Exceptionnellement,
ce n’est pas un film, mais une émission de télévision que j’ai regardée. Cinéma cinémas d’Anne Anderu, Michel
Boujut et Claude Ventura a fait l’objet d’une collection éditée en 2008 par
l’INA. Quatre DVD, chacun comprend trois émissions d’environ 55 minutes, soit
près de 12 heures d’émission sur le cinéma. Chaque épisode est composé de la
même manière. Le générique de l’émission, une fresque colorée avec tout ce que
les créateurs de l’émission aiment dans le cinéma, environ 8 séquences de durée
variables séparées par un extrait d’Alphaville,
la fameuse séquence où Lemmy Caution ouvre les portes, séquence dont j’ai
longtemps ignoré l’origine. Cinéma
cinémas passait sur Antenne 2 entre 1982 et 1991.
Claude
Ventura et ses acolytes aimaient deux choses : le cinéma américain
classique et le cinéma français moderne. Parfois, sans l’ombre d’un paradoxe,
ils s’aventuraient à rencontrer certains acteurs du cinéma de papa, Lino
Ventura, Bernard Blier ou Gérard Dalban, acteurs de Georges Lautner, qui
poursuivent leur idée du cinéma de scénario. Il arrive que la rencontre ne
débouche sur rien, comme celle avec Catherine Deneuve, filmée en très gros
plans, celle avec Dominique Sanda qui évoque le sex appeal de ses réalisateurs.
Ils offrent dix minutes à Serge Gainsbourg qui filme les rues de Paris au ras
du sol dans un autoportrait singulier. Ils interrogent Sandrine Bonnaire sur
son jeune parcours à partir de ses photos personnelles.
J’ai
une préférence pour les reportages sur les tournages, documents uniques. La
douceur de Maurice Pialat sur Police.
A côté de Gérard Depardieu qui déconne, sortant blague sur blague, il pousse
une actrice non professionnelle, mais vraie flic, à jouer comme dans sa vraie
vie et non pas comme au théâtre. Jean-Luc Godard, grognon, qui reproche à Bruno
Nuytten, son chef op’ de Detective,
de n’avoir rien inventé. Ce dernier lui rétorque qu’il en a marre de son
comportement « curieux ». Jean-Pierre Mocky derrière Hervé Pauchon
sur le tournage du Miraculé, Mocky
tel qu’en lui-même, gueulard et complice. Jacques Doillon qui dirige Jane
Birkin et Philippe Léotard dans La Pirate
passe de l’abattement à l’enthousiasme.
Certains
épisodes incluent des séquences cocasses et étonnantes. Luc Besson filmé par
Patrick Bouchitey, le jeune cinéaste d’alors, torse nu, parodie Le Grand bleu en imitant l’apnée dans sa
salle de bains. Des acteurs enfants, propriété d’un grand studio hollywoodien
dans les années 1930, évoquent leur vie de comédiens et d’écolier. Un
incroyable making of de L’Argent de
Marcel L’Herbier tourné par Jean Dréville en 1927 montre l’inventivité du
cinéaste. Des images de la télé roumaine où l’on découvre la foisonnante
cinémathèque personnelle de Ceausescu. Le doublage de Peter Falk par sa voix
française parce que le son avait été mal fait, comme le raconte Philippe
Garnier dans le précieux livret qui accompagne le coffret.
Là
encore Philippe Garnier raconte la passion de Claude Ventura pour le cinéma
hollywoodien et le défi qu’il lançait, sans cesse, à ses collaborateurs d’aller
rencontrer les vieilles gloires de l’âge d’or, les cinéastes à la retraite.
Frank Capra dans sa maison de retraite, Vincent Price chez lui, Angie Dickinson
rayonnante, Jane Russell à Macao avec ses chiens, Aldo Ray dans une gare, Ben
Gazzara dans une rue déserte de New York. Sterling Hayden dans sa maison de
bord d’océan. Don Siegel dans une rue. Certains sont très modestes, d’autres
très prétentieux, tous sont un peu étonnés par le ton des questions posées par
Anne Andreu, à l’anglais modeste, ou Philippe Garnier, séducteur des actrices
de son adolescence.
L’ancien
et la nouveau, pour les années 1980, est le programme de la collection Cinéma cinémas. La jeune Charlotte
Gainsbourg interviewée dans un train côtoie un reportage sur le lieu du tournage,
dans le désert californien dans l’hôtel abandonné de Jacumba, d’un film où
Louise Brooks a été particulièrement malmenée par l’équipe qui suit la
rencontre avec la veuve de l’acteur du Voleur
de bicyclette. La passion pour le film noir pousse Claude Ventura à
rencontrer la maîtresse de Faulkner, à aller sur les traces de John Fante ou se
recueillir sur la tombe de Fitzgerald. Le dernier épisode de la collection est
entièrement consacré à Alfred Hitchcock avec un entretien glacial avec Anthony
Perkins.
Merci
à Jacques Boudinot de m’avoir fait découvrir cette collection.
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