jeudi 5 octobre 2017

La Fin du jour (Julien Duvivier, 1938)

Le train doit partir dans 12 minutes mais cela n'empêche pas le fameux comédien Saint Clair (Louis Jouvet) de prolonger la dernière scène du dernier acte. Tout le reste de la troupe a déjà emballé les costumes et accessoires dans des malles, prête au départ, à grimper dans le train pour poursuivre la tournée. Notre brillant dramaturge aux cheveux poivre et sel quitte la troupe. Ses jeunes collègues comédiennes aimeraient tant le suivre mais il leur déclare qu'elles ne le peuvent pas, qu'il retourne à un monde de luxe et mondanité auquel elles n'appartiennent pas.

En catimini, l'un des accessoiristes explique que Saint Clair ne va pas vivre dans un château mais à l'Abbaye, une maison de retraite pour anciens comédiens (eux-mêmes la nomme un asile) dans un village perdu de Provence. L'Abbaye est le royaume des cabotins, parmi les règles, une qui leur interdit de donner des représentations tant qu'ils sont pensionnaires. C'est une pension privée mais au bord de la faillite, le directeur annoncera au milieu du film que les comédiens devront rejoindre une maison de retraite normale.

Saint Clair retrouve des gens, des pairs, des collègues qu'il connaît bien. Il retrouve son ennemi intime, Marny (Victor Francen), retiré des planches depuis des années, comédien talentueux mais qui n'a jamais eu aucun succès public « on ne joue plus Racine aujourd'hui ». Il retrouve Cabrissade (Michel Simon), facétieux comédien qui a attendu toute sa vie de pouvoir prendre le premier rôle dans L'Aiglon, il était le doubleur de Lucien Guitry. Deux personnages qui ont souffert toute leur vie de l'absence de reconnaissance public.

Cabrissade est un joyeux drille, la bête noire de l'intendant parce qu'il ne respecte aucune règle. En ce jour où débute La Fin du jour, il est accusé d'avoir cueilli les fleurs du jardin. Il présente ses excuses au directeur et promet de ne pas recommencer, mais il ne les a pas coupées, ce sont les anciennes comédiennes de la pension qui ont ramassé ces fleurs pour accueillir le bellâtre qu'est Saint Clair, et en tout premier Madame Tosini (Sylvie) l'une de ses amoureuses d'antan qui n'a jamais oublié leur romance fugace.

Les femmes sont le beau souci de Saint Clair et il avait volé jadis celle de Marny, voilà pourquoi ce dernier voit d'un bien mauvais œil l'arrivée de ce Don Juan vieillissant mais qui séduit toujours autant, grâce aux mots, grâce au théâtre, grâce à sa manière de faire croire aux femmes qu'elles sont son première amour, ces deux comédiennes qui lui offrent des fleurs l'ont entendu cette ritournelle et elles sont prêtes, malgré tout le mal qu'il leur a fait, malgré leur âge, à succomber à nouveau au charme mortifère de Saint Clair.

Cette mort qui rôde est celle de cette femme volée à Marny et ce dernier ne sait pas si elle s'est suicidée lors de cette chasse ou si c'était un accident de fusil. Plus de 30 ans de questions, de doutes et de haines. Julien Duvivier donne la réponse quand arrive la jeune Jeannette (Madeleine Ozeray), serveuse du café où les pensionnaires viennent se divertir. Elle tombe sous le charme de Saint Clair qui lui promet monts et merveilles avant de s'enfuir de l'Abbaye pour filer à Monte Carlo dépenser l'argent de la bague précieuse dont il a hérité d'une ancienne amoureuse.


Ces trois comédiens aux carrières différentes mais au destin commun sont trois solitudes. Chacun tente d'oublier leur triste sort par différents moyens. Cabrissade trouve refuge dans la sympathie d'un camp scout, ce sont comme des enfants qu'il n'a jamais eu, Marny ne vit que dans les souvenirs et Saint Clair s'invente une vie qui détruit les autres. La Fin du jour commençait sur un joyeux ton de comédie (Michel Simon en tête) pour se finir dans une mélancolie térébrante avec la pièce que vont jouer les comédiens pour sauver la maison de retraite.


























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