mardi 21 juillet 2020

Uranus (Claude Berri, 1990)

Depuis 30 ans qu'Uranus est sorti sur les écrans, je n'avais jamais encore trouvé le temps de le voir, pas plus que Germinal, le plus gros succès public de Claude Berri. Dans mon vague souvenir, la critique de l'époque trouvait dommage que le film renvoie dos à dos chaque personnage, résistant, collabos, attentistes. Il faut dire que somme toute, les fictions sur l'immédiat après-guerre sont rares, parce que c'est une période de grande confusion.

Le village dévasté par les bombes dans lequel se déroule Uranus est dans le Puy-de-Dôme, finalement un choix audacieux puisqu'il se passe dans cette région où Marcel Ophuls avait tourné Le Chagrin et la pitié, avec là aussi une vision qui ne convenait à l'esprit de concorde de l'époque (le film avait été censuré par la télévision). Ce village, Claude Berri le film en long et large dans un travelling qui suit une femme Madame Archambaud (Danièle Lebrun).

Le petit théâtre du film va prendre vie dans deux lieux. En haut, dans l'appartement commun où trois foyers vivent. Celui des Archambaud, madame est déjà présentée, elle est mariée à Monsieur (Jean-Pierre Marielle), homme au calme olympien, droit dans ses bottes, mais qui confesse aisément n'avoir jamais été résistant sans n'avoir vraiment soutenu Pétain. On dira qu'il est neutre. Ils ont deux enfants, jeunes adultes, l'aînée Marie-Anne (Florence Darel et le cadet Pierre (Hervé Rey) – on remarque la référence à Marianne en ces temps de renouveau patriotique.

Autre foyer, celui des Gaigneux, des communistes composé de Myriam Boyer et Michel Blanc, eux ont deux jeunes enfants. La mère Gaigneux s'enguirlande régulièrement avec la mère Archambaud dans un classique de la dispute sociale entre bourgeoisie passéiste et communistes. Mais les disputes restent anecdotiques, elles secouent de temps en temps la petite routine de Madame Gaigneux, personnage largement moins exploité que sa voisine et néanmoins adversaire. Alors que Madame Archambaux aura une intrigue secondaire.

Enfin, troisième foyer, celui d'un veuf, l'instituteur devenu cynique, Watrin (Philippe Noiret). Il fait la liaison entre le petit théâtre dans cet étage où un secret lui est dévoilé par Archambaud et le reste du village, notamment le café de Léopold (Gérard Depardieu). C'est dans ce café qu'il élit domicile pour faire la classe aux enfants en cette année 1945. Léopold fait sortir tous ses habituels clients, des vieux imbibés d'alcool et écoute avec passion les lectures de l'enseignant, il se prend de passion pour Jean Racine et se déclare, tout de go, poète.

Le secret qui va pourrir l'harmonie précaire du village s'appelle Maxime Loin (Gérard Desarthes), un collabo de la pire espèce. En ces temps d'épuration où les Gaullistes sont alliés aux Communistes, Loin ne peut pas aller bien loin. Il trouve refuge chez les Archambaux. Maxime Loin est du village, il revient chez lui tout en sachant bien qu'il est la proie des chasseurs. Il se cache à peine, il partage le lit de Pierre – ce qui ne convient pas à c dernier – tout en tombant amoureux de la jeunesse de Marie-Anne.

La jeune femme semble de primer abord peu présente dans le film, mais elle va vite influer sur tous les autres. Le collabo la trouve à son goût mais sans rien tenter, le voisin communiste l'admire, notamment parce que son épouse la déteste et elle a une amourette avec Michel (Dominique Bluzet) le fils de Monglat (Michel Galabru), l'homme antiquaire qui a su faire des affaires pendant l'occupation. Voilà, le premier point de la structure du récit, les hommes aussi opposés les une que les autres sont unis par la même passion.

Dans sa construction savante, Uranus passe d'un personnage à un autre, avec en son centre une accusation portée à Léopold par Rochard (Daniel Prévost), le chef de gare, un communiste trop zélé pour Gaigneux mais parfait pour l'édification des masses selon le membre du Parti venu de la grande ville, le Jourdan (Fabrice Lucchini), là Claude Berri se fait plus précis sur le rigorisme des communistes, fustigeant le partisan théorique – Lucchini – et plaidant pour celui qui agit pour le bien commun, l'esprit pratique – Michel Blanc.


30 ans plus tard, une drôle d'impression se profile, non pas le renvoi des salauds et des vainqueurs dos à dos, depuis quelques années on a droit aux différents points de vue – tout se vaut – mais plutôt que chacun joue un peu pour lui ou elle. Noiret fait du Noiret quand il se fait nostalgique, Lucchini se cherche encore, Prévost est visqueux à souhait devant l'ogre Depardieu avec son faux nez qui affirme boire seulement 14 litres de vin blanc par jour et déclamer ses vers qu'il compose, comme s'il faisait l'inverse de ce qu'il donnait pour Jean de Florette.






























Aucun commentaire: