mardi 3 avril 2018

Les Saisons du plaisir (Jean-Pierre Mocky, 1987)

Ah cette affiche des Saisons du plaisir avait fait parler d'elle, un champignon érectile et une poire callipyge accrochés à un vieux chêne tel le personnage de Charles Vanel, centenaire qui s'apprête à annoncer à ses employés son retrait de l'entreprise familiale de parfums. Jean-Pierre Mocky embauche les doyens du cinéma français de l'époque, Charles Vanel et Denise Grey, ils avaient 95 et 89 ans, ils sont tous les deux pleins de verve, ravis de pouvoir débiter les superbes répliques et dialogues que le cinéaste leur a concocté.

Bien-sûr, comme le montre l'affiche, il est question uniquement de cul et de sexe dans Les Saisons du plaisir. Le sexe, ils en parlent beaucoup mais ils éprouvent surtout de la frustration et déploient quelques perversions cocasses à défaut d'être scabreuses. Denise Grey conseille ainsi à sa fille Jacqueline Maillan de prendre du bromure, mais avec du lait pour adoucir la chose. Il faut dire que l'époux de Jacqueline, le nommé Garibaldi (Jean Abeillé) ne peut plus utiliser son engin depuis un coup de feu reçu dans les couilles.

Jacqueline est à la pointe de la technologie de 1987, elle pratique le minitel rose, sous le pseudonyme de « Coquine », son plus fidèle client est Crapaud Pervers qui adore dire ses saloperies au téléphone mais quand la maman décroche le combiné, Jacqueline se fait gronder comme une enfant. La Maillan habillée en tutu et bustier roses, voix sur-aiguë, est génialement drôle en vieille dame indigne lisant une histoire érotique d'un autre âge comme si elle lisait les 3 petits cochons à un enfant.

Plein d'acteurs des années 1980 pour un film de troupe plutôt que choral réunis dans un château de l’Hérault, décor unique des Saisons du plaisir (ce qui économiquement est très rentable, ce qui n'empêche pas Mocky d'avoir trois Rolls Royce comme accessoires, c'est qu'on est chez un homme d'affaires très fortuné). Un prétexte scénaristique : le vieux Charles doit annoncer son successeur à la tête de la boîte lors de la réunion de ses meilleurs vendeurs tous incroyablement dessinés par le cinéaste, une jouissance absolue.

Jean-Luc Bideau passe son temps à s'empiffrer. Sa femme Bernadette Lafont, période blonde platine, surveille sa fille pour lui éviter de rencontrer des garçons. Jean Poiret nouveau riche, arrogant, cause de sa Jaguar et drague les jeune filles (dont Judith Godrèche dans un de ses premiers rôles). Roland Blanche, vieux dégueulasse file 500 francs à toutes les femmes en espérant en dégoter une. Darry Cowl en vieil homo « et plus tu désires une chose et plus cette chose s'éloigne de toi », sans pouvoir donner l'auteur de cette citation.

Comme je l'écrivais dans mon hommage à Stephane Audran, l'actrice est pour la première fois dans un Mocky et elle fait un hilarant duo avec Sylvie Joly (une habituée de son univers) de nymphomanes pathétiques. Elles proposent à deux gardiens de la centrale nucléaire (Tchernobyl était dans toutes les têtes), deux nigauds incarnés par Bernard Menez et Richard Bohringer de regarder avec elles du pornos. Frustrés de n'avoir pas pu coucher avec elles, ils se satisferont l'un l'autre « t'as un cul de reine » « et toi t'as une bite de roi ».

Ces briscards de la comédie sont confrontés à des acteurs moins aguerris. Si Jean-Pierre Bacri en impuissant et Fanny Contençon en muse pour ados se débrouillent bien, Hervé Pauchon et Sophie Moyse sont moins percutants, quant aux jeunes, ils débitent les répliques avec peu de conviction. Mais ce qui importe est la lutte des classes sociales, de la domination des maîtres sur les domestiques synonyme d'homosexualité, Eva Darlan veut toucher la cuisinière poilue, Darry Cowl veut tâter les muscles du jardinier.


Les Saisons du plaisir, comme tout bon Mocky, est court et brasse avec tant de personnages de nombreux sujets d'actualité. Je l'ai toujours considéré comme son dernier grand film avant une longue et inexorable baisse en qualité. On trouve encore un peu d'esprit de Jean Renoir dans ce film, avec cette idée justement de passer des cuisines au salon, des domestiques aux employés avant que la grande catastrophe nucléaire n'arrive comme la seconde guerre mondiale arrivait, histoire de rappeler que le cul c'est bien mais seulement si on est encore vivant.

























Aucun commentaire: