« L'arme
est le Bien, le pénis est le Mal » clame le Dieu Zardoz à ses
élus, il les a arraché à l'animalité pour tuer les brutes qui se
multiplient. Et de se gueule des centaines de fusils et revolvers
sont jetés pour ces hommes à moitié nus, portant un masque blanc
ou rouge et vêtus d'un slip rouge et de bandoulière. Parmi eux, un
homme se tourne et regarde la caméra, le spectateur et dirige le
canon de son arme et tire. Fondu au noir.
Pour
commencer, il faut signaler que j'ai découvert Zardoz. Mieux,
je n'en avais jamais vu aucun extrait de ma vie, découverte totale.
Certes, la réputation du film est là avec ses relents d’œuvre
ratée mais rigolote. Par contre, en lisant Rhâââ lovely j'avais
remarqué ce masque volant. Cet astronef venu de l'an 2293 avec ses
dents proéminentes, ses yeux en diamant, qui vient se poser dans la
campagne anglaise puis repart une fois son chargement délivré.
En
échange, il récupère du blé et c'est dans dans ce blé que se
cache Zed, le personnage de Sean Connery, il s'extrait de sa bande
pour découvrir le monde au delà. Derrière la frontière invisible,
une barrière de verre, il voit un hameau paisible. John Boorman pour
son futur éloigné choisit des maisons cossues et bourgeoises
typiques du moment où il tourne (comme le faisait Richard Fleischer
dans Soleil vert mais qui se passait en 2019).
Dissimulé
derrière les arbres, il repère la population locale. Eux ne sont
pas en slip rouge mais en tenues colorées, plutôt pastel. Il entre
dans une maison qui se trouve être celle de l'homme qu'il a
assassiné dans le masque, Fayn (Niall Buggy). Il met une bague en
cristal sur son doigt, un hologramme apparaît. Là des indices sont
distillés sur cette civilisation future, John Boorman donne avec
parcimonie les renseignements.
Trois
personnages se distinguent de ces Immortels, puisqu'ils sont désignés
ainsi par eux-mêmes, l'élite de ce futur. Une femme en rouge May
(Sara Kestleman) franchement amicale à Zed, une femme en vert
Consuela (Charlotte Rampling) tout à fait hostile à sa présence et
un homme en rouge Friend (John Alderton) qui prend Zed comme esclave.
Au petit trot, ils partent visiter les contrées et les différentes
populations.
C'est
tout un système de castes qui se met à jour. En haut de la pyramide
une poignée d'éternels, ils restent jeunes toute leur vie. Quand un
éternel est rejeté, il va rejoindre un groupe d'apathiques. Des
gens toujours debout, le regard vide, des zombies en quelque sorte.
Mais la plus grande punition n'est pas la prison ni même le
bannissement, c'est la fin de la jeunesse, Friend est ainsi condamné
à vieillir de 50 ans et devient un vieillard, il devient un renégat.
Dans
cette société inégalitaire l'arrivée de cette brute de Zed remet
en cause les fondements sur laquelle elle a été créée. Les
distensions entre May et Consuela éclatent au grand jour. L'élément
perturbateur est analysé dans des effets spéciaux en miroir, en
projections d'images sur son visage, en kaléidoscope, autant
d'images mentales façonnées très simplement qui peuvent laisser à
penser qu'ils sont un peu kitsch.
Le
film n'y va pas de main morte sur les rapports entre les gens, sur
l'état de dégénérescence de la société, sur les spoliations
d'humanité (je vois la visite de la cave où sont entassés les
œuvres d'art comme la critique ultime, Zed se saisit d'un Van Gogh
comme si c'était une assiette) et surtout de l'impunité des élites
qui dirigent le monde pour leur unique profit en créant un monde
d'insécurité perpétuelle pour les dominés.
C'est
aussi un monde sans sexe. La phrase de Zardoz en début de film « le
pénis c'est le Mal » n'est pas une vaine assertion. Les
éternels s'ennuient mortellement (si je puis dire) parce qu'ils ont
éradiquer la sexualité. Zed avec sa semi nudité va réveiller
cette conscience, on peut pas pourtant dire que l'apparat de Sean
Connery soit sensuel, mais cette absence de sexualité chez les
éternels les mène à leur perte.
J'avoue
que c'est parfois de suivre John Boorman dans ses cheminements parce
qu'il n'hésite jamais à se faufiler dans les méandres d'un univers
parfois légèrement ésotérique. On n'est pas très éloigné des
visions de Pasolini dans Œdipe roi ou Médée, dans un
paganisme particulièrement virulent sur la religion. On est très
loin du nanar, terme dont on affuble souvent le film, au contraire
c'est sa puissance intellectuelle qui le rend mystérieux et ardu.
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