vendredi 8 janvier 2021

Au feu les pompiers (Milos Forman, 1967)

Et Milos Forman découvre la couleur. Sinon comment faire pour filmer le feu dans la nuit noire, la peau rose des jeunes filles pour le concours de beauté, la bière rousse dans les chopines que s'enfilent les villageois comme les pompiers. Et puisque Milos Forman tourne avec Au feu les pompiers son premier film en couleurs et son dernier film en Tchécoslovaquie, il se permet de ne pas en être à une contradiction avec l'uniforme bleu marine des pompiers, eux sont dépourvus de couleur, trop ternes et conformistes pour en avoir.

Au feu les pompiers est le film le plus drôle de Milos Forman, certains passages sont hilarants, je me suis surpris à rire aux éclats. Le rythme est crescendo et il ne doit rien aux comiques auxquels ils pourraient être comparés, par exemple Tati ou Buster Keaton. Dans ce grand chaos très organisé, ce à quoi ça ressemble est plus est le cinéma de Jerry Lewis (pour ses scènes de burlesque visuel comme celles de foule avec une composition saturée – surtout ici en 1:37) ou les Marx Brothers avec ce trio de pompiers qui forme l'arc narratif.

C'est tout la caserne qui apparaît dans les premiers plans. Avec astuce, Milos Forman fait tourner un objet entre chaque mains des pompiers, un sabre en l'occurrence, cadeau destiné à l'ancien capitaine de la brigade. On voit les mains pas encore les visages, ça viendra dans quelques instants mais leur discussion est instructive. Ils avaient raté les 85 ans dun bonhomme alors ils fêtent ses 50 ans de caserne. Seulement voilà, le vieil homme a un cancer mais il n'est pas au courant, alors chacun devra être subtil et tenir sa langue.

Se taire et tenir sa langue pour le cancer et pour le cadeau, ça sera possible mais les pompiers aiment parler, causer, discuter, gueuler, se disputer et plus la fête avance, avec la bière ingurgitée, moins il savent se tenir. Disons que ce rythme comique dans Au feu les pompiers est proportionnel à l'alcool, la foule, l'excitation. Jusqu'à ce que les situations passent totalement hors de leur contrôle. Pourtant le chef actuel de la brigade pensait pouvoir tenir ses troupes (ah les grognes incroyables choisies) et faire de la fête des pompiers une réussite.

Le premier échec est à cause d'un gateau englouti par quelqu'un, mais qui ?, ce devait l'un des lots de la tombola. Le chef accuse un de ses collègues, celui qui tient l'échelle pendant qu'un autre perché là haut fignole la banderole. C'est presque la blague du fou qui doit se tenir au pinceau quand l'autre enlève l'échelle. Dans la confusion qui se crée là, tout part en vrille dans un effet domino, donc par essence incontrôlable. Plus la situation est importante, plus le gag promet des récurrences comiques à la hauteur.

Les lots de la tombola ont droit à une suite filée de gags. Comme le gateau, les lots disparaissent petit à petit. Le chef pompier avait pourtant demandé à sa femme de surveiller (elle est jouée par la mère du pianiste des Amours d'une blonde), les voix montent dans les aigus. La femme dit qu'elle n'a rien vu puis avoue qu'elle a piqué le jambon aux herbes, qu'elle a fait comme tout le monde. Cette table sur laquelle les lots de la tombola ont été placés devient le centre de combat du mari et il s'en passe des choses sur et sous cette table.

Derrière le gag se cache une petite pique politique, surtout quand tout a été piqué alors qu'un pauvre vieux dont la maison a été brûlée, pile au moment de la fin de la fête, devait récupérer les lots. Lui demande juste un peu d'argent. Le barman de la fête fait d'ailleurs vite venir ses bières pour le vendre devant cette maison puisque tout le monde est sorti pour regarder l'incendie. Ici encore, la succession de gags est emmenée avec un sens comique d'autant plus incroyable que tout part d'une situation d'une tristesse infinie. Tout continue par le rire.

Au milieu de la foule qui danse et boit, les trois pompiers, ces Marx Brothers, se sont mis dans la tête de faire un concours de beauté. Ça court sur une bonne partie du film, il faut les voir arpenter la salle avec leur tronche de travers (Milos Forman a un vrai génie pour trouver ses acteurs avec leurs mimiques, grimaces, regards de côté) pour trouver des demoiselles qui acceptent de défiler. Les voilà à observer sous toutes les coutures les filles, comme de vieux saligauds. A quatre pattes pour regarder les jambes, debout pour comparer les visages et sur les balcons pour voir les poitrines.

Un père pousse pour que sa fille fasse partie du concours, il insiste, il insiste. Une mère veut rester dans la salle des délibérations. A vrai dire, les pompiers ne savent pas bien quoi faire de leur idée qu'il trouvait si formidable. Le défilé des jeunes femmes est en lui-même l'une des séquences les plus folles du film, un défilé un peu minable, franchement chaotique, comme une image du pays de Milos Forman qu'il va quitter après ce film pour partir aux Etats-Unis quand la chappe de plomb tombe en 1968. au cinéma, le chaos est bien plus marrant que l'ordre.








































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