mardi 5 janvier 2021

Gods and monsters (Bill Condon, 1998)

Le cinéaste et le jardinier. J'aime beaucoup Gods and monsters mais il reste toujours certains passages que je trouve gênant. Ce sont ces courts flash-backs censés montrer la difficile enfance de James Whale (Ian McKellen) dans le nord de l'Angleterre. Ces fragments de souvenirs arrivent par « flash », le cinéaste voit un élément qui le rapporte à ce passé (la tondeuse à gazon pétarade, la cheminée de l'usine où il travaillait à 14 ans). Il y a également la guerre, les tranchées, son premier amour avec si doux sourire qui meurt sur le front.

Les souvenirs sont nécessaires pour comprendre l'état d'esprit du cinéaste mais tant qu'à faire, il fallait laisser Ian McKellen raconter ça dans ses discussions sous le soleil californien à son nouveau jardinier Clay Boone (Brendan Fraser) puisque James Whale sait raconter des histoires. Ça fonctionne bien quand il décrit les folles soirées au bord de sa piscine avec le tout Hollywood gay. Puis comme si Bill Condon n'avait pas confiance à la puissance de ces souvenirs, ni à la voix puissante et chaude de son acteur.

Le film se compose de deux acteurs au jeu totalement opposé (ce ne sont pas les seules choses qui les opposent). Parlons en en tant que personnages. James Whale c'est l'élégance incarné. Il est très à cheval sur l'agencement des choses. Maison délicatement décorée de copies de toiles de maîtres que le cinéaste peint lui-même, fleurs en bouquet en abondance, coiffure impeccable (il a toujours un peigne à portée de main). En un mot, James Whale se met constamment en scène pour recevoir ce jardinier recruté par sa dame de compagnie Hanna (Lynn Redgrave).

Bill Condon commence son récit par Clay Boone, lui vit dans une caravane. Il arrive en débardeur blanc dans la demeure de Whale. En fin de journée, le débardeur est tout imprégné de sueur. James Whale adore, il en profite. Mais essentiellement, ce dont profite James Whale c'est le corps bien bâti de Boone qu'il se plaît dans plusieurs scènes à mettre nu et ce visage d'enfant qui surmonte ce corps, un visage prêt à toutes les mimiques d'étonnement. Prénommer cet homme Clay (l'argile en anglais) prend du sens, Whale compte le modeler à son goût.

En début de film, il s'amusait avec un jeune journaliste, Kay (Jack Plotnick), on remarque l'assonance des noms, à jouer au « strip poker », une question posée, un vêtement enlevé. Kay, tout émoustillé, se laisse prendre au jeu avec plaisir. Il finit en slip. Cela navre Hanna, la bonne russe très conservatrice qui juge sévèrement les frasques de son patron et déplore son appétit pour les jeunes hommes. Elle forme un couple étrange avec le vieillard, lui apportant son thé glacé dans son atelier, regardant son film avec lui bien assis sur des fauteuils.

Et aussi trouver un jardinier au goût de son M. Jimmy. Le grand dadais a bien compris que Whale est célèbre mais il n'a jamais entendu parler de lui. Jusqu'alors sa vie se limitait à la bière, la cigarette et les corps d'un soir. Clay va à la bibliothèque, se renseigne et accepte, non sans réserve, de devenir modèle du cinéaste sans qu'il soit réellement dit s'il ne manipule pas le jardinier. Ce qu'il lui dit pour le rassurer est contredit par ses œillades et son empressement à dénuder le gars qui s'était pourtant mis une chemise bien propre.

La postérité n'est pas une préoccupation de James Whale. Un soir au bar qu'il fréquente, Clay regarde Frankenstein sur une petite télé. Ses amis rigolent devant le film. Le lendemain, James Whale demande à Clay si ça lui a plu. Mais aussi s'il a ri. James Whale pense qu'il est normal que les gens rient parce que les monstres sont risibles. Il parle aussi de ses autres films, ceux qu'ils aiment plus que les deux Frankenstein, notamment son film de guerre mutilé par le studio, ce qui l'a poussé à prendre sa retraite.

Le film brode une fiction autour des derniers jours du cinéaste. Il est montré toutes les dernières fois de James Whale. Dernière réception mondaine chez George Cukor, dernière rencontre avec Boris Karloff et Elsa Lanchester, dernière envie de dessiner le portrait nu d'un bellâtre et de toucher ce torse glabre. Pour Clay, devenir l'objet du désir de Whale passe par une remise en question de son mode de vie. L'expérience le trouble mais lui permet de procurer une première fois, des années plus tard, montrer à son fils un film de James Whale, la postérité du cinéaste est assurée.































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