jeudi 14 janvier 2021

Aquarelle (Otar Iosselani, 1958)

Le cinéma d'Otar Iosselani est beau. Henri, la fameuse plate-forme de la Cinémathèque française permet de voir Aquarelle tourné en 1958 quand il était étudiant en cinéma. Il faut admirer le noir et blanc du film qui enlace cette famille très pauvre, Gennadi Krasheninnikov et Sofiko Chiaureli sont, respectivement, le mari et la femme de cette courte fable (9 minutes). Ils étaient eux aussi étudiants. Le mari est assis sur sa chaise au milieu de leur maison de bois, la femme lave son linge à la main. Trois marmots observent leur dispute.

Le mari a soir, il a envie de picoler. La femme l'engueule. Simple montage, lui, puis elle et les gamins qui balancent leur regard comme s'ils étaient devant un match de ping-pong. Dans ces premiers instants du film, c'est déjà de la comédie sur un ton noir, comme toujours chez Otar Iosselani, mais ça reste irrésistible. Pas d'argent pour du vin. Et l'engueulade continue. Elle fait sortir les enfants alors que eux ils veulent observer. Quand elle quitte la pièce, le mari se jette sur la boîte qui contient un billet.

Course-poursuite pour continuer, comme dans un burlesque américain du muet. Elle le poursuit à travers les rues. Il court se réfugier n'importe où. Ce sera un musée où ses pas pressés dérangent les quelques visiteurs. Ce qu'il voit le stupéfie, statues, aquarelles, dessins. Il interrompt son mouvement, reste bouche bée mais la matrone est derrière lui, alors la course-poursuite continue dans le musée. Le mari cherche à se cacher. Voilà un petit groupe de visiteurs avec une guide munie d'une longue règle.

Elle débite son texte de guide sans saveur, sans envie, mécaniquement. Elle passe d'une œuvre à une autre, avec ce même ton monocorde comme si l'art n'avait pas d'importance. Puis ce sera un autre groupe, un autre guide, cette fois joué par Otar Iosselani en personne, immense avec ses lunettes rondes, sa moustache et son nœud papillon. Même texte débité avec le même ennui. Mais l'aquarelle que le mari et la femme voient devant eux, devant laquelle ils s'arrêtent sans savoir vraiment quoi penser ni dire, ressemble à leur propre maison.

Dans un plan, la maison prend des couleurs, plus exactement c'est un teint sépia, à peine visible qui est bel et bien là au milieu du noir et blanc. Le film se termine avec l'artiste, en tout cas je le vois comme ça, qui vient se rappeler à la réalité. Dans les derniers plans, il peint cette maison que le couple avait fui, comme pour fuir la réalité, aller vers l'art sans le vouloir, c'est ce que dit la petite fable d'Otar Iosselani, à défaut d'alcool il y en a beaucoup dans les films suivants du cinéaste), il y a l'art, donc le cinéma.




























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