vendredi 4 mars 2016

Merci patron ! (François Ruffin, 2015)

Ma grand-mère disait : « heureusement que y a les riches, sinon, qui donnerait aux pauvres ? ». Merci patron ! illustre cette question frappée au coin du bons sens. François Ruffin, armé de sa caméra, de sa carte de journaliste à Fakir et d'un t-shirt à l'effigie de Bernard Arnault « I Love Bernard » part interroger des hommes et des femmes virés par la patron de LVMH quand il a cherché à optimiser ses profits (on se rappelle sa demande de nationalité belge). François Ruffin arrive donc et se fait l'avocat du diable (le diable étant Bernard) et sort ce genre de phrase à la déléguée de la CGT qui revient à l'usine fermée depuis quatre ans. « Je suis sûr que votre vie est meilleure maintenant, votre licenciement vous a permis de rebondir, regardez maintenant vous êtes ambulancière, vous aidez les gens ». Ça me fait penser à cette sentence attribuée à Marie Antoinette, ils n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche. Ils ont virés, qu'ils trouvent du boulot.

Merci patron ! n'est pas un film documentaire comme les autres, certes, il ne convaincra que les convaincus du point de vue social, oui, LVMH méprise ses salariés, ses petits actionnaires (faut être sacrément con pour devenir petit porteur) et la presse. Ruffin va questionner, avec la même ironie, des anciens employés de la Samaritaine, puis se réjouit de la transformation de ce magasin populaire en galerie commerciale de luxe et enfin se rend à l'assemblée générale du groupe LVMH où il se fait virer comme un vulgaire délégué syndical, lui qui ne cherchait qu'à dire tout le bien qu'il pensait du génie de entrepreneuriat, ce sosie de Monsieur Burns le tyran milliardaire des Simpsons. Cette première partie du film est écrite avec un montage implacable et tournée avec un culot monstre. C'est très bien de pouvoir rire sur un sujet aussi difficile, c'est ainsi qu'il pourra convaincre grâce au cinéma.

L'idée pour la deuxième partie est encore plus cinématographique. C'est celle d'un suspense mené tambour battant. François Ruffin décide d'aider un couple viré depuis quatre ans, M. et Mme Klur. Accent du ch'nord à couper au couteau, salle à manger à la déco kitsch, le grand fiston qui a causé un accrochage à un 4X4. Le tribunal réclame 25000 euros de dette et Ruffin va demander à son Bernard d'amour d'aider le couple à remonter la pente. Tout cela se fait dans la joie et la bonne humeur, mais aussi avec une certaine crainte quand tout doit se négocier avec le même gars qui a viré Ruffin de l'assemblée générale. On est très loin du cinéma putassier de Michael Moore qui emmenait les victimes de Columbine pleurer devant les pontes de la NRA, histoire d'avoir des larmes en gros plans. Merci patron ! fait l'inverse, ce sont les sbires de Bernard Arnault qui viennent supplier les Klur de prendre l'oseille et de rien dire, l'éternelle histoire du chêne et du roseau, de beep-beep et le coyote, dans le film le plus revigorant de l'hiver.

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