils vont profiter du talent qu'ils ont en face d'eux, comment ils vont se révéler à eux-mêmes. Anton Corbijn ne montre jamais d'affrontements entre les deux hommes, qui ne réussiront jamais à devenir amis, il filme la fabrication de la célébrité par le prisme de l'authenticité. L'agent de James Dean ne veut que des sourires de la part de son acteur, des mots gentils et des beaux vêtements. James Dean s'habille en jean et duffle-coat, est mal coiffé, dit ce qu'il pense en interview et méprise son patron Jack Warner, redoutable homme d'affaires (le cinéma est une industrie) que joue Ben Kingsley avec délectation. Un vrai salaud qui tente de dompter le petit crapaud qu'il veut transformer, contre son gré, en princesse.

La beauté de Life vient de son calme à filmer l'entêtement de Dennis Stock à poursuivre le jeune acteur jusque dans son studio new-yorkais qu'il ne quitte que pour aller écouter du jazz avec son amie Erthea Kitt. S'il accepte le projet d'être photographié au naturel, sous la neige de l'Indiana ou sous la pluie de Manhattan, c'est uniquement pour faire un pied de nez à Jack Warner. Le périple à New York est euphorisant, Dean et Stock se droguent, fument clope sur clope, oublient leurs devoirs (la promo proprette pour Dean, la famille pour Stock). Le séjour dans la ferme familiale dans l'Indiana est empreinte d'une douce mélancolie. Stock se retrouve au milieu d'une famille de Quakers qui élèvent des cochons, des vaches et des chevaux. Il sort régulièrement son appareil photo pour immortaliser James Dean enfin heureux. Life débusque tous les clichés sur James Dean pour ne montrer qu'un photographe au travail. C'est très beau.

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