mardi 29 décembre 2020

L'Audition (Milos Forman, 1963)

Au sujet de Taking off, j'avais lu quelque part que son premier film tourné aux Etats-Unis n'était pas tout à fait américain et encore un peu tchécoslovaque. Le lien est bien entendu ce double court-métrage qu'est L'Audition, dont seule la deuxième partie (celle qui fait 44 minutes) avait été montrée en France, il y a bien bien longtemps. Dans Taking off, parce qu'il recommençait sa carrière dans un nouveau pays, une nouvelle langue, une nouvelle équipe (mais avec son fidèle chef opérateur Miroslav Ondicrek), Milos Forman revenait au concours musical en diptyque.

C'est dans un vacarme assourdissant que débute la première partie de L'Audition (celle-là dure 34 minutes et elle porte un drôle de titre : Ah s'il n'y avait pas des guinguettes), des motos pétaradantes dans une rase campagne. Les moteurs vrombissent mais sont coupés par des instruments d'un orchestre à cuivre, trombone, cor, trompette. Les filles regardent les garçons chevaucher les motos, un mouchoir tombe, la course commence. Seulement voilà, deux des gars ont oublié que le lendemain matin, ils ont répétition.

Milos Forman ne s'embarrasse pas de fioritures. Il filme ses deux chefs d'orchestre de plein pied. Un bon gros dégarni à lunettes qui transpire sous les bras et un plus jeune très chevelu qui semble fermer ses yeux à chaque parole. Deux orchestres pour chacun des deux jeunes motards, Vlada et Blumental, au milieu d'hommes plus âgés, faut bien le dire, la fanfare est bien ringarde, mais Milos Forman ne la filme pas en se moquant de ces modestes musiciens, il se contente de portraits d'eux, c'est la part documentaire du film.

Le film entier propose un minimum de fiction, tout juste un exosquelette, dans la première partie, ce sont tout simplement Blumental et Vlada qui sont exclus des orchestres. Milos Forman établit une métaphore très transparente de la Tchécoslovaquie de 1963, avec ces chefs d'orchestre donneurs de leçon (c'est pas la modestie qui les étouffe), surtout aux deux jeunes gars qui ne sont absolument pas des rebelles mais deux adultes qui suffoquent sous le carcan social. Milos Forman ne pouvait pas y aller franco mais l'allusion politique est limpide.

Musique encore et toujours dans la deuxième partie, dans une salle de Prague, le Semafor organise un concours de chant, sans qu'il soit précisé si le concours est national, local, mais il est ouvert aux filles uniquement. Elles sont nombreuses à venir auditionner, la salle est pleine, les corps s'entrechoquent, se bousculent pour passer devant l'homme qui écoutent ces femmes. Il doit être une célébrité puisqu'il signe parfois des autographes. Il a un visage très doux, il laisse rarement passer ses émotions quand ça chante faux.

Parfois il chante de concert avec les jeunes filles. Et on en entend des chansons. Le film est épatant pour ça, il fait découvrir un très grand nombre de chansons tchèques. Certes l'époque, comme en France, est au yé-yé, à ce rock facile et entraînant, ça swingue derrière les micros, ça clape dans les mains. Entre deux rocks, un morceau traditionnel avec la traduction dans les sous-titres, des textes un peu naïfs que tout le monde connaît dans la salle. Milos Forman procède dans ce films à un authentique travail d'ethnologue, c'est un précipité des goûts musicaux de 1963.

La fiction dans cette deuxième partie est encore plus maigre que dans la première mais bien mieux emmenée. Deux jeunes fills sortent du lot, Vera la brune qui rêve d'une carrière solo et de s'émanciper du leader de son groupe, un bassiste barbu qui lui fait plein de reproches sur sa voix. Marteka quitte son boulot de pédicure en mentant à son patron. Elle se fait accompagner par son petit ami à la guitare. Chacune rêve d'émancipation, de sortir de la routine dans laquelle elles sont enfermées, dépitées, elles retournent, bien obligées, à la case départ.







































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