vendredi 1 septembre 2017

Petit paysan (Hubert Charuel, 2017)

Petit paysan fait a priori partie de cette génération de films français récents dont la fiction est très largement documentée (Hippocrate, Médecin de campagne, Grand central etc), on prend une profession et on suit le parcours de son héros modeste mais tellement vrai. Hubert Charuel pour son premier film décide, et c'est une très bonne idée, de se démarquer et d'ouvrir sa fiction par une séquence onirique. Pierre (Swann Arlaud) se réveille, ses vaches noires et blanches sont dans sa chambre, dans sa cuisine, dans toute sa maison, il a bien du mal à se glisser entre elles.

Ce rêve, presque un cauchemar, indique une chose, Pierre ne vit et respire que pour ses vaches. D'ailleurs il les nomme chacune, leur parle et dit que ce sont des filles. Elles ne sont pas des femelles pour lui. Ce sont des membres de sa famille. Sa famille humaine, parlons-en. Sa sœur Pascale (Sara Giraudeau), vétérinaire, lui reproche un peu vertement ce terme de fille. Ses parents sont toujours sur son dos, surtout sa mère qui fait office d'agence matrimoniale et verrait bien son fils se marier avec la fille de la boulangère.

Seulement voilà, à 34 ans, Pierre n'a pas d'autre vie que celle de petit paysan. Il a repris l'exploitation de la ferme familiale, une trentaine de vaches laitières et y consacre tout son temps. Hubert Charuel n'a pas besoin d'appuyer l'aspect documentée du film en explications dialoguées. D'abord parce qu'on connaît la vie des paysans si on a vu la trilogie Profil paysan de Raymond Depardon, ensuite parce qu'il fonctionne par touche souvent sur le mode comique pour décrire l'univers et la vie restreints de Pierre.

Ainsi, le soir Pierre consulte Internet (car il est moderne) et subrepticement on découvre un babyphone sur son bureau. Là, il entend les râles d'une vache qui va vêler. Alors, oui, le cinéaste filme Swann Arlaud en train de sortir le veau de sa mère, oui, tout est bien sanguinolent. La scène n'est pas seulement troublante et belle à la fois, elle lance le récit avec la naissance de ce veau que Pierre considère comme son fils. Il est telle la paysanne soviétique dans La Ligne générale d'Eisenstein et son veau Fomka.

Le film abandonne rapidement sa part bucolique pour un récit plus dur, les vaches de Pierre sont malades. Une sournoise maladie bovine rôde. Ce qui est important dans Petit paysan n'est pas tant l'inéluctable destin (les vaches sont effectivement malades, Pascale le confirme, il faudra par ce fameux principe de précaution les abattre) mais la place de Pierre au milieu des autres personnages, une place de plus en plus isolée et un comportement qui change par rapport à tout ce que le film avait décrit jusque là.

Dans sa nouvelle vie de « hors-la-loi », Pierre invite la fille de boulangère à dîner, elle le traitera avec condescendance. Il sort avec ses trois amis, d'abord à la chasse puis pour faire une partie de bowling. Il accorde quelques moments au vieux paysan qui perd la boule. Il leur cache la maladie bovine, il leur ment, il devient irascible. C'est pathétique et touchant, puis troublant quand il rencontre un dingo belge. Hubert Charuel trouve toujours le ton juste, ne se laisse jamais emporter par l'écueil du lyrisme.

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