lundi 9 octobre 2017

Téhéran tabou (Ali Soozandeh, 2016)

J'en faisais la remarque en ce début d'été avec la sortie d'Avant la fin de l'été, le cinéma iranien est en ce moment l'affaire des exilés, personnages ou cinéastes (parfois les deux). Téhéran tabou confirme cette tendance, film produit par l'Allemagne par un jeune cinéaste iranien Ali Soozandeh. L'animation en rotoscopie, procédé rarement utilisée depuis A scanner darkly de Richard Linklater, offre la possibilité de créer la ville de Téhéran, ses rues grouillantes, ses quartiers populaires, sa grisaille ambiante.

Tout commence dans un taxi, il neige, une femme avec un enfant grimpe dans le véhicule, elle porte un foulard rouge sur la tête, chevelure légèrement apparente. Le conducteur reconnaît son manège, elle se prostitue. Cette ouverture pourrait être vue comme un hommage à Abbas Kiarostami, le cinéaste de la liberté des femmes iraniennes comme de leur absence de liberté, on trouvait une scène similaire dans Ten. Cette femme, comme toutes les autres de Téhéran tabou, est la proie des hommes.

Elle cherche à divorcer, son époux, en prison ne veut pas, elle se retrouve prisonnière de cette situation. L'imam au tribunal révolutionnaire refuse d'accéder à sa demande, il en sera de même pour un emploi (il faut l'autorisation du mari) et pour l'inscription à l'école de son fils (il faut l'autorisation du mari). Couplet sempiternel qui reviendra tout au long du film, tout comme ces questions du photographe sur les raisons de faire une photo, changeant le fond selon chaque situation.

Notre mère courage a du répondant, l'imam devient son amant occasionnel, lui qui prône la fidélité et encourage les bonnes mœurs en vigueur en Iran. Il lui dégote un appartement et c'est le voisinage qui entre dans le récit. Un jeune voisin, DJ à ses heures, se voit refuser d'éditer ses morceaux (pas assez musulmans), il joue dans des lieux privés où les femmes sont libres de s'habiller comme elles le veulent, de boire et fumer. C'est là qu'il rencontre une jeune femme et qu'ils baisent dans les toilettes.

Une jeune épouse, enfin enceinte, au grand contentement de sa belle-mère qui ne cesse jamais d'être sur son dos, de lui donner des ordres, de chercher à l'occuper. Elle aussi voudrait travailler, mais son époux, à la barbe naissante du croyant en devenir, refuse de lui donner son autorisation. Le tabou de ce Téhéran est multiple, le titre aurait pu être au pluriel, la sexualité, le droit de choisir son destin, la liberté d'expression. Le récit devient de plus en plus oppressant et le dessin de plus en plus sombre confirmant le destin bouché des protagonistes.


L'enfant de la jeune femme au foulard rouge est muet. Son activité favorite est de lancer des bombes à eau avec un préservatif. Il observe en silence tout cela. Il est la métaphore du public devant Téhéran tabou, un spectateur muet parfois souriant quand ses bombes à eau éclaboussent les personnages les plus sinistres, quand ses facéties détournent le regard vers un peu de légèreté, mais c'est un spectateur également pris dans l'étau de la lourde charge du cinéaste, qui a pourtant bien raison de rappeler ce qu'est l'Iran de nos jours.

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