mardi 20 février 2018

Tenue de soirée (Bertrand Blier, 1986)

Monique (Miou Miou) déverse un tombereau d'insultes sur son mari Antoine (Michel Blanc). Ils sont tous les deux attablés dans une boîte de nuit où un orchestre vient de lancer la soirée (la musique a été composée par Serge Gainsbourg, des mélodies assez proches de celles de l'album Love on the beat). Le couple se dispute, plutôt Monique exprime sans douceur sa lassitude, la mesquinerie de son couple, la vie misérable qu'elle mène.

Dans le flou du cadre, une silhouette commence à se distinguer, un corps massif s'approche, celui de Bob (Gérard Depardieu). Pendant toute la durée de Tenue de soirée, il ne quittera pas son pantalon de cuir et sa large chemise blanche, une manière de garder une intemporalité quand le récit se déroule sur plusieurs semaines. Bob arrive à leur table et fiche une grosse baffe à Monique qui va valdinguer sur le parquet.

Les rencontres dans les films de Bertrand Blier sont toujours épatantes et percutantes, celle de Tenue de soirée est la plus rapide, le cinéaste ne prenait même plus le temps de présenter les personnages, « ça fait chier la psychologie » déclare Bob à son nouvel meilleur ami. Il leur donne une liasse de billets de 500 francs, d'abord à Monique pour compenser la baffe puis à Antoine, parce que Bob le trouve à son goût.

Le pari du film est de faire de cette grosse masse qu'est Depardieu un être de tendresse qui fond devant le corps fragile de Michel Blanc. Il le trouve magnifique, les dialogues et répliques que lui a concoctés Bertrand Blier sont parmi les plus belles de son œuvre, un mélange de délicatesse et de vulgarité, Depardieu paraît un adolescent amoureux pour la première fois quand il fait sa déclaration d'amour à Michel Blanc, c'est très émouvant.

Mais Antoine aime Monique, au grand dam de Bob qui avait tôt fait de devenir son prénom (« comment tu t'appelles, Monique ? »). C'est qu'Antoine n'a pas envie de se faire enculer, il veut sentir l'odeur de sa femme. Le couple abandonne leur nouvel ami pour revenir dans leur camionnette aménagée en roulotte, ils vivent là, la première cause de la lassitude de Monique. Bob décide de les inviter, bien malgré eux en brûlant le véhicule, dans sa vie.

La vie qu'il leur promet les emmène dans les beaux quartiers. Si Bob a tant d'argent, c'est qu'il est cambrioleur. Dans la première moitié du film, ils se rendent dans plusieurs luxueuses demeures. Après une maison vide, première visite, chez Jean-François Stévenin et Mylène Demongeot, deuxième chez Jean-Pierre Marielle et Caroline Silhol, troisième chez Bruno Crémer. Trois saynètes au-delà du réalisme où sexe et revolver se croisent.

En trio pour l'instant, le film va se débarrasser de Monique avec l'aide de Pedro (Michel Creton). Le personnage de Miou Miou est difficile à tenir, certains diraient qu'il est ingrat, d'une misogynie d'un autre âge (celui où Bertrand Blier était le souverain du cinéma français), il faut d'abord le voir comme l'un des plus importants rôles de l'actrice, une mise en abyme de son pouvoir émotionnelle (« j'ouvre les vannes à la demande » dit-elle avant de pleurer).

Cette histoire d'amour en duo, entre Bob et Antoine passe par une petite maison en haut d'une colline. Bob est parvenu à ses fins, il a fichu à la porte Monique (elle rêve de Costa del sol, elle va se retrouver à tapiner). Evidemment, un jour, cette grosse brute de Bob ne s'intéresse plus à Antoine « tu ne me regardes plus depuis des semaines » lui reproche-t-il avec des yeux à la fois plein de passion et de désespoir (prix d'interprétation à Cannes mérité).


Sur l'affiche trônait le slogan « Putain de film ! », il aurait pu être lu « Michel Blanc se rase la moustache » (un an avant Gérad Jugnot dans Tandem). Antoine poursuit le film dans sa dernière partie avec un air de Françoise Sagan, petite robe, talons hautes, perruque blonde, tout heureux d'aller au bal avec son Bob, un finale d'une histoire d'amour tellement invraisemblable qu'elle en devient totalement réaliste.























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