mardi 7 juillet 2020

Sweet Charity (Bob Fosse, 1968)

Par une après-midi ensoleillée, Charity (Shirley MacLaine) file tout sourire, en sautillant, en virevoltant vers son rendez-vous amoureux pour une promenade à Central Park. Le fiancé, Charlie (Dante Di Paolo), un type au regard ténébreux. Totalement soumise, Charity s'est fait tatouer sur l'épaule un cœur avec en son centre le prénom de cet homme qui s'avère un vrai salaud. Sur un petit pont du parc, il la pousse dans l'eau pour lui voler son sac à main et l'argent contenu dedans. Elle manque de se noyer et part persuadée que son Charlie va revenir.

Le soir, elle a du mal à raconter ses mésaventures à ses amies et collègues. Charity travaille dans un cabaret, un métier fort peu noble, taxi girl comme on disait jadis, un fille qui pousse le client à consommer, à acheter des verres hors de prix pour la beauté de ses yeux. On se doute bien que Charity a sans doute rencontré ce Charlie dans ce lieu et qu'elle espérait qu'il la sorte de là, mais désormais sans argent, elle doit continuer de se vendre aux clients. Elle n'ose pas dire à Helene (Paula Kelly) et Nickie (Chita Rivera) qu'elle s'est fait larguer.

La travail est minutieusement décrit dans la première séquence et dansée de Sweet Charity. Les femmes sont toutes scrutées par la caméra de Bob Fosse dans ses allers et retours de la caméra, elles sont derrière une barre, finalement allégorie de la prison dans laquelle elles sont enfermées (un symbole qui reviendra à plusieurs reprises ce sentiment d'enfermement). Elles prennent des poses dans des gestuelles et mouvements saccadés totalement empruntées aux danses afro-américaines et latinos, c'est dire si Bob Fosse était en avance sur son temps.

Dans la plus belle séquence chorégraphiée, celle au Pompéi Club, Bob Fosse va encore plus loin. Dans un mouvement en trois actes, il mêle la musique chaloupée très inspirée par les boucles sonores de Henri Mancini. Le tempo s’accélère au fil des trois parties, les danseurs et les danseuses misent des combats de boxe, la lutte des sexes, dans des belles robes de soirée et de somptueux costumes. Cette chorégraphie a inspiré Beyoncé qui a repris cette danse dans son clip pour la chanson Get Me Bodied en 2006, c'est dire l'influence de Bob Fosse.

Lors de cette soirée au Pompéi Club, Charity a croisé une vedette de cinéma, un certain Vittorio Vitale (Ricardo Montalban), caricature plus vraie que nature du dandy italien. Dès le lendemain, elle revient avec un autographe qu'elle met dans son casier. Ses deux meilleures amies mais également colocataires, Helene et Nickie ont bien conscience que Charity est naïve sur les hommes. Sur la terrasse du cabaret, elles entament une danse à trois où les deux collègues tentent de lui ouvrir les yeux. Charity reste désespérément romantique, un jour son prince viendra.

Pour l'instant, elle veut changer de vie. L'humour dans Sweet Charity est toujours un peu cruel comme dans cet entretien dans une agence pour l'emploi où la jeune femme se rend compte devant les questions qu'elle ne sait rien faire. En tout cas, rien de ce que les Etats-Unis de l'époque peuvent proposer à une femme, un métier sous les ordres d'un homme. Il faut y dire un petit coup de pied au cul des comédies musicales où la femme n'est que l'objet de l'homme, par exemple My fair lady, en ce sens Sweet Charity est l'anti My fair lady, mais Charity a du chemin à faire.

C'est en ce sens que la scène finale se comprend. Alors qu'on s'attend à un happy end, avec des retrouvailles romantiques, Charity comprend surtout qu'elle peut être libre et entière sans homme. La fin n'est pas heureuse mais optimiste. Car cet homme rencontré dans un ascenseur qui tombe en panne (cette idée de l'enfermement évoquée plus haut) avec lequel elle se retrouve plus tard coincée dans un pneu lors de la chanson hippie de Sammy Davis Jr. (un excellent moment) et qui se dit adieu derrière les grilles du métro aurait pu être l'homme idéal.

Il s'appelle Oscar (John McMartin), un grand blond un peu timide. Il est amusant de voir que les femmes dans les comédies musicales s'entichent parfois de gentils bêtas, je pense aux Hommes préfèrent les blondes. Charity vérifie bien que cet Oscar ne va pas lui voler son sac à main et son argent. Charity payait tout à son Charlie, mais là Oscar a un porte-monnaie. Alors sans doute c'est l'homme idéal, attentionné, délicat et gentil. Pour l'instant, Charity préfère ne pas raconter son passé, elle est une nouvelle femme. Elle brode sur sa vie et se contente de suivre encore une fois le même modèle, elle reste dépendante de la volonté des hommes.


L'énergie incroyable de Shirley MacLaine est l'atout majeur, petite boule de feu avec ses cheveux roux, mais tout repose sur les chansons et les chorégraphies très physiques. Bob Fosse soigne ces moments et les porte à un niveau supérieur avec un génie particulier pour les couleurs vives (la « parade » en rouge devant Wall Street et la fontaine du Lincoln Center vides avec une actrice exaltant son bonheur), bien-sûr c'est un peu trop long à mon goût (2h30) mais par bonheur les danses et les chansons sont variées et d'une incroyable modernité.








































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