vendredi 9 février 2018

Cœurs brûlés (Josef von Sternberg, 1930)

Il existe deux sortes de Légion étrangère. Ce grand gaillard qu'est Tom Brown (Gary Cooper) appartient la première. Il est légionnaire au Maroc, à Mogador. Quand sa troupe revient en ville après avoir erré des semaines dans le désert, toutes les femmes l'attendent avec impatience. Tom est le plus grand de tous, on le remarque immédiatement au milieu de la légion. Il est si grand qu'il doit se baisser chaque fois qu'il passe une porte.

Arrivée sur le port, Amy Jolly (Marlene Dietrich) appartient à la légion étrangère des femmes qui fuient leur destin et vont se perdre dans les cabarets. Elle est française (elle dit quelques répliques et entonne une chanson en français). Sur le quai, elle se fait aborder par un personnage mondain, Le Bessiere (Adolphe Menjou), plus âgé qu'elle, et lui donne sa carte au cas où elle est besoin de se sortir du moindre problème.

Elle a été engagée dans un cabaret dirigé par le jovial Tinto (Paul Porcasi). Il entre sur scène portant une énorme boucle d'oreille et annonce sa prochaine vedette, Amy qui devra chanter sous les huées du public, ce qu'il ne manque pas de faire. Elle débarque en costume d'homme, chapeau claque et attise le désir des hommes (des légionnaires, des hommes riches) et la jalousie des femmes (elle embrasse sur la bouche l'une d'elles).

Tom Brown est assis au premier rang, non point pour Amy mais il a deux rendez-vous amoureux, une gitane et Madame Caesar, l'épouse de son lieutenant, avec laquelle il a une liaison. Ces scènes dans le cabaret permettent à Josef von Sternberg de passer d'un gros plan d'un visage à un autre dans un jeu de lumières pour finir avec ceux de Tom et Amy qui finiront enfin dans un même plan comme pour sceller leur lien.

Dès leurs premières scènes, Tom puis Amy sont montrés comme des personnages indépendants. Tom se fait gronder par son chef quand il regarde des femmes. Dans le cabaret, il est le seul à applaudir à tout rompre la chanteuse quand tout le monde continue à la huer. Il a constamment un petit geste narquois quand il salue quelqu'un, il passe sa main devant son visage puis s'en va sans oublier de se courber.

L'arrivée de Amy est magnifique, elle déchire la carte du mondain Le Bessiere en huit petits morceaux qu'elle met dans sa main gauche et de son index les jette par dessus bord, non sans avoir bien attendu que l'homme l'observe. Sa grandeur quand elle entre en scène est du même acabit, elle arbore une fierté incroyable qui masque la faiblesse que l'on va découvrir. Ce regard hagard en fin de film, cette manière de tourner sa tête exprime le désespoir.

Ce désespoir est celui de perdre Tom Brown. Il est puni par Caesar et doit retourner en garnison dans le désert pour chasser quelques rebelles. Une période où Amy accepte, par pur confort, la compagnie de La Bessiere, ils organisent leurs fiançailles. Mais dès que le son du tambour de la légion retentit dans la rue, elle quitte le dîner et se précipite dans un excès de passion pour retrouver son soldat.


Cette scène est l'une des plus belle et des plus troublante du film, d'un romantisme échevelé. Le cinéaste utilise les décors pour appuyer la passion. La maison de Le Bessiere est gigantesque, démesurée, des grandes portes (où Tom Brown n'aurait pas eu besoin de se courber), des meubles chics, mais Amy choisit le désert, son aridité, le dénuement total, le sable chaud, pour poursuivre sa vraie histoire d'amour avec son beau légionnaire.



























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