mardi 24 avril 2018

La Tentation du Dr. Antonio - Boccace 70 (Federico Fellini, 1962)

Il ressemble à un corbeau le Dr. Antonio (Peppino de Filippo), tout de noir vêtu, du chapeau au costume avec sur son visage une moustache. La petite voix aigrelette (celle du diable probablement) du prologue le présente, un contempteur de la nudité, un partisan du bon goût, un admirateur de l'église et de l'ordre établi, bref un partisan de la censure. Il passe ses soirs, à bord de sa minuscule Fiat 500, à débusquer ceux qui se pelotent dans les allées des parcs de Rome, à leur faire la morale, convoquant la police pour appréhender les dragueurs. Il interrompt les spectacles de cabaret aux filles dénudées. Avec ses amis aussi moralisateurs que lui, il donne de grands discours et va gronder une dame à la poitrine trop visible à ses yeux. Il fait la quête à l'église et récompense les scouts.

La petite voix annonce qu'il est temps de passer à l'histoire de cet homme dans la Rome de 1962, une Rome colorée que Federico Fellini dépeint en peintre, multipliant les touches de couleur des nombreux figurants qui s'agitent dans les décors naturels de la ville dans un ballet perpétuel. Ici passent des nonnes en blanc, des curés en rouge, des baigneurs du dimanche sur la rivière tous en tenues bariolées, là les cyclistes du Giro, un tournage d'un péplum à Cinecitta, toutes ces couleurs de cette joie de Rome de 1962, voilà l'ennemi du Dr. Antonio. Il préfère les rangs d'oignon des scouts, bien alignés dans ce grand parc en face de son immeuble. Son discours bien propre sur lui commence à être perturbé par l'arrivée de camions et de grues mécaniques.

Une ritournelle « bevete piu latte », buvez plus de lait, se fait entendre autour d'un immense panneau publicitaire. Avant de le montrer en entier, Federico Fellini met en scène sa construction, une pagaille incroyable de sons et de gesticulation, la caméra ne cesse jamais de bouger, le Dr. Antonio passe devant les pelles mécaniques, il scrute les cinq morceaux du panneau en train de s'assembler, les ouvriers qui crient et surtout la foule qui s'approche attirée par ce remue-ménage comme des papillons de nuit par un lampadaire. Une troupe de jazzmen afro-américains arrivent soudain sans qu'on sache comment ils ont débarqué là et reprennent, avec grand sourire, les ritournelles de Nino Rota, joyeuses et enjouées. Ne reste au milieu que l'air décontenancé et mécontent que ce pauvre Dr. Antonio Mazzuolo, mêmes les curés et les scouts applaudissent à cet spectacle.


Anita Ekberg vante les mérites du lait dans cette affiche gigantesque, allongée sur un canapé tenant un verre. L'idole de La Dolce vita joue son propre rôle dans ce sketch de Boccace 70, mais un rôle encore plus grand de sex symbol que le Dr. Antonio veut censurer. Anita sur ce panneau est pile en face de ces cinq fenêtres. Il remue ciel et terre (surtout le ciel) et Anita lui répond. La photo se modifie (Anita fait le geste du diable), apparemment seul le Dr. Antonio voit cela. Anita prend vie pour tenter ce cul-bénit, dans sa robe noire pailletée, elle traverse le décor devant Antonio tout riquiqui. Dans la nuit romaine éclairée par les lampadaires, enfin comme tous les autres Romains, le Dr. Antonio entre dans la danse, à son grand dam, tout à la fois énamouré par la beauté d'Anita Ekberg et navré de succomber à son charme. Il finira au petit matin dans son pyjama blanc après avoir abandonné son costume de corbeau.
























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