lundi 21 décembre 2020

Adresse inconnue (Kim Ki-duk, 2001)

Quand la mort de Kim Ki-duk a été annoncée sur les réseaux sociaux avant que la presse n'en parle, je me suis rappelé à quel point j'avais aimé certains de ses films. Tout sortait dans le désordre, comme cela arrivait souvent quand un cinéaste venu de l'autre bout du monde est découvert, surtout avec un type aussi prolifique que Kim Ki-duk (c'était exactement la même chose avec Takashi Miike au début des années 2000). Je me souviens comment on regardait les films en DVD avant tout le monde, ceux de Kim comme de Miike, on se les projetait en douce à la Cinémathèque de Grenoble, le soir, tous assis sur les sièges du balcon. Il y a prescription depuis.

Dans ces mêmes réseaux sociaux, certains de mes contacts Facebook remarquaient que Kim Ki-duk était mort en Lettonie, bien loin de la Corée du sud, bien loin de chez lui, dans une quasi solitude. Enfin, on apprenait que Kim Ki-duk était un violeur. Certains de mes amis faisaient une visite des films avec ce point de vue, Kim Ki-duk filmait aussi dans ses films des viols avec une complaisance grandissante au fil des années. J'ai beaucoup aimé son cinéma, Printemps été automne hiver et printemps (le premier à être sorti en France), L'Île, The Coast guard, Locataires et Adresse inconnue. Petit à petit, la mode est tombée, son talent s'est estompé.

Revoir Adresse inconnue n'était pas forcément une bonne idée. Le film est un concentré de tout ce qu'aime Kim Ki-duk, d'abord une petite communauté fermée sur elle-même, cette idée de l'île, un précipité de personnages tous plus ou moins dingues. Le film est très symbolique. Le jeune fille Eun-wook (Park Ming-jung) est borgne, son œil droit a été abimé lors d'un jeu avec un de ses amis Ji-heum (Kim Young-min) amoureux transi d'elle. Elle subit pendant tout le film la domination masculine et sa brutalité. Les femmes sont des objets de convoitise, elle en particulier. Peu loquace, elle a un petit chien auquel elle est très attachée.

Dans ce même village à l'étrange topographie baignant dans un hiver grisâtre qui n'en finit jamais, Chang-kuk (Yang Dong-geun) n'est guère plus bavard. Le jeune homme est le fruit d'une liaison entre sa mère coréenne et un soldat Afro-américain. Il n'a jamais connu son père qui devait stationner dans la base militaire proche. Il est métisse mais aussi bâtard, logiquement il est traité comme un chien par tous y compris par son patron, un épouvantable bonhomme sans foi ni loi qui vole tous les chiens, les pend et les frappe avec un gourdin. Les chiens seront vendus aux villageois pour leur repas.

Le récit est irrigué par tout un catalogue de personnages plus sinistres les uns que les autres, la mère désespérée de Chang-kuk, une ancienne prostituée, elle vit dans un car désaffecté. Elle écrit régulièrement des lettres au père de son fils qui reviennent au bout d'un moment avec la mention « Address Unknown ». Deux petits loubards qui tourmentent Ji-heum, l'humilient chaque fois qu'ils le croisent. Quelques vieux villageois nostalgiques d'une époque révolue. Un soldat américain, Mitch qui propose à Eun-wook de faire soigner son œil à la base militaire si elle accepte de sortir avec lui. L'acteur américain joue terriblement mal.

Dans ce village isolé de tout, l'horizon est perturbé par les manœuvres des hélicoptères et des avions, par les exercices des soldats américains. En substance, Kim Ki-duk remarque que le schéma de domination se reproduit à l'identique quelle que soient les générations. Eun-wook et Chang-kuk sont des éternels victimes, le film d'ailleurs ne situe pas vraiment son film dans un temps précis. Mais contrairement à ma première vision du film il y a 15 ans, quand j'aimais beaucoup le cinéma de Kim Ki-duk, j'ai aujourd'hui trouvé tout excessivement lourd, démonstratif et somme toute peu sincère. J'ai probablement bien changé mes goûts depuis tout ce temps et j'aurais dû garder mes souvenirs d'alors. Ça arrive parfois.































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