Pendant
toute la durée de Good time, Robert Pattinson ne prendra
jamais le temps de s’asseoir. Connie, son personnage, ne tient pas
en place dans ce récit en temps réduit, 24 heures de la vie d'un
homme aux abois qui ne voulait au départ que partir avec son frère
Nick (Benny Safdie), légèrement handicapé mental, enfin quitter le
Queens, ne plus croupir à New York et aller à la campagne loin des
lamentations de leur mère castratrice et critique de leur vie
minable.
Tous
ceux qui avaient vu Mad love in New York se rappellent
l'incroyable scène d'ouverture en mode voyeuriste, sans dialogue
distinct mais d'une force incroyable. Good time renouvelle ce
silence dans la première séquence, un casse, Nick et Connie
décident, masqués, de dévaliser une banque. Sur un petit bout de
papier qu'il tend timidement, Connie a écrit ses instructions (65000
$), somme que la caissière n'a pas, elle sera forcée d'aller dans
le coffre fort dans l'arrière boutique.
Dès
que les masques tombent (deux prothèses à la peau noire qu'ils
surmontaient de lunettes de soleil, des masques comme s'ils étaient
jumeaux), les deux frères reprennent la parole, le flot ininterrompu
de Connie face à l'élocution lente de Nick se confrontent dans le
taxi, le premier offrant des paroles apaisantes au second qui a du
mal à cacher son anxiété. Satisfaits de leur coup, ils sourient
dans leur Uber, ouvre le sac et une encre rouge se répand sur les
billets.
Ce
rouge ne va jamais cesser d’apparaître et de contrecarrer le doux
projets des deux frères. Leur visage est aspergé, ils se nettoient
mais ce qui les liait était ce rouge vif, cette couleur, qui une
fois enlevée, les oblige à se séparer pendant tout le film. Le
générique, au bout d'une vingtaine de minutes, peut s'enclencher et
la folle course de Connie à travers le Queens démarre, une course
contre la montre pour payer la caution de Nick qui s'est fait arrêté
par les flics.
La
balade de Connie donne le rythme au film, à ce jour le plus fort et
prenant des quatre longs-métrages de Josh et Benny Safdie. Il s'agit
pour le personnage de Robert Pattinson, aussi méconnaissable que
dans Lost city of Z, de fuir, de ne jamais s'arrêter comme je
le disais plus haut, toujours en mouvement, toujours debout, sauf
quand il arrive à trouver une bagnole pour avancer un peu. C'est un
jeu de l'épuisement qui se trame derrière ses déplacements,
jusqu'au bout de la nuit, avec sueur, fatigue et grise mine.
D'un
lieu à un autre, dans ce jeu de piste, Connie croise du monde. Sa
mère, un courtier pour faire sortir Nick, un petit malfrat (Buddy
Duress) à la gueule cassée qu'il kidnappe dans un hôpital, une
gamine (Taliah Webster) chez qui il s'incruste, un gardien de parc
d'attractions (Barkhad Abdi). Les frères Safdie sont arrivés à un
point de maîtrise de leur cinéma qu'il suffit de quelques plans, de
quelques regards échangés pour créer les personnages. L'économie
de dialogue fait la force de l'action.
L'ironie
du titre Good time se comprend à la manière de Josh et Benny
Safdie jouent sur les codes du film noir qui passent par toute une
série de transformations. Déguisement, teinture, usurpation
d'identité, confusion de personne, Connie tente en vain de mettre en
scène un homme qui n'existe que pour faire bonne figure devant son
frère, il avance masqué. La musique encercle ce pauvre Connie dans
une atmosphère poisseuse comme les deux cinéastes new-yorkais
savent si bien la créer.
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