vendredi 15 janvier 2021

Le Guet-apens (Sam Peckinpah, 1972)

Plus encore que dans Un nommé Cable Hogue, Le Guet-apens est un film entier sur l'échec, sur un plan supposé parfait qui n'en finit pas de foirer. A part en politique où c'est très pénible (surtout ces derniers temps), le loser est du pain bénit pour le cinéma, en mode comédie comme en mode thriller, ce qui est le cas du Guet-apens, Doc McCoy (Steve McQueen) est un cas analysé cliniquement d'un homme qui pensait avoir tout prévu, ce qui est souvent le cas, mais qui voit tout lui échapper dans un effet domino inexorable.

Avant de lancer son récit, Sam Peckinpah s'occupe dans son long prologue (près de 8 minutes) qui sert également de générique (avec ses habituelles images fixes pour les crédits, les noms) de montrer quelle est la vie de Doc McCoy. L'homme est un prisonnier, il est incarcéré dans un centre pénitencier du Texas. Ce que montre Sam Peckinpah est une routine infernale, il est anonyme (tous les prisonniers sont en uniforme blanc), il travaille dans des machines bruyantes (des métiers de tissage) ou en extérieur (nettoyer les bois).

La vie monotone est montée pelle-mêle pour accentuer le passage du temps. Doc a passé 4 ans derrière les barreaux avec les photos de sa chérie Carol (Ali MacGraw) accrochée au mur, construisant patiemment une maquette de pont et attendant une seule chose : sortir de là. Dans ce montage, Doc McCoy traverse la prison pour aller à son entretien pour une éventuelle remise de peine qui lui est refusée. Avec un regard provocateur, Jack Beynon (Ben Johnson), le directeur de prison s'y oppose. Mais Doc joue son atout, sa femme.

Ce qui se passe dans le bureau de Beynon reste non-dit, mais on s'en doute. Carol accepte de boire un whisky avec lui et arrange les choses. Les choses, cela comprend une sortie avancée de Doc de la prison pour un contrat que Beynon va lui expliquer dans un restaurant particulier, ils sont sur une barque d'une attraction foraine. Beynon lui présente les deux gars avec qui ils vont faire un casse, le moustachu Rudy (Al Lettieri) et le blond qui se prend pour un beau gosse Frank (Bo Hopkins). Les deux narguent Doc.

Le casse se prépare rapidement, Sam Peckinpah passe moins de temps à montrer les préparatifs que la vie en prison, il expédie l'affaire mais il montre les mécanismes d'ouverture du coffre-fort presque de la même manière qu'il prenait soin à filmer les matons ouvrir les portes de la prison le jour de sa libération. Il faut voir là une envie de rapprocher ces mécanismes qui conduisent d'une prison à une autre, Doc reste symboliquement le prisonnier de Beynon, il ne travaille plus dans l'atelier bruyant mais dans cette banque qu'il va cambrioler.

Tout ça pour en venir à ce qui va enrayer la mécanique du plan élaboré par Doc. Faux indice, Carol conduit la camionnette qui emmène Doc devant la porte du fond, mais elle n'arrive pas à faire démarrer le véhicule, provoquant un bouchon dans la rue et menaçant Doc d'arriver en retard pour aider les deux gugusses. Non, ce qui enraye la mécanique est la nullité de Frank qui tue le vigile de la banque, c'est toujours la même rengaine avec les mecs prétentieux. Dehors, de sang froid, Rudy tue Frank le laissant au regard de tous, dont trois enfants.

Dès lors se met en place trois récits parallèles avec une destination unique : le Mexique. D'une part Doc et Carol qui fuient en changeant régulièrement de voiture, ce sont eux qui ont le butin de 500.000 $. d'autre part Rudy salement amoché, laissé pour mort par Doc. Ce dernier est persuadé d'avoir tué Rudy, il n'avait pas remarqué qu'il porte un gilet pare-balles. Troisième parcours, les hommes de Beynon menés par son frère (John Bryson). Pour chaque groupe, c'est un parcours de combattants jonché de cadavres.

Le parcours de Rudy est le plus proche de la misanthropie de Sam Peckinpah. Il prend en otage un vétérinaire, Harold (Jack Dodson) et sa femme, la blonde Fran (Sally Struthers), d'apparence juvénile mais qui devient au fil du trajet l'objet sexuel de Rudy et s'avère très délurée. C'est un parcours étrange proche de la comédie sur un ton très noir puisque la violence de Rudy menace sans cesse le couple. Rudy se plaît à humilier le pauvre Harold, il l'attache à une chaise et fait l'amour sous ses yeux avec Fran.

Doc et Carol passent leur temps à se disputer. Il faut dire que Carol est un gaffeuse née, elle réussit l'exploit à se faire soutirer la valise qui contient le butin. Chaque fois, Doc doit réparer les dégâts. Sam Peckinpah avec un certain sadisme s'amuse à dégrader le couple (le coup de la benne à ordures). Mais on le sait, tous ces déboires ne peuvent mener qu'à une chose, le gunfight final avec ses fameux ralentis dans un hôtel à la frontière du Mexique. Il sera évidemment sanglant avec de nombreuses balles tirées, c'est pour cela qu'on aime Sam Peckinpah.

































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