vendredi 18 septembre 2015

Marguerite (Xavier Giannoli, 2015)

Dans les aventures de Tintin, la cantatrice Bianca Castafiore chante souvent « Ah, je ris si fort de me voir si belle, est-ce toi Marguerite », avec une voix qui manque jamais d'angoisser le Capitaine Haddock. Catherine Frot incarne justement une Marguerite,dans son film éponyme, aristocrate des années 1920 qui se rêve en cantatrice. Elle peut à tout loisir se regarder dans le miroir, mais elle ne s'entend pas. En revanche, son époux a signé un pacte diabolique avec ses amis : il les paie pour qu'ils viennent écouter sa voix de crécelle. Marguerite tient des récitals dans la salon de son château, à la campagne, en privé. Le mari ne veut pas que cela sorte de chez eux, pas d'humiliation publique.

Tout aurait pu continuer comme ça sans la venue de deux loustics, Lucien un jeune journaliste (qui écrit dans Comoedia) et Kyril un artiste surréaliste (qui porte un monocle). Ils se sont introduits dans la demeure sans demander la permission, sans invitation. Ils pensaient entendre une grande chanteuse restée dans le secret, ils auront une femme qui chante terriblement faux. Loin de se moquer d'elle, le premier écrit un article élogieux et le second lui fait un collage en forme d'hommage. Il n'en faut pas plus à Marguerite pour avoir envie de faire un concert devant un vrai public, loin de chez elle. Lucien et Kyril organisent cela.

La première heure du film est un formidable hommage au surréalisme, avec comme point d'orgue ce fameux concert où Marguerite chante la Marseillaise tandis que des images de la Grande Guerre sont projetées sur sa tunique blanche. Le surréalisme était une forme artistique qui luttait contre toutes les idées reçues, et quel meilleur moyen existait-il que de donner un concert par une femme qui chante terriblement faux. De cette bizarrerie que les bourgeois rejettent, de cet entrechoc entre divers sens, se crée une poésie que Xavier Giannoli retranscrit avec beaucoup de tact, d'émotion et d'humour à l'écran. Cette provocation de Kyril, Lucien et Marguerite est insupportable pour les amis de cette dernière qui l'excluent de leur cercle.

La deuxième heure est plus cruelle pour Marguerite. Lucien et Kyril disparaissent du récit pour faire entrer un chanteur d'opéra raté qui va trouver le moyen de se faire payer très cher pour donner des courts de chant à la baronne. On est moins à l'aise devant la manipulation qu'entretient l'étrange majordome de Marguerite, sans doute amoureux d'elle, et qui rêve, tel le citoyen Kane d'Orson Welles, que la femme de son cœur puisse interpréter des airs d'opéra. Ce que le cinéaste américain traitait en 20 minutes, il faut un heure pour que Giannoli le fasse dans des scènes un peu répétitives. Les intrigues secondaires (la jeune chanteuse Hazel comme contrepoint à Marguerite, l'adultère du mari) alourdissent le récit. Mais Catherine Fort est formidable, évidemment.

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