dimanche 22 avril 2018

Vivre sa vie (Jean-Luc Godard, 1962)


Le Festival Play It Again m'a permis de revoir Vivre sa vie en copie numérique. C'est un film de Jean-Luc Godard que je n'ai jamais vraiment aimé, que je n'ai vu cependant qu'une fois en mars 2001 en 35mm. Il était temps que je me fasse une seconde opinion, mais je garde mes impressions initiales, Vivre sa vie m'enthousiasme peu en comparaison avec les premiers Godard. J'écrivais en début de semaine que le générique d'A bout de souffle se contentait d'un carton, celui de Vivre sa vie est le plus complet possible avec quelques facéties : « pensé, dialogué, tourné, monté, bref mis en scène par J-L Godard » affirme un carton.

En toute fin de film, la voix de Jean-Luc Godard se fait entendre en off et le cinéaste, se substituant au jeune homme (Peter Kassowitz) qui lit du Edgar Poe, déclare « c'est notre histoire, un peintre qui fait le portrait de sa femme ». Anna Karina s'appelle Nana, simple anagramme de son prénom. Jean-Luc Godard la filme sous toutes les coutures, profil gauche, de face, profil droit, de dos (dans deux des douze tableaux de Vivre sa vie, Anna Karina ainsi que André S. Labarthe comme Saddy Rebbot sont aussi filmés de dos, ce dernier masquant le visage de face d'Anna Karina). Il la peint en 35 mm au format 1:37 et dans un noir et blanc graphique à souhait.

Nana travaille à Pathé Marconi (la voix de son maître) elle vend des disques avec une nonchalance que montre le plan séquence dans le tableau 2 où la caméra la suit en travellings à travers les rayons, allant voir ses collègues, retournant au client. Nana va au cinéma voir Passion de Jeanne d'Arc de Carl Theo Dreyer, le compatriote de l'actrice. Sur l'écran Falconetti en gros plan qui apprend d'Antonin Arthaud qu'elle sera condamnée au bûcher, dans la salle Nana pleure. Nana ne peut pas payer son loyer, elle se fait virer par le concierge sans ménagement, elle erre dans Paris la nuit, toujours cette belle manière de filmer les rues, les gens qui passent, des instantanés.

Nana passe le plus clair de son temps dans les bistros (on croise Jean Ferrat quand passe sa chanson). Elle fume des cigarettes, des Gauloises. Elle discute avec les hommes, de tout, de rien, parfois de philosophie. Raoul, le personnage de Saddy Rebbot, va devenir son souteneur. Nana a besoin de 2000 francs, pour vivre sa vie, elle ne les trouve pas, elle va se prostituer plutôt que voler. Un étonnant dialogue entre Raoul et Nana déclame tout le contenu de la loi sur la prostitution ainsi que les devoirs de la femme envers son maquereau. C'est là une analyse clinique où le regard d'Anna Karina écoute attentivement.


Vivre sa vie est un film doux et rude de Jean-Luc Godard. Doux parce que sans accroc entre les plans, doux comme le visage d'Anna Karina dont il était terriblement amoureux, doux dans les mouvements de caméra, dans ses clins d’œil (l'affiche de Jules et Jim). Inversement, Vivre sa vie est un film rude à cause de son sujet, de cette descente aux enfers similaire à celle que subit Jeanne d'Arc (la scène avec le jeune homme reprend ces sous-titres à la manière de Dreyer). Les 12 tableaux s'entrechoquent dans une progression en hommage à la narration de Robert Bresson jusqu'à la mort finale, vivre sa mort.





























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