jeudi 19 octobre 2017

La Belle équipe (Julien Duvivier, 1936)

La Belle équipe entame et conclut son histoire par des fleurs. Huguette (Micheline Cheirel) travaille chez un fleuriste, elle attend avec grande impatience la fin de la journée pour retrouver son amoureux Mario (Raphaël Medina). Ce sont deux horizons opposés mais communs, Huguette est orpheline, elle n'a plus que sa grand-mère, elle travaille déjà, elle est jeune et innocente, Mario n'a plus de patrie, c'est un exilé qui ne cesse de se cacher, de vivre derrière les murs par peur de la police, ce qui n'arrange pas les rendez-vous que les deux amoureux se donnent le soir.

Mario a beau être sans pays, il n'est pas sans amis. Il les retrouve au café du coin, une belle équipe toujours partante pour faire quelques aimables facéties, comme secouer la machine à lots pour que Mario puisse offrir un petit cadeau à Huguette. On trouve Raymond dit Tintin (Raymond Aimos), véritable Titi parisien tout en loufoquerie et joie de vie, Jacques (Charles Dorat) ne rêve que voyage et Amérique, Charlot (Charles Vanel) et Jeannot (Jean Gabin), ces deux derniers, en tant que tête d'affiche du film de Julien Duvivier sont les plus raisonnables.

Les premières scènes de La Belle équipe se déroulent dans ce café puis, parce qu'aucun d'eux ne travaille et qu'ils n'ont pas le sou, les amis se retrouvent dans la piaule de Jeannot. Julien Duvivier filme la façade de cet immeuble gris et uniforme dans son intégralité dans un grand mouvement circulatoire des personnages dans les couloirs et les escaliers (25 ans avant Jerry Lewis dans Le Tombeur de ces dames). Jeannot, comme certains de ses voisins, se plaint de la rapinerie du propriétaire qui en retour se plaint qu'ils ne paient pas les loyers.

Grâce à un billet gagnant de la loterie, ils vont pouvoir partir de ce taudis. Quand ils gagnent, le propriétaire est tout miel, tout en obséquiosité, et les amis offrent du mousseux à tout l'immeuble qui se presse dans la piaule de Jeannot. Dans un beau raccord, Julien Duvivier filme le passage des chaussures usées et trouées aux souliers vernis dans lesquels ils ont un peu de mal à marcher sans claudiquer. Au lieu de dépenser l'argent dans des projets personnels (Jacques veut partir au Canada, Mario s'enfuir avec Huguette), propose d'acheter une guinguette en commun.

Paris était filmé de nuit, la campagne sera filmée de jour. Une belle maison au bord de la Marne, tout en ruine mais Tintin qui a tôt fait de grimper sur le toit est ravi de pouvoir travailler, de la restaurer. Dans la pièce commune du rez de chaussée, chacun a son petit lit et chacun est le président, démocratie totale, personne ne dirige, personne ne se soumet à l'autre. Les travaux avancent vite. Huguette vient voir Mario tous les soirs après son travail et, par pudeur, rentre à Paris chaque soir, c'est que même chez les gens les plus libres comme ceux de La Belle équipe, on ne badinait pas avec la vertu.

La guinguette doit ouvrir pour Pâques, la belle saison des fleurs du printemps, c'est une promesse que se font les amis. Seulement voilà, Jacques a le béguin pour Huguette et préfère s'enfuir et quitter l'aventure, seulement voilà, un gendarme (le sympathique Charpin tout droit sorti de Pagnol) vient expulser Mario (rien n'a changé depuis 1936), seulement voilà, un orage s'abat sur la guinguette pas encore achevée et fait s'envoler les tuiles que Tintin venait de poser (scène nocturne, comme pour rappeler que la nuit est synonyme de malheur). Tous se retrouvent couchés sur le toit sous les trombes d'eau.


Alors entre en scène Gina (Viviane Romance), le deuxième personnage féminin du film. Epouse de Charlot, mais séparée de lui, Gina vient réclamer sa part de la loterie. Gina est l'inverse de Huguette, elle est délurée, provocante et au caractère bien trempée. Jeannot capitule à son charme, sans en parler à Charlot. Les fleurs des cerisiers commencent à s'épanouir sur le bord de la Marne mais ni Charlot ni Jeannot ne sont à la fête pour l'ouverture de la guinguette qui verse lentement mais sûrement dans la mélancolie, pour la fin originelle que Julien Duvivier et Charles Spaak avaient tourné, désormais unique version.























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