lundi 30 avril 2018

J'ai aussi regardé ces comédies


Depuis le début de l’année, 17 millions de billets ont été vendus pour six comédies françaises, ce genre si décrié depuis des années (lire le papier du camarade François Cau sur chaosreigns). A ma gauche : trois franchises ou suites, on saura bientôt quel film recevra le césar du film qui a engendré le plus de pognon entre Les Tuches 3 d'Olivier Baroux, La Ch’tite famille de Dany Boon et Taxi 5 de Franck Gastambide. A ma droite, trois comédies avec de la star en veux-tu en voilà, Brillantissime de Michèle Laroque, Place publique d'Agnès Jaoui et Love addict de Franck Belloq.

En février, le moment le plus embarrassant de la soirée des César déjà passablement pesante, est moins l'attribution de cette récompense à l’atroce RAID dingue de Dany Boon (l'animateur de la soirée ajoutant que c’était bien parti pour recevoir le prix en 2018) mais la conviction de Line Renaud (elle accompagnait Dany Boon) qui ne cessait de répéter qu’il est un artiste, impliquant qu’il n’est pas qu’un simple amuseur public. Non, bel et bien un artiste ou un auteur dans le sens où on l’entend aujourd'hui. Dany Boon croit dur comme fer à son statut d’auteur, pour La Ch’tite famille il se prend pour Jacques Tati. On ne peut pas comprendre le sens de La Ch'tite famille si on n’y voit pas une construction à la Mon oncle. L'’opposition entre le bon sens (ceux du Nord) et les modernes (ceux de Paris) est censée produire du comique tout comme les différents langages, le pointu snob et le ch'ti. L’un des ressorts comiques de Dany Boon repose sur un running gag : les meubles qu’il vend sont très inconfortables et donnent mal au dos à ceux qui les ont achetés. Plutôt qu’un gag visuel, il faut se contenter d’une simple phrase répétée pendant tout le film. C’est également le cas de Place publique d'Agnès Jaoui. Eva Drucker sort à chacun son running gag que Paris est à 35 minutes. Le film d'Agnès Jaoui est totalement différent du Sens de la fête de Nakache et Toledano. Elle ne s’intéresse qu’aux patrons quand le duo se passionnait pour les employés, mais sinon on demeure sur une structure similaire, unités d’action de temps et de lieu, la pendaison de crémaillère remplace le mariage.

Le voyage vers Paris de la famille Tuche issue du Pas-de-Calais (une similitude avec La Ch'tite famille) est au centre des Tuche 3. (Je n'avais pas encore remarqué que Tuche est presque le verlan de ch'ti). Il est possible de rire aux élucubrations de Jeff et Cathy Tuche, lui avec ses aphorismes où tout se termine par l'éloge du fromage, elle dans ses longues encouragements au chef cuistot de l'Elysée pour faire cuire les frites. Les Tuches 3, largement plus réussi que les deux autres, peut faire rire de bonne foi parce qu'on rit avec les personnages et non contre eux. Le film fait partie de cette catégorie de récit qui tombe pile poil avec l'Histoire, l'élection d'un type sans qu'on s'en rende compte. Ça rappelle la chouette époque des Charlots et de Claude Zidi (c'est bien entendu un compliment). Dans Les Tuches 3, c'est le dernier fiston Donald surnommé Coin-coin qui est au centre de l'attention, il va voir un psy. Le pauvre a des soucis avec ses parents et doit résoudre ça. Dans Brillantissime, le premier film de Michèle Laroque situé à Nice, elle consulte également un psy, cela faisait longtemps que je n'avais pas vu des situations et dialogues aussi peu inspirés, des mouvements scénaristiques aussi improbables. Ici, c'est la comédie à la Jean Girault (quand il tournait sans Louis de Funès) auquel le film ressemble, rien ne sonne juste dans cet étalage de conventions.

Terminons avec les deux films sortis le plus récemment. Taxi 5 continue à Marseille comme il avait commençait avec Gérard Pirès et Gérard Krawczyk. Franck Gastambide poursuit son comique entamé dans Les Kaïras et Pattaya avec une nette prédilection pour la valeur excrémentielle. Comme on le sait, la merde et le vomi ne sentent rien au cinéma mais ils font toujours leur petit effet quand ils sont déversés sur le spectateur. Le comique de Gastambide est très régressif avec des personnages secondaires totalement à côté de leurs pompes, c'est un comique physique où le corps est moqué, ce comique a souvent du mal à se développer dans la franchise insipide qu'est Taxi. Venons-en pour finir avec l'acteur le plus détesté de France : Kev Adams. Film après film, il n'en finit pas de chercher à modifier son image de marque. Après l'ado fêtard dans Gangsterdam, après l'alpiniste plein de morgue dans Tout là haut, il devient un séducteur dans Love addict (à vrai dire le vrai sujet est le harcèlement sexuel, le récit se permet aussi une pénible blague homophobe) Kev Adams change de corps pour l'occasion, muscu, épilation du torse (il apparaît souvent sans chemise) et coiffure à la mode (une sorte de vague sur le crâne) mais ce qui reste est sa voix et son élocution que le jeune acteur ne parvient pas à moduler. Le ton monocorde avec lequel il donne ses répliques comiques fait échouer de nombreux gags. L'ambition de Kev Adams est de varier ses rôles, voir ce qui lui convient (le film comique, l'aventure, la comédie romantique), il cherche a priori à sortir du carcan du cinéma pour enfants de moins de 10 ans, comme Michael Youn au début du siècle, il a du mal à en sortir.

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