dimanche 7 juin 2020

Zardoz (John Boorman, 1973)

« L'arme est le Bien, le pénis est le Mal » clame le Dieu Zardoz à ses élus, il les a arraché à l'animalité pour tuer les brutes qui se multiplient. Et de se gueule des centaines de fusils et revolvers sont jetés pour ces hommes à moitié nus, portant un masque blanc ou rouge et vêtus d'un slip rouge et de bandoulière. Parmi eux, un homme se tourne et regarde la caméra, le spectateur et dirige le canon de son arme et tire. Fondu au noir.

Pour commencer, il faut signaler que j'ai découvert Zardoz. Mieux, je n'en avais jamais vu aucun extrait de ma vie, découverte totale. Certes, la réputation du film est là avec ses relents d’œuvre ratée mais rigolote. Par contre, en lisant Rhâââ lovely j'avais remarqué ce masque volant. Cet astronef venu de l'an 2293 avec ses dents proéminentes, ses yeux en diamant, qui vient se poser dans la campagne anglaise puis repart une fois son chargement délivré.

En échange, il récupère du blé et c'est dans dans ce blé que se cache Zed, le personnage de Sean Connery, il s'extrait de sa bande pour découvrir le monde au delà. Derrière la frontière invisible, une barrière de verre, il voit un hameau paisible. John Boorman pour son futur éloigné choisit des maisons cossues et bourgeoises typiques du moment où il tourne (comme le faisait Richard Fleischer dans Soleil vert mais qui se passait en 2019).

Dissimulé derrière les arbres, il repère la population locale. Eux ne sont pas en slip rouge mais en tenues colorées, plutôt pastel. Il entre dans une maison qui se trouve être celle de l'homme qu'il a assassiné dans le masque, Fayn (Niall Buggy). Il met une bague en cristal sur son doigt, un hologramme apparaît. Là des indices sont distillés sur cette civilisation future, John Boorman donne avec parcimonie les renseignements.

Trois personnages se distinguent de ces Immortels, puisqu'ils sont désignés ainsi par eux-mêmes, l'élite de ce futur. Une femme en rouge May (Sara Kestleman) franchement amicale à Zed, une femme en vert Consuela (Charlotte Rampling) tout à fait hostile à sa présence et un homme en rouge Friend (John Alderton) qui prend Zed comme esclave. Au petit trot, ils partent visiter les contrées et les différentes populations.

C'est tout un système de castes qui se met à jour. En haut de la pyramide une poignée d'éternels, ils restent jeunes toute leur vie. Quand un éternel est rejeté, il va rejoindre un groupe d'apathiques. Des gens toujours debout, le regard vide, des zombies en quelque sorte. Mais la plus grande punition n'est pas la prison ni même le bannissement, c'est la fin de la jeunesse, Friend est ainsi condamné à vieillir de 50 ans et devient un vieillard, il devient un renégat.

Dans cette société inégalitaire l'arrivée de cette brute de Zed remet en cause les fondements sur laquelle elle a été créée. Les distensions entre May et Consuela éclatent au grand jour. L'élément perturbateur est analysé dans des effets spéciaux en miroir, en projections d'images sur son visage, en kaléidoscope, autant d'images mentales façonnées très simplement qui peuvent laisser à penser qu'ils sont un peu kitsch.

Le film n'y va pas de main morte sur les rapports entre les gens, sur l'état de dégénérescence de la société, sur les spoliations d'humanité (je vois la visite de la cave où sont entassés les œuvres d'art comme la critique ultime, Zed se saisit d'un Van Gogh comme si c'était une assiette) et surtout de l'impunité des élites qui dirigent le monde pour leur unique profit en créant un monde d'insécurité perpétuelle pour les dominés.

C'est aussi un monde sans sexe. La phrase de Zardoz en début de film « le pénis c'est le Mal » n'est pas une vaine assertion. Les éternels s'ennuient mortellement (si je puis dire) parce qu'ils ont éradiquer la sexualité. Zed avec sa semi nudité va réveiller cette conscience, on peut pas pourtant dire que l'apparat de Sean Connery soit sensuel, mais cette absence de sexualité chez les éternels les mène à leur perte.


J'avoue que c'est parfois de suivre John Boorman dans ses cheminements parce qu'il n'hésite jamais à se faufiler dans les méandres d'un univers parfois légèrement ésotérique. On n'est pas très éloigné des visions de Pasolini dans Œdipe roi ou Médée, dans un paganisme particulièrement virulent sur la religion. On est très loin du nanar, terme dont on affuble souvent le film, au contraire c'est sa puissance intellectuelle qui le rend mystérieux et ardu.




























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