mercredi 21 février 2018

Sacré Graal (Terry Gilliam & Terry Jones, 1974)


Comment figurer le moyen-âge au cinéma ? Pour l'équipe des Monty Python à l’œuvre dans Sacré Graal, c'est collecter les morts sur une charrette comme si c'était des ordures ménagères (l'appel dans la rue est fait par Eric Idle). C'est la chasse à la sorcière par les hommes du village qui veulent la brûler en place publique. C'est la rencontre entre une famille de paysans anarcho-marxistes et le roi Arthur incarné par Graham Chapman, roi des Anglais, comme les disent les sous-titres français, King of the Britons en anglais.

Les scènes du quotidien du moyen-âge sont donc pourvues du plus grand réalisme possible, ce qui en 1974 était très rare, si ce n'est dans les films de Pier Paolo Pasolini, en tout cas dans le cinéma britannique et hollywoodien, le sale, la boue, les pustules, tout ce que l'on voit dans Sacré Graal, est présent à l'écran, dans une volonté d'en montrer tout ce qui n(est jamais vu, plutôt que les nobles et souverains, Terry Gilliam et Terry Jones appuient leur univers sur l'envers du décor, une manière totalement opposée au Camelot, atroce comédie musicale de 1967.

Cet envers du décor consiste par exemple à ce que les chevaux soient remplacés par des noix de coco que Patsy (Terry Gilliam) le rustaud écuyer du roi frappe l'un sur l'autre pour simuler les pas de leurs montures. Les observations des paysans (Michael Palin et Terry Jones) sont anachroniques quand Arthur leur parle dans un langage conforme à l'idée qu'un spectateur peut se faire du moyen-âge. Ils poussent l'idée avec l'intervention d'un historien tout à fait contemporain, pauvre vieux qui se fait trucider par un chevalier.

Quant à l'histoire proprement dite de la quête du Graal, les Monty Python la déploient dans le deuxième segment du film avec les gestes des chevaliers de la Table Ronde. Comme à leur habitude, les membres de l'équipe se partagent les rôles, jouent plusieurs personnages, plusieurs figures parfois fugaces. Terry Gilliam s'occupe des enluminures dans les sections animées qui introduisent chaque geste. Le récit est en général extrêmement décousu, une suite de sketches de valeur inégale (mais souvent les sketches sont bons).

Les chevaliers ont ainsi quelques aventures en solo. Sire Robin (Eric Idle), suivi d'un troubadour qui narre ses exploits se retrouve face au chevalier à trois têtes et esquive la bataille. Sire Galahad (Michael Palin) se retrouve au château d'Anthrawface à 150 jouvencelles, dans sa chasteté il est effrayé par ces demoiselles. Sire Lancelot (John Cleese) massacre de nombreux invités à un mariage après avoir reçu l'appel au secours du fils d'un seigneur local, croyant qu'il allait sauver une jeune femme.

Parmi les meilleurs moments du film, mes préférés vont à l’absurde absolu. Ce chevalier noir qui se voit sectionné par le roi Arthur successivement des bras et jambes tout en continuant de narguer son adversaire qu'il traite de lâche. Et la rencontre avec les chevaliers du « Ni » (Michael Palin décidément celui qui a les meilleurs moments) qui ont une exigence saugrenue, demander un jardinet. Le léger zozotement de Michael Palin quand il prononce « shruberry » me remplit de joie à chaque nouvelle vision du film.


Les animaux sont présents diversement dans le film, les chevaux sont certes absents, mais une mégère frappe un chat contre son mur, on cause d'hirondelle qui porte une noix de coco, des Français (menés par John Cleese avec dédain face aux chevaliers) envoient tous les animaux de la ferme sur les tronches des chevaliers après l'attaque au lapin de Troie, enfin dans la scène finale, c'est un lapin blanc féroce qui décime une partie des chevaliers. Il ne faut pas oublier l'élan qui intervient dans le générique d'ouverture traduit en faux suédois.

























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