mercredi 20 septembre 2017

Une sale histoire (Jean Eustache, 1977)

Un bel appartement bourgeois, des larges fauteuils à accoudoirs, un confortable sofa, le maître de maison (Jean Douchet) s'apprête à recevoir ses invités. L'air satisfait, il va s'allumer un gros cigare quand on sonne à la porte. Michael Lonsdale débarque, pose ses affaires, s'assoit sur le sofa et les autres convives (un homme et trois femmes) viennent l'écouter. On se sert des verres de whisky, on fume des cigarettes et Michael Lonsdale commence à raconter sa sale histoire.

Une histoire présentée comme scabreuse, que le narrateur a vécu en personne, dit-il. Dans un café populaire où il passait plusieurs heures par jour, il devait se rendre souvent au sous-sol pour téléphoner. Il apprend, par d'autres clients qui le toisent (« pourtant il est jeune »), que l'on peut regarder dans les toilettes pour dames en posant sa tête contre le sol, « les cheveux dans la pisse ». Il passe de plus en plus de temps accroupi, il devient voyeuriste et obsédé par les sexes des femmes.

Cette histoire, le narrateur affirme qu'il n'a jamais pu la raconter dans son intégralité aux femmes seules, voilà pourquoi il a demandé à son hôte un public mixte. Jean Eustache filme les regards mi-amusés mi-navrés des invitées, elles finissent par poser quelques questions auquel le narrateur répond bien volontiers, sur un ton badin. Le charme de la diction sereine et magistrale de Michael Lonsdale fait son œuvre. Son jeu de regard (il observe son auditoire) est taquin.

Le récit dure 23 minutes, en 35mm, en plans larges alternant les plans serrés, puis le générique se déroule et revient, cette fois écrit à la main. Jean-Noël Picq renouvelle ce récit, toujours en 23 minutes. Un public également mixte et c'est Jean Eustache, que l'on aperçoit tout sourire, qui reçoit. Les plans sont essentiellement sur Jean-Noël Picq, l'homme qui a vécu cette sale histoire de voyeurisme. Cheveux châtains sur les épaules, le verre et la cigarette à la main.


Depuis 40 ans, Une sale histoire est présentée comme un diptyque fiction / documentaire dont la seule parole fait office, puissamment, de flash-back, avec la force de suggestion des dialogues sans avoir à filmer ce récit (John Ford procédait souvent ainsi). Plus qu'un documentaire, la deuxième partie en 16mm est un scénario filmé. Jean-Luc Godard reprendra peu d'années après cette méthode artistique avec deux vidéo de 23 minutes, Scénario de Sauve qui peut la vie (1979) et Scénario du film Passion (1981).


















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