mardi 22 septembre 2015

Qu'as-tu fait à la guerre, papa ? (Blake Edwards, 1966)

 
Le film de guerre quand il est bâti sur le comédie burlesque produit du génie. Blake Edwards commence son Qu'as-tu fait à la guerre, papa ? Comme un film de guerre classique, histoire de mettre le spectateur dans le bain. Une scène de bataille avec des explosions filmée en cinémascope. Sicile en 1943, l'armée américaine débarque et libère les villes et villages les uns après les autres. Le Général Bolt demande au Capitaine Cash (Dick Shawn) d'aller dans le village de Valerno pour prendre position. Cash est un soldat zélé qui obéit aveuglément aux ordres. Une caricature de soldat. On lui assigne une unité qui revient de combat. Tout le monde est épuisé. Sa première rencontre avec le Lieutenant Christian (James Coburn, dans un rôle à contre-emploi, épatant) veut souffler et prendre avec ses hommes un bon repas. Pas question, lui répond son nouveau supérieur. Ils doivent filer directement à Valerno.

Loin de faire un buddy movie avec deux personnages opposés, Blake Edwards opte pour la variété du burlesque. A commencer par l'ivresse de l'alcool qui permet aux personnages de faire à peu près n'importe quoi quand ils sont saouls. Arrivé au village, le bataillon constate que les rues sont désertes. Les Italiens sont plus loin, en train de préparer un match de foot. Pas près de se battre, ils acceptent volontiers de se rendre, épuisés qu'ils sont par la guerre. Le Capitaine Oppo (Sergio Fantoni) demande une faveur : pouvoir faire la fête. Cash est étonné par cette requête, voire vexé, mais Christian le convainc. Il le persuade tant qu'il va l'inciter à boire, notamment grâce à Gina (Giovanna Ralli), la fiancée d'Oppo. L'alcool était déjà présente chez Edwards dans Le Jour du vin et des roses (1962), elle le sera dans The Party (1968) puis dans Boire et déboires (1987). La substance libère les soldats quels que soit leur bord. La fête est dantesque, les scènes de foule incroyablement précises. Les personnages se dessinent petit à petit.

Le lendemain, la gueule de bois est décuplée quand Christian apprend que le Général Bolt doit arriver pour capturer les soldats italiens. Le deuxième acte se lance. Christian doit faire croire aux avions qui survolent la zone que Cash et lui-même n'ont pas besoin des hommes de Bolt. Une mise en abyme se met en place. Le Lieutenant Christian devient le metteur en scène d'une bataille imaginaire. Il dirige les soldats pour pouvoir rejouer les scène d'affrontement devant les avions. Certains soldats en profitent pour cabotiner, trouvant la manière la plus rocambolesque de feindre la mort. Les prostituées du village sont les spectatrices de ce spectacle surréaliste. Certains villageois continue de leur train-train quotidien, ainsi cette mama sicilienne qui étend son linge au milieu des balles à blanc que lancent les mitraillettes. Pendant que Christian a pris les commandes du récit, le Capitaine Cash tente de sortir de son état fortement éthylique et de comprendre ce qui se passe. Quant à Oppo, quand il constate que l'Américain a dormi avec sa fiancée, il refuse désormais de se rendre.

Le troisième motif d'humour du film concerne la travestissement sous toutes ses variantes. A cause de leur fausse bataille, un avion nazi a aussi survolé le village et les Allemands pensent que c'est une poche de résistance. Ils viennent aider les Italiens. A cause d'une partie de poker, les Italiens ont récupéré les uniformes des Américains. Et inversement. Bientôt, la confusion règne. Le mélange des langues l'accentue, on parle anglais, italien ou allemand pour mieux tromper l'ennemi. Puis, il s'agit de capturer le général allemand. Cash se dévoue pour se déguiser en femme et le piéger. Là aussi Blake Edwards parvient magistralement à provoquer de nombreux gags hilarants. Rarement, j'ai vu un film avec une construction aussi sophistiquée mais où tout est du lisibilité suprême. C'est d'autant plus remarquable que le nombre de personnages ne cesse d'augmenter (et encore, je n'évoque pas les seconds rôles tous admirablement croqués) et que les situations fonctionnent comme un jeu de domino. Chaque action est liée avec la précédente et amène la suivante, c'est ébouriffant de précision.












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