dimanche 5 juillet 2020

Susana la perverse (Luis Buñuel, 1951)

Une chauve-souris, des rates, une araignée. La cellule de la prison où Susana (Rosita Quintana) est jetée n'est pas accueillante. Qu'a-telle bien pu faire pour se retrouver là ? On ne le saura pas mais les gardiennes de la maison de redressement la mènent sans gentillesse, la jeune femme se débat, elle est traînée et enfermée à double tour. Susana prie dieu et secoue les barreaux de la fenêtre, ils cèdent, elle s'échappe sous une pluie battante.

Trempée comme une soupe dans cette nuit d'orage, elle trouve refuge chez de riches propriétaires terriens. L'hacienda est vaste et les employés nombreux. Cette fois, les animaux ne sont pas répugnants, ce sont des oies et dindons que Luis Buñuel filme se promenant dans la cour quand ils sortent chaque matin, une manière de donner le nombre de jours de l'action du film, mais aussi des poules, des moutons et une jument qui met bat se jour-là.

Trois femmes et trois hommes sont au centre du récit de Susana la perverse. Susana est fort bien accueillie par Dona Carmen (Matilde Palou) qui se prend de pitié pour la jeune femme qui ne dit pas qu'elle s'est échappée de prison, elle lui offre le couvert et le gîte. En revanche, la vieille bonne Feliza (Maria Gentil Arcos), petite bonne femme superstitieuse (elle voit dans l'orage la part du diable) et bigote déteste dès le premier regard l'intruse.

Feliza met son grain de sel de partout. Comme elle n'a pas sa langue dans sa poche, elle fait vite des remarques sur Susana, voit en elle une catin, une moins que rien. Mais la bonne se fait rabrouer par la patronne. La vieille domestique est un personnage à double tranchant, mal fagotée, antipathique, elle fait de chaque chose une question morale. On a très envie de la détester parce qu'elle juge sans appel les autres, mais on sait aussi qu'elle est la seule à voir clair dans le jeu de Susana.

Les hommes de l'hacienda admire sans ambages la plastique de la nouvelle venue. Les simples employés entre lesquels elle passe pour se rendre au poulailler s'approche d'elle pour la caresser, pour lui tâter les fesses et tenter de l'embrasser. Ce sera le contremaître le premier, Jesus (Victor Manuel Mendoza), un type immense muni d'un fouet et portant un pistolet, qui tombe amoureux d'elle et demande aux employés de garder leurs mains pour eux.

Pour ne pas tenter les obsédés – ces simples employés sans éducation, il faut rappeler la catholicisme présent dans le sous-texte du film, donc des hommes qui ne répondent qu'à leur instinct comme les animaux – la tenue de Susana doit être plus correcte. Elle doit moins montrer ses formes, sa poitrine en tour premier lieu (Feliza aux seins avachis mal cachés par son gros gilet est la première à l'exiger), ses épaules et ses jambes.

Dès que les femmes ne regardent pas, elle dénude ses épaules et va voir les hommes. Elle se refuse à Jesus, comprenant bien que le fils du patron, Alberto (Luis Lopez Somosa) est attiré. Étudiant, il ne participe pas aux travaux de la ferme. Il lit. Il range ses nombreux livres. C'est dans sa bibliothèque que Susana échange son premier baiser avec le jeune homme. Alberto et Jesus sont jaloux l'un de l'autre sans pourtant réellement savoir si chacun a embrassé la belle.

Tout comme les barreaux de la fenêtre de la cellule cèdent très vite dans les mains de Susana, la cellule familiale s'effondre. Car c'est ensuite le patron de l'hacienda qui succombe aux charmes de Susana. Don Guadalupe (Fernando Soler). Il renvoie Jesus qu'il a surpris en train d'embrasser Susana. Elle se débattait dans les bras du contremaître, le patron pensait qu'il la violait. Mais Jesus a appris qu'elle s'est échappée de prison et entend bien la faire chanter pour avoir ses faveurs.

Susana est le prénom dont le symbole est la chasteté dira Alberto à Susana. Elle fait semblant de trouver ça charmant, de penser que le jeune homme puisse s'imaginer qu'elle est chaste. L'actrice joue de ses regards, elle paraît innocente quand les hommes la regardent, puis quand ils l'étreignent, Luis Buñuel filme ses yeux pleins de défis et son sourire en coin. Elle est experte dans l'art de la manipulation, elle fait tout pour arriver à ses fins.

Elle fait tourner tout ce petit monde en bourrique. Il n'est pas certain qu'elle puisse tirer son épingle du jeu. Car finalement, Susana dirige les hommes presque contre elle. Elle n'arrive jamais à tirer aucun profit de ses conquêtes. Le récit prend souvent des allures de télé novela tant les situations sont caricaturales. Luis Buñuel veut montrer l'étendue de l'hypocrisie des ces bourgeois mexicains dans tout leur minuscule splendeur.

Pour cela, il a recourt à un artifice singulier : la jument Lozana qui est l'unique préoccupation des hommes. Donnée comme mourante dès le début du film, elle revient à la vie dans une guérison inespérée. Toute la famille se réconcilie quand Susana est finalement arrêtée par la police dans un dernier plan où tout le monde sourit, heureux d'avoir chasser la perversité de leur domaine, des sourires de la bourgeoisie triomphante ravie que l'ordre social soit rétabli.



























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