mercredi 23 novembre 2016

Furyo (Nagisa Oshima, 1982)

La fameuse musique de Ryuichi Sakamoto avec ses airs lancinants évoque ces boites à musique que l'on tournait dans l'enfance. La ritournelle la plus célèbre de Furyo est celle qui ouvre le film et qui le clôt et c'est autour d'un flash-back que se tourne le nœud du récit, un souvenir douloureux qui ramène Jack Celliers (David Bowie) dans son enfance, dans son Angleterre natale, loin de l'île de Java en 1942 où se déroule le film. Il se rappelle son petit frère, un ange blond à la voix d'or qui aime chanter, il se souvient du bizutage subit par cet enfant où les autres élèves l'ont obligé à se déshabiller pour montrer son infirmité, une bosse dans le dos, il a en mémoire n'avoir pas défendu son petit frère et s'en veut depuis. Jack raconte que ce douloureux souvenir l'a mené à devenir soldat, et un soldat qui n'a pas peu de la mort.

Le camp de prisonniers dans lequel est enfermé Jack Celliers est dirigé par le commandant Yonoi (Ryuichi Sakamato). Deux stars de la chanson, le grand blond à la peau blanche et le maigre brun à la peau de bronze. L'attirance de Yonoi pour Jack se fait dès leur première rencontre dans le tribunal militaire où il assiste le juge. Son regard est lentement dirigé, avec un travelling avant qui l'isole dans le cadre, vers le corps de l'Anglais. Dans Le Piège, l'enfant était aussi obnubilé par le corps de son prisonnier. Il en fera le prisonnier vedette de son camp, mais Jack n'en demandera pas tant. Il va s'employer au contraire à renverser l'autorité du chef et enfreindre toutes les règles strictes édictées à coups de cravache par Yonoi. Furyo nage en plein homo-érotisme soft tendance SM, très soft. Un simple baiser fera sombrer tout cet édifice construit par le commandant japonais.

Le film commençait par une séquence prémonitoire de l'ambiance dans le camp, deux hommes à moitié nus, à genoux dans l'herbe devant des soldats japonais. Ils sont accusés d'avoir eu des rapports sexuels. L'un est un soldat coréen (donc forcément un traître), l'autre est hollandais (Java était une colonie des Pays-Bas en 1942). La nudité des corps des Anglais est un élément frappant du film. En short, en haillons, souvent torses nus, cuisant sous le soleil, ils doivent se mettre au grade à vous devant Yonoi et ses soldats. Yonoi est toujours tiré à quatre épingles, le col bien fermé, la casquette bien vissée, les bottes bien droites. Son intransigeance est similaire à celle de Jack. Le regard sévère de Yonoi croise le sourire insolent de Jack. Face à au soldat japonais, Hicksley (Jack Thompson), le chef des prisonniers, est débraillé, comme un acte de résistance.

Le colonel Lawrence (Tom Conti) est amené à témoigner de cette relation sexuelle initiale par le sergent Hara (Takeshi Kitano). C'est le visage de Hara qui ouvre et ferme le film. Takeshi Kitano n'était pas encore connu quand Nagisa Oshima l'emploie en 1982, sept ans avant son premier film Violent cop et une dizaine d'années avant qu'il ne soit connu en France avec Sonatine. Hara est le seul personnage avec Lawrence qui ne semble pas buté, qui évolue dans le sens de l'histoire. Tous deux discutent en japonais (Lawrence y a vécu avant la guerre) puis en fin de film Hara débite quelques mots en anglais (ceux du titre « Merry Christmas Mr. Lawrence »), mais il est déjà trop tard, même les bons soldats japonais comme Hara sont condamnés pour avoir obéi à son supérieur. Takeshi Kitano jouera en 1999 dans le bien nommé Tabou, l'ultime film de Nagisa Oshima.


























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