lundi 11 septembre 2017

Barbara (Mathieu Amalric, 2017)

Dans cette mise en abyme, dans ce film sur le tournage d'un film, j'ai un peu du mal à comprendre pourquoi Mathieu Amalric s'est senti obligé de ne pas jouer sous son propre nom et donner à Jeanne Balibar le prénom de Brigitte. La longue aventure cinématographique de cet ancien couple aurait pimenté le vertige, mais comme le dit Mathieu Amalric, il fallait un peu de comédie, donc de fiction. Voilà donc Jeanne Balibar qui joue Brigitte qui joue Barbara. Cela dit, lors d'une séquence de tournage, on voit sur un clap le nom du chef opérateur de Barbara.

Brigitte est censée être une actrice internationale, oui, son imprésario lui parle en anglais, elle se déplace en taxi et demande à venir sentir l'humeur de Paris au bord d'un pont. Ensuite, s'enchaîne la première scène où elle incarne Barbara, chez elle, dans son appartement, devant un piano, le soir. On sonne à la porte, sa maman (Aurore Clément) lui rend visite. Barbara la vouvoie. Le vouvoiement, tellement désuet, tellement beau, sera la norme entre Brigitte et Yves. « Coupez » dit ce dernier et les techniciens rangent le décor sans se soucier des deux actrices.

Le récit des tournées de Barbara navigue sur une petite décennie avec des repères donnés ici et là. On commence au début des années 1980 (avec une faille temporelle en 1978, un journal annonce la mort de Jacques Brel et Barbara s'effondre), en fin de film on sera au début des années 1990 (Barbara dans sa maison de campagne donne à qui le veut les numéros de téléphone des membres d'Act Up produisant un effet choc avec 120 battements par minute). Ici, on voit un large extrait de Franz le film réalisé par Jacques Brel avec Barbara en 1971.

Film d'époque et film en costumes. Brigitte prend un soin tout particulier à reproduire les gestes de la chanteuse, sa manière de poser ses mains sur le piano, sur ses cheveux, son doigt sur ses lèvres. Mathieu Amalric mêle, avec brio, les images télévisuelles en 16mm avec le numérique d'aujourd'hui : la séquence de dédicace dans sa loge est le moment clé du trouble qui pourrait s'épanouir entre l'interprète, l'actrice et la chanteuse. Il produit cet effet plusieurs fois notamment lors d'un concert ou d'un trajet en voiture.

« Sa Mercedes n'était pas bleue, elle était grise » dit Yves à son accessoiriste un matin de tournage. Ah, ce souci du détail véridique. Va pour le bleu même si on remarque que la vignette à droite du pare-brise est totalement d’aujourd’hui (l'assurance verte). Les scènes de tournée commencent et marquent le retour de Grégoire Colin au cinéma, dans le rôle de l'impresario de Barbara. Etonnant, il joue un rôle similaire dans Le Prix du succès de Teddy Lussi-Modeste sorti quelques jours plus tôt.

Dans mes textes, je parle très souvent de la scène d'ouverture ou du générique, je dois signaler que celui de Barbara est très beau avec les lettres de Jeanne Balibar qui apparaissent les unes après les autres puis le titre, BALIBAR BARBARA, presque un anagramme. Des lettres comme des néons d'une salle de spectacle, le spectacle, l'obsession de la chanteuse. Puis ce sont les noms de tous les techniciens, avant celui de Mathieu Amalric, pour rappeler que son cinéma et ce film sont leur œuvre.


Jouer Barbara, c'est facile. En 2007, j'avais inventé le personnage de Barbaro et un groupe de Grenoble (feux Les Nems composé de Goulag le bassiste du groupe Rien et de Karen Ouik) m'avait invité sur plusieurs concerts à chanter L'Aigle noir avec eux. Pour accentuer la voix de Barbara et ses mélopées susurrantes, j'exagérais sa diction en replaçant toutes les paroles par deux seuls mots « une nuit ». L'effet comique était fort plaisant. Jeanne Balibar est presque aussi talentueuse que moi pour chanter du Barbara.

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