jeudi 23 juillet 2020

The King of Staten Island (Judd Apatow, 2020)


Staten Island est le district de New York City le moins présent au cinéma, les autres Bronx, Queens, Brooklyn et Manhattan ont tous eu des grands films, mais Staten Island que dalle, à part quelques scènes de Sœurs de sang de Brian De Palma et Working Girl de Mike Nichols, entre autres. C'est une île un peu à part, pas aussi peuplée que les autres districts, tout en collines, sans métro, seulement des rues qui montent et descendent et un train qui va du nord au sud.

Pour aller à Staten Island, il faut traverser des immenses ponts en voiture (comme au début du film) ou prendre le ferry gratuit (comme à la fin du film). Sinon, on reste toute sa vie à Staten Island, comme Scott Scalin (Pete Davidson) et ses quatre amis restent à Staten Island. Igor, Oscar et Richie sont dans le garage à fumer des joints, à boire de la bière, à draguer des filles réelles ou non et à s'imaginer ce qu'ils vont bien pouvoir faire de leur vie dans cette petite île.

Scott a une passion : le tatouage. Il a le corps tout tatoué. Un corps immense que celui de Pete Davidson, taille de joueur de basket, tout maigre et un visage d'enfant qui semble n'avoir jamais grandi. C'est quand même un drôle d'acteur, j'ai vu quelques sketches du Saturday Night Live, il est capable de dire les pires horreurs avec ce petit visage de bambin. Judd Apatow utilise ce bagout propre à Pete Davidson pour les longues joutes verbales, c'est parfait.

C'est lui le Roi de Staten Island, il se voit comme un tatoueur hors pair et il espère enfin en vivre. Car pour l'instant, il vit chez maman (Marisa Tomei). Sa jeune sœur part en début du film à l'Université. Ils s'aiment bien tous, mais chacun épuise l'autre. Il y a une plus grande tendresse dans The King of New York que dans Crazy Amy, chacun ayant été écrit par leur interprète, comme un palimpseste de leur propre vécu, fantasmes sexuelles et langage châtié.

Jusqu'à présent, Scott n'a jamais été embauché par aucun tatoueur. Dans une courte scène cruelle, il se fait rembarrer par un tatoueur qui ne lui propose que d'aller laver les chiottes et encore gratuitement. Certes, Scott n'est pas très doué. La preuve se trouve sur les bras et poitrails de ses amis (et de sa mère, la première sur laquelle il s'exerce), des dessins de gamin, mal fichus, surtout les yeux, l'un des gags récurrents du film.

Alors passe un gamin de 9 ans, Harold (Luke David Blumm), les gars sont au bord d'une plage de galets, à rien glander et Scott propose à ce gamin de le tatouer. Le môme accepte mais dès que l'aiguille commence à faire son œuvre, Harold crie et s'enfuit. Il ne reste sur le bras que le tracé de l'encre, comme un raté quand on écrit. Seulement voilà, le père d'Harold, le chauve à moustache Ray Bishop (Bill Burr) entend bien crier justice auprès de Scott.

Ce qui n'aurait pu être qu'un gentil gag se révèle le lancement du film. Judd Apatow a pris du temps pour créer la situation, pour circonscrire la topographie de Scott, ce gamin Harold va être le déclencheur de la nouvelle vie de Scott. Et également de sa mère qui va tomber amoureux de ce pompier divorcé et père de deux enfants. Mais aussi du souvenir de ce père pompier mort dans un incendie dont Scott enfouit les souvenirs sous ses tatouages.

Le ton est d'une grande lenteur, ce n'est pas un reproche, c'est son rythme, celui de Pete Davidson qui écrit le film sur Staten Island, celui qui n'a jamais été fait. Il prend un temps précieux pour peindre cet environnement. Pour dire la vérité, The King of Staten Island n'est pas franchement une comédie. Certes, on rit souvent aux petits malheurs de ce grand dadais, mais Pete Davidson et Judd Apatow se sont bien gardés de faire des scènes d'anthologie.

C'est au contraire une suite de portraits bien dessinés, l'inverse de ses tatouages. Les quatre amis sont les plus caricaturaux mais il esquisse la petite amie Kalsey (Bel Powley) avec plus d'acuité. On trouve ici Steve Buscemi en chef des pompiers, là un oncle qui accepte d'aider Scott malgré, des trajets à l'école avec les enfants de Ray et Marisa Tomei grandiose, elle emporte chaque scène avec tellement de douceur. Je suis tellement content d'aimer à nouveau un film de Judd Apatow.

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