mercredi 16 mars 2016

10 Cloverfield Lane (Dan Trachtenberg, 2016)

En une semaine, j'ai vu deux films totalement différents sur le même sujet. Room, regard irlandais sur les Etats-Unis, film à Oscar et aujourd'hui 10 Cloverfield Lane, aimable série B produite par mon chouchou J.J. Abrams, premier film d'un inconnu Dan Trachtenberg. Et c'est là que je me rends compte que je n'ai jamais vu Cloverfield, je suis incapable de dire si ce film-là est la suite de ce film-ci, son prequel, son prolongement contemporain, l'un à la ville, l'autre à la campagne.

Le huis-clos à l'œuvre dans 10 Cloverfield Lane se déroule dans un bunker enterré sous terre. Trois personnages en quête de sens. A l'intérieur, Michelle (Mary Elizabeth Winstead), jeune femme dans la vingtaine. C'est par elle que commence le film, elle quitte son appartement dans la précipitation, refuse de parler à son mec qui l'appelle. Et bim, elle percute une autre bagnole, elle quitte la chaussée et sa voiture se retrouve dix mètres plus bas, renversée.

Quand elle se réveille, elle est allongée sur un matelas, un perfusion dans le bras, la jambe droite plâtrée mais enchaînée au mur. Elle parvient à attraper son portable, pas de chance, pas de réseau. Elle, comme le spectateur, ignore qu'elle est sous terre. C'est John Goodman qui ouvre la porte en fer, tel un maton de prison, pour lui dire qu'il l'a sauvée, qu'il l'a soignée et qu'elle devrait être bien reconnaissante. Et qu'en haut, tout est détruit, tout le monde est mort.

John Goodman c'est l'ogre du film. Physiquement, il n'a jamais semblé autant occuper le cadre, surtout qu'il se déplace dans des pièces minuscules remplies de bibelots (le salon) ou de nourriture (le couloir). Seule la pièce où vit Michelle est dénudée, sans meubles, sans objet. Son visage devient inquiétant, d'autant qu'Howard, le nom de son personnage, est avare de renseignements, qu'il révèle avec un sens consommé du suspense, qu'il raconte sans doute n'importe quoi.

Dans un recoin, derrière un étagère pleine de boites de conserve, Emmett (John Gallagher Jr.) va faire le lien entre Michelle et Howard, c'est une courroie de transmission. Il sait des choses sur ce qu'il c'est passé au dessus, il accepte bien volontiers de donner à Michelle des infos pour corroborer les affirmations d'Howard. Miracle, le film évite le pire des écueils : celle d'une romance entre Michelle et l'un de ces deux hommes, sans pour autant rejeter l'idée d'une perversion d'Howard.

Le film balance de rares informations sur l'ogre (sa fille), des indices sont distillés (une photo, une boucle d'oreille, un bruit de l'extérieur), des théories (du complot) sont élaborées par Howard que la paranoïa de Michelle ont du mal à gober, comme autant de possibilités de bifurcation du récit, sur le mode Smoking No Smoking. L'idée que toutes les cinq minutes un twist vient relancer et anéantir tout ce que l'on avait vu jusque là me plaît beaucoup.

L'alternance entre les simples moments de comédie et les menaces monstrueuses d'Howard est la clé du suspense. Les jeux de société et les puzzles que font, un temps, le trio quand cette vie semble devoir durer une éternité est vite anéantie quand une panne d'aération survient. 10 Cloverfield Lane ne révolutionne rien, mais sa modestie et son rétrécissement scénaristique sont bien plus intéressants que l'inflation narrative de pas mal de films récents.

Aucun commentaire: