lundi 2 octobre 2017

Cosmopolis (David Cronenberg, 2012)

La première scène des Promesses de l’ombre se passait chez un coiffeur (Azim's Barber), avec son sens du raccord entre ses films, David Cronenberg offre un objectif à Eric (Robert Pattinson), il veut aller se faire coiffer à l’autre bout de la ville, de Wall Street à cet endroit à l'opposé de New-York où il va se rendre en limousine. Son garde du corps (Kevin Durand) lui déconseille ce trajet, le président est en ville et tout est quadrillé. Cosmopolis suit ce parcours, la plupart du temps à l'intérieur de ce véhicule où la rumeur, les bruits et les manifestations de la ville sont inaudibles.

Après trois films avec Viggo Mortensen, Robert Pattinson endosse le costume du héros cronenbergien, mâchoire carrée, yeux et cheveux clairs, grande forme physique, à ne différence près, c'est la première fois que ce héros est aussi jeune, un jeune loup de la finance, fondateur d'une start-up, son associé Shiner (Jay Baruchel) est tout autant juvénile et son trader (Philip Nozuka) encore plus gamin, habillé en étudiant geek. Ils sont les deux premiers personnages à faire un bout de chemin avec Eric et à annoncer la banqueroute de leur boîte (le yuan a chuté).

Cosmopolis est le film le plus linéaire de David Cronenberg, d'un point A à un point B, inexorablement, sans bifurcation ni détour, mais comme le plus grand cinéaste canadien de tous les temps n'aime pas la simplicité, ses personnages qui grimpent dans la limousine ou ceux qu'Eric va voir hors du véhicule arrivent sans aucune explication. Et surtout aucune psychologie, uniquement des dialogues phatiques qu'Eric écoute sans jamais lever un sourcil, sans jamais exprimer le moindre sentiment, Robert Pattinson est admirablement dirigé, tout en froideur.

L'épouse d'Eric, Elise (Sarah Gadon), est une beauté blonde aussi glaciale que lui. Ils se rencontreront trois fois, dans un café, une librairie et enfin devant un théâtre. Comment parvient-il à savoir où elle se trouve, là est l'un des mystères du film. Tout ce qu'il trouve à lui dire est qu'il a envie de lui faire l'amour (have sex). Elle remarque qu'à chaque rencontre, son beau costume bien repassé perd un accessoire, d'abord ses lunettes noires, puis sa cravate, enfin sa veste. Elle lui dit qu'il pue les sécrétions sexuelles, droit dans les yeux, il dément avoir couché avec d'autres femmes. Evidemment il ment.

Dans sa limousine, il baise avec Didi (Juliette Binoche, une scène très courte), puis invite son médecin, le Dr. Ingram à faire son check-up quotidien, il subit une coloscopie qui semble lui prodiguer un orgasme (j'ai pensé à la scène de l'implant du pod entre Willem Dafoe et Jude Law dans eXistenZ), observé par Jane (Emily Hampshire) qui place sa bouteille d'eau entre ses cuisses, enfin, dans un appartement, il couche avec Kendra (Patricia McKenzie), sa deuxième garde du corps. Il demande à recevoir un coup de son taser, car Eric veut vibrer à nouveau.

Une émeute a lieu dans New-York, la limousine est entièrement taguée, défoncée par les manifestants. Leur symbole est le rat, leur slogan est « un spectre hante le monde ». Deux d'entre eux débarquent dans le restaurant où il s'apprête à manger avec un rat dans chaque main. Sur le trottoir, un homme s'immole. Devant le garage des limousines, Eric se fait entarté par André (Mathieu Amalric), devant des caméras et photographes. « Ces limousines, où passent-elles la nuit ? » demande Eric, en écho avec Holy motors sorti en même temps.

Après trois titres programmatiques (A history of violence, Les Promesses de l'ombre, A dangerous method, tous composés d'un terme annonçant la noirceur), il revient à un titre composé d'un seul mot, comme Videodrome, Scanners, eXistenZ, où une entité chapeaute le récit, ici le Complex (le centre dans les sous-titres), une entité dont on ne saura jamais rien, mais le garde du corps ne cesse de s'y référer. L'énigme atteint son paroxysme avec la rencontre entre Eric et Benno Levin (Paul Giammati). Ce dernier loge dans un taudis situé juste en face du garage pour limousine.

Benno, à moins qu'il ne s'appelle Richard Sheets, accueille Eric avec la ferme intention de le tuer. Eric veut d'abord connaître son vrai nom, pas son pseudonyme. Benno ne vit pas seulement dans un taudis rempli d'un bric-à-brac (quand Eric veut pisser, il se rend dans des chiottes où les excréments tombent à l'étage du dessous). Qui est vraiment Benno, je ne le saurais vraiment le dire, car au fil du long dialogue (20 minutes) qui se termine par un plan noir cut, je n'en arrive qu'à une seule conclusion, Benno est Eric après sa chute, sa faillite, comme un retour vers le futur.























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