vendredi 20 avril 2018

Amadeus (Milos Forman, 1984)

Amadeus a été l'occasion pour Milos Forman de revenir dans son pays natal 15 ans après l'avoir quitté (Claude Berri dans son beau livre de souvenirs raconte cette traversée de l'Europe dans la Mercedes de Forman offerte par Carlo Ponti). Tourner en Tchécoslovaquie a permis au cinéaste de trouver des décors authentiques sans avoir à les reconstituer. Le générique de fin indique que la maison de l’évêque de Prague a servi de décor pour le palais impérial. Il est aussi noté que Milos Forman a tourné dans le théâtre où Mozart avait dirigé Don Giovanni.

Pour son troisième film musical en costumes (après Hair situé dans les années 1960 et Ragtime dans les années 1920), Milos Forman cherche un plus grand réalisme. Dans les films biographiques, le réalisme (sauf dans Barry Lyndon) est rarement prisé. Deux valets (l'un est joué par Vincent Schiavelli, l'acteur fétiche du cinéaste dans son unique scène pour Amadeus) entendent crier leur maître et se précipitent devant sa chambre. Seules quelques bougies les éclairent. Ils commencent à se goinfrer du gâteau qu'ils tiennent. Leur maître Salieri (F. Murray Abraham) s'est tranché la gorge.

On le retrouve dans un hôpital de Vienne, ce qui frappe dans ce lieu est la dureté des conditions des malades (ils vivent dépenaillés, certains sont enchaînés, les gardiens ont des fouets). Dans cette entrée en matière, le spectateur doit être frappé par ce réalisme, ce naturalisme. Ce réalisme en début de film est une astuce pour assurer au spectateur que ses yeux ne vont voir que la vérité. Cette vérité est un long flash-back donné par Salieri à l'épilogue de sa vie. Il semble se confier à un curé venu le confesser, Salieri en se suicidant a lancé un ultime défi à Dieu.

Amadeus, aimé de Dieu. « Comment cette créature vulgaire peut-il être la main de Dieu » demande Salieri. La première apparition de Mozart est en enfant, il joue du clavecin les yeux bandés, le petit prodige passe ensuite au violon. C'est une attraction pour la cour. Ce bandeau sur les yeux est une belle métaphore de la position que Mozart (Tom Hulce) aura toute sa vie, il est totalement aveugle de ce que peuvent penser les autres. Il dit ce qui lui passe par la tête sans se soucier du protocole, ce qui produira cette haine immédiate de Salieri, le compositeur de la cour autrichienne.

Salieri, introduit à la cour de l'empereur Joseph II (Jeffrey Jones) est un homme sérieux et austère, il est en opposition frontale avec la dérision de Mozart. Ce dernier est pourvu d'un rire infantile qu'il déclame à chaque phrase. C'est un coureur de jupons et par coureur, il faut comprendre que lors de la première réception devant l'empereur, Mozart, sans que Milos Forman ne montre encore son visage de poupon, le filme courant dans toutes les pièces du palais pour poursuivre de ses assiduités une jeune femme.

Ils sont en train de batifoler sous une table du buffet quand la musique résonne dans la pièce voisine. La musique a commencé sans Mozart. Frivole en amour mais immédiatement sérieux dans sa musique. Il est présenté aux conseillers artistiques de l'empereur, tous des Italiens, telle était la mode. Croyant faire un compliment à Salieri, il lui annonce que sa musique est superbe (Salieri sourit de contentement) mais qu'elle mériterait quelques améliorations (mine grise de Salieri). Mozart se met au piano et recompose le morceau de Salieri.

Les perruques, Mozart en choisit des nombreuses avec des couleurs variées qu'il porte selon ses humeurs. Un déguisement qui masque les effets du réel sur le personnage d'Amadeus. L'énergie de Tom Hulce et son changement physique sont démentiels. Le luxueux appartement de Mozart et de sa femme Constanze (Elizabeth Berridge) devient un taudis. Mozart ne passe son temps qu'à écrire, des premiers jets que Salieri découvre. Le conseiller ne peut que constater le génie de Mozart tout en déplorant que Dieu lui a tout refusé.


Son excentricité passe mal auprès du collège qui veut le censurer. « Trop de notes » sort l'air satisfait de lui l'un des conseillers de l'empereur, un vieillard de l'ancienne école. Là est la plus grande métaphore du film de Milos Forman, il parle de Hollywood, de l'académisme, du poids des producteurs, des projets rejetés (Les Noces de Figaro) par jalousie et incompétence, du cinéma populaire (la création de La Flûte enchantée comme on produit une comédie populaire) jusqu'à l’œuvre ultime, ce requiem commandé par Salieri jusqu'à la mort pour laquelle ce dernier se sent coupable.





























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