mercredi 9 mars 2016

The Assassin (Hou Hsiao-hsien, 2015)

Trois femmes sont amoureuses du même homme. Cet homme est le seigneur Tian Jian (Chang Chen), gouverneur du royaume de Weibo au nord de la Chine, sous la dynastie Tang. Tian Jian est un homme qui s'ennuie, il écoute allongé, l'ai détaché, les commentaires politiques de ses ministres, mais décide seul de tout. La première des ces trois femmes est son épouse (Yun Zhou) qui a donné trois enfants au seigneur. L'héritier est très proche de sa mère, la protégeant même lorsque que l'époux se met en colère. La deuxième femme est Huji (Hsieh Hsin-ying), la concubine de Tian Jian. Rivale de l'épouse, Huji est enceinte mais garde sa grossesse secrète, fait croire qu'elle a encore ses menstrues en les substituant avec du sang de poulet. La dernière femme autour du seigneur est Yinniang (Shu Qi), l'assassin du film de Hou Hsiao-hsien.

Toute cette histoire qui traverse The Assassin, ces rapports entre ces trois femmes et cet homme, Hou Hsiao-hsien la déstructure, la désintègre et tranche dans le liant du récit pourtant famélique. Hous Hsiao-hsien espère créer du mystère entre ses personnages, cela tient jusqu'aux moments où les rares dialogues, lourdement explicatifs, retracent quels sont leur rapports, leurs animosités, leurs passés. Tian Jian et Yinniang ont été fiancés lorsqu'ils étaient enfants, puis la famille du premier a décidé de promettre leur fils à une autre famille. Yinniang doit aujourd'hui tuer son ancien amour, sur ordre de son maître, ce qui est un crève-cœur pour elle, d'autant qu'elle est prise dans la guerre que livre l'épouse à la concubine. Cette dernière est empoisonnée par l'épouse grâce à un sort qu'a jeté un homme mystérieux, interprété par Jacques Picoux, un artiste français installé depuis des lustres à Taïwan.

L'assassin du film est une femme tout de noir vêtue, elle apparaît et disparaît sans crier gare, elle se fond dans les drapés des rideaux des salles du palais du seigneur. Hou Hsiao-hsien soigne particulièrement ses intérieurs où la profondeur de champ suit une hiérarchie précise, au fond les serviteurs, au devant de la scène le seigneur, les rideaux découpent le cadre, cachent parfois les personnages, dissimulent leurs secrets. Cela évoque les films de Chu Yuan, l'esthète de la Shaw Brothers, qui s'appliquait à obstruer le plan d'éléments divers pour sonder la distance entre les spectateurs et les personnages, distance qui petit à petit s'évaporait. Hou Hsiao-hsien se contente de retranscrire la théâtralité de l'exercice du pouvoir, son usage au quotidien, ses gestes hiératiques, les drapés et couleurs des costumes. Le son du tambour, l'annonce de l'arrivée du seigneur, les conseils des ministres, la circulation dans les couloirs, tout est codifié et Yinniang vient remettre en cause ces codes.

En extérieur, le cinéaste sature les couleurs, provoquant une image baveuse proche des tableaux impressionnistes. Il laisse souvent tourner sa caméra pour filmer la brume, s'étendant sur un rivière ou encerclant un pic. Il ne cherche pas à tourner un film de sabre classique, un wu xia pian, ce que The Assassin n'est jamais. Tout comme son héroïne, Hou Hsiao-hsien ne respecte pas les codes. Il s'applique à désamorcer toutes les scènes d'action. Tous les combats avec le personnage de Shu Qi sont décevants, terriblement ennuyeux, à peine composés. Le prologue du film, filmé en noir et blanc et en 1:37, présente Yinniang à l’œuvre, tranchant de sa dague les gorges en deux plans très serrés. Au contraire, un combat en plan très large et lointain la montre au beau milieu d'un bois en train de se battre. Dans les deux cas, tout est sur le mode de la suggestion. Le film s'achève sur un affrontement dans une forêt de bouleaux (à la mode, après celle de The Revenant). Dans la dernière séquence, on voit plein de biquettes, c'est très joli.

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