samedi 9 janvier 2021

Miracle à Milan (Vittorio de Sica, 1951)

Les garçons naissent dans les choux surtout dans les contes et Miracle à Milan est un conte annoncé tel quel avec la phrase magique « il était une fois ». il était une fois une vieille dame qui vivait dans une petite maison au bord d'un ruisseau à quelques pas de Milan. Un beau matin, elle entend des pleurs de nourrisson. Dans son jardin, au milieu des choux, un bébé qu'elle adopte. Elle l'appelle Toto. Il a une bonne tête le Toto, il est gentil, il est la candide idéal pour aller visiter le Milan du début des années 1950 où la pauvreté et la solitude sont partout.

Tant que Toto est avec sa petite vieille, qu'ils passent du temps heureux ensemble, le temps est clément, il fait soleil, la vie est belle. Mais un jour deux docteurs entrent dans la masure, prennent le pouls de la dame (Vittorio de Sica joue toujours sur les duos qui sont en compétition en montrant leur ridicule) et le lendemain elle est morte. Il pleut le jour des funérailles, la pauvre gamin est seul derrière le corbillard et la ville est sous la neige quand il sort de l'orphelinat, après une ellipse invisible de plusieurs années.

Planches, carton, tôles, les frêles maisons du bidonville où Toto (Francesco Golisano) trouve refuge une fois sorti de l'orphelinat ne suffisent pas à se protéger du froid (tous les habitants de cette ville provisoire courent d'un rayon de soleil à l'autre pour se réchauffer dans un mouvement de foule qui doit tout au burlesque chaplinesque, la référence du cinéaste pour ce film), le vent balaye les cabanes, la neige et la gelée sont partout. Le mauvais temps est toujours dans Miracle à Milan synonyme de malheur. Place au bonheur avec le printemps.

Ellipse suivante avec le soleil et Toto, toujours souriant comme un benêt, qui vient reconstruire le village du bidonville. Nommer les rues : en place des noms classiques (mettons Grand rue), Toto propose d'apprendre des choses aux enfants. Il prend exemple sur sa grand-mère qui lui apprenait les tables de multiplication. Une rue s'appelle maintenant « Via 5X5=25 ». Gentil un jour, gentil toujours, Toto se met à égalité avec les pauvres, un type trop petit, il se baisse, un éborgné, il ferme un œil. Il devient vite le leader du bidonville.

C'est toute une foule qui peuple les lieux, avec autant de personnes, Vittorio de Sica ne peut que sélectionner que quelques personnages parmi eux. Il procède à la caricature, ce qui convient très bine, aux hommes (essentiellement) à forte personnalité. Des esquisses proches de la bande dessinée (Federico Fellini fera la même chose dans ses films). Le bidonville est habité par des gens disparates, on trouve une jeune femme amoureuse d'un Américain noir comme une famille qui se prend pour des bourgeois.

Cette famille a même une petite servante, Edvige (Brunella Bovo) bien maltraitée par sa patronne mais qui plaît beaucoup à Toto. Ici se dessine l'amorce d'une romance complexe en ce qu'elle est bloquée par les différences sociales. Vittorio de Sica remarque que même parmi les pauvres se créent des rapports de classe où tout se vend et s'achète (l'élément le plus marquant est la vente de siège pour observer le soleil qui se couche). D'ailleurs à qui peut bien appartenir ce terrain vague où s'est installé cette population de déshérités.

Le propriétaire arrive bientôt dans une voiture de luxe, portant un chapeau haut de forme et un manteau de fourrure. Le Monsieur Brambi veut vendre le terrain au Monsieur Mobbi. Les négociations vont bon train (les voix sont vite remplacées par des aboiements – rappel de Eisenstein comme de Jean Renoir dans La Vie est à nous). Ni Brambi ni Mobbi n'en ont rien à foutre des habitants mais Mobbi prétend le contraire. N'a-t-il pas cinq doigts comme eux ou comme Shylock. Mais tout cela va vite changer de ton.

C'est qu'un jour, quand un mat de cocagne est planté, du pétrole sort du sol. C'est alors que le pamphlet du film prend forme avec une narration en conte qui s'appuie sur des éléments tout à fait d'actualtié (en 1951 comme en 2021) : les pauvres ne comptent plus dès que du business peut rapporter plein de pognon aux riches. Évidemment, Mobbi fait appel à la police, ment à Toto et à la délégation venu plaider leur cause. Dans son immense palais, il leur offre du thé (ils auraient préféré du vin) et les enfume. Bravo le capitalisme sauvage.

Que reste-t-il quand la liberté est bafouée ? Faire de la magie. La grand-mère revient du ciel (mais poursuivie par deux anges) pour donner à Toto une colombe avec laquelle il pourra exaucer tous ses vœux. Pas dupe, Vittorio de Sica montre que la folie n'est jamais loin quand l'argent s'invite. Cette partie est l'une des plus délirantes du cinéma néo-réaliste, elle brocarde à peu près toute le monde (anges, habitants du bidonville, police, patrons) sauf Toto et Edvige qui s'enfuient de tout ce bazar sur des balais. Trop gentils, ils sauvent leurs amis ingrats.




































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