mercredi 16 décembre 2020

La Mort et le diable (Peter Nestler, 2009)

Dès les premières années du 20ème siècle, Eric Von Rosen portait en bandoulière une swastika, une croix gammée à son costume. L'homme était un aristocrate suédois, il vivait avec sa famille dans un château de grande taille où de nombreux domestiques étaient à son service. Eric Von Rosen filmait sa famille avec sa petite caméra et aussi ses employés de maison qui défilent dans la neige avec un grand sourire. Sa croix gammée n'avait pas encore de rapport avec les nazis, Von Rosen était admirateur des civilisations orientales, il pratiquait la méditation et savourait la nature, d'où les nombreux extraits de ses films au milieu des arbres de sa propriété.

Je termine mon court voyage dans le cinéma de Peter Nestler avec La Mort et le diable, son héros est cet homme Eric Von Rosen qui a laissé pour la postérité et le musée d'ethnologie de Stockholm tous ses films amateurs mais aussi les photographies qu'il a prises lors de ses nombreux voyages ethnographiques. Eric Von Rosen était ethnologue et partait régulièrement, laissant sa famille dans le château suédois, aux quatre coins de la planète pour découvrir le vaste monde. En Amérique du sud par exemple. Ce sont les photos qui composent la bande visuelle de La Mort et le diable, ce sont les notes prises par lui qui sont entendues avec, entre autres, la voix de Peter Nestler.

Safari photos certes, mais safari pour se plaisir par ailleurs. Eric Von Rosen est un grand amateur de chasse. Il adore tuer les animaux sauvages et se photographier avec les cadavres de ses proies. Un alligator, des antilopes, des éléphants, des ours. Dans son commentaire, il regrette avoir tué une maman éléphant et d'avoir été obligé de tuer son bébé qui le chargeait. Non pas parce qu'il a décimé une famille mais parce qu'il n'avait le droit qu'à deux éléphants. En Finlande, on le voit derrière huit ours tué, mais il tient un ourson dans ses bras. Il se justifie pour les antilopes, les nombreux porteurs africains embauchés avaient faim, les antilopes seront mangés lors de l'expédition.

L'essentiel du film est la traversée de l'Afrique, du sud jusqu'en Egypte. C'est un fin observateur et ses notes fourmillent de détails sur ce qu'il voit, en ce sens il fait œuvre de documentariste plus que de journaliste puisqu'il prend son temps dans les contrées reculées où il est accueilli. Il prend du plaisir à se mêler à des civilisations inconnues parfois à ses risques et périls quand il s'approche trop du tatouage d'une femme qu'elle au dessus du nombril, le mari lui conseille de ne plus s'approcher de si près. Il récupère de nombreux objets, toujours pour envoyer à Stockholm, comme ces manteaux en peau d'antilopes, toujours là en 2009 et que Peter Nestler filme en couleurs.

Il décèle en de nombreux endroits qu'il traverse ce qu'endurent les populations africaines, l'asservissement constant par les colons. Il observe les terribles conditions de vie dans les mines de diamants, les prisonniers enchaînés, les travailleurs fouettés et dans le Congo belge les gens mutilés. Il est l'homme qui a dénoncé le premier dans des journaux suédois les sévices infligés par les sbires de Léopold II. Ainsi, Eric Von Rosen est l'ancêtre des lanceurs d'alerte, celui qui remet en cause la propagande que les colonies européennes (à l'époque, France, Belgique, Allemagne, Grande Bretagne) répandaient dans leur métropole. Il décrit un enfer que personne ne voulait voir

Il voyage jusqu'en 1914. Il n'est pas seul. Il a deux compagnons en plus des porteurs. Son compagnon Fries a toute sa confiance. Mais il déteste Schade (l'homme avec une moustache dans les captures d'écran). Ce dernier est Juif et les commentaires ramènent l'antisémitisme de Von Rosen en avant. Là revient en mémoire la croix gammée. Peter Nestler avait déjà expliqué deux choses, que l'une des filles de Eric était la mère du cinéaste mais qu'une de ses tantes avait épousé Göring. Göring était un ami proche du grand-père du cinéaste, c'est ce passé que le cinéaste pour son dernier film révèle. Ce grand-père à la double personnalité mort 11 ans après sa naissance qui a brûlé tous les cadeaux offerts par les Göring quand Hitler commence ses génocides. C'était déjà trop tard mais il fallait le raconter.








































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