jeudi 14 avril 2016

Fritz Bauer un héros allemand (Lars Kraume, 2015)

Il y avait Un spécialiste, portrait d'un criminel moderne documentaire de Rony Brauman et Eyal Sivan (1999), montage des archives du procès tenu à Jérusalem en 1961, il y avait Hannah Arendt de Margarethe Von Trotta (2013) où Barbara Sukowa dans le rôle éponyme suivait ce même procès, voici maintenant Fritz Bauer un héros allemand qui remonte le temps, va en 1957 quand un procureur de Francfort cherche à mettre la main sur Adolph Eichman, le bourreau nazi, organisateur des convois des Juifs vers les camps de concentration et d'extermination.

Le titre français donne une notion héroïque, Fritz Bauer (Burghart Klaußner) sera donc ce héros de l'après-guerre quand l'Allemagne d'Adenauer est en pleine guerre froide, qu'elle se reconstruit lentement mais sûrement et que les plaies du nazisme sont encore ouvertes. Le titre allemand est différent, Der Staat gegen Fritz Bauer, l'Etat contre Fritz Bauer, il s'agit ici d'une guerre que l'Allemagne, désireuse d'oubli, mène au procureur. Personne, ni le Land du Hesse, ni ses collègues n'ont envie de remuer le couteau dans la plaie.

Il faut être tout à fait honnête, le film de Lars Kraume ressemble à un pataud film « dossier de l'écran », ultra linéaire, qui suit son personnage principal pas à pas, avec une reconstitution académique. Mais le cinéaste fait de son héros un homme peu aimable, antipathique, cassant avec ses pairs, sans gêne, tant obsédé par sa tâche qu'il n'hésite pas à téléphoner en pleine nuit, à exiger une réunion à point d'heure. C'est ce glissement qui donne de l'intérêt au récit, qui procure à la fois une certain rejet sur sa personnalité mais de l'empathie pour son œuvre.

« Der Jude is Schwul » dit l'un des membres du service de renseignements allemand. Le juif est pédé. Bauer a un passé que le film évoque de temps en temps. L'empêcheur de tourner en rond est Juif, socialiste et homosexuel. Sa rencontre avec le gouverneur du Hesse se fait sous le portrait de Rosa Luxemburg, portrait qui sera remplacé par un paysage. Le passé socialiste du gouverneur, qui connaît Bauer depuis Weimar, n'est plus à la mode, tout comme la recherche d'anciens nazis. Tout est prêt pour faire tomber Bauer, notamment ses sauteries avec des prostitués mâles.

A côté de l’enquête minutieuse sur les traces d'Eichman, le film se lance dans un deuxième sujet, celui du sort des homosexuels dans l'Allemagne d'Adenauer. Bauer a dans son équipe un procureur, Karl Angermann (Ronald Zehrfeld, une armoire à glace) qui s'intéresse au cas Schneider. Ce jeune homme est accusé de prostitution et Karl va le défendre lors de son procès en invoquant une jurisprudence. Il le perdra face à un juge conservateur mais l'amie de l'accusée viendra remercier Karl Angermann de son courage.

Ce récit parallèle où Karl révèle qu'il est lui-même homosexuel, menaçant ainsi l’enquête de son mentor (qui lui est menacé de trahison quand il avertit le Mossad qu'Eichman se trouve en Argentine) rappelle que l'Allemagne subissait encore la loi dite du Paragraphe 175, interdisant et punissant l'homosexualité. Les documentaristes Rob Epstein et Jeffrey Friedman avaient réalisé un film en 2000 sur cette loi qui permit aux nazis d'interner 100000 personnes. Bref, un deuxième « dossier de l'écran » pour le prix d'un.

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