vendredi 12 juin 2020

Opération Dragon (Robert Clouse, 1973)

Finalement, et je ne m'en souvenais pas depuis la dernière fois que j'ai vu Opération Dragon il y a 7 ans, Bruce Lee apparaît peu dans son film. Outrage ultime, il est à égalité dans le générique d'ouverture avec John Saxon, les deux noms sont l'un à coté de l'autre. L'opération consistait pour Bruce Lee à étendre sa notoriété en dehors de l’Asie. Mais j'imagine que Warner Bros voulait s'assurer le succès avec un acteur américain.

Pour faire ses preuves au public occidental (puisque le public asiatique est déjà conquis), il faut à Bruce Lee commencer son film par une démonstration de son art martial. Le public dans le film est un parterre de moines Shaolin L’adversaire contre lequel Lee se bat est Sammo Hung. Ils sont tous les deux en slip noir, les rendant un peu ridicules. Puis, Lee s’entretient longuement (en anglais, car le film est entièrement en anglais) avec son sifu (Roy Chiao).

Ils causent philosophie tandis qu’ils marchent lentement dans un jardin. On n'en est pas à un cliché près. Déjà, les moines Shaolin, c'était limite couillon, mais le mot Shaolin est emprunt de mystique asiatique. Enfin, Lee donne un cours à un apprenti. En faisant suivre ces trois scènes, le film démontre que le personnage et donc l’acteur Bruce Lee, possède une force mentale et physique indépassables, que l’une ne va pas sans l’autre et que la première force aide la deuxième à vaincre les adversaires.

Après avoir combattu loyalement son condisciple, Lee va relever le défi de se battre contre d’autres adversaires dans une compétition organisée sur une île par Han (Shih Kien), ancien moine renégat. Lee s’y rend comme agent infiltré pour la police de Hong Kong. Le film tente de prendre un versant de récit d’espionnage à la James Bond. Lee doit enquêter sur un éventuel trafic de drogue dont Han serait à la tête. Han a un chat blanc comme dans son James Bond.

Pour tout dire, cette partie d’Opération dragon a considérablement mal vieillie tant les enjeux restent superficiels. Au récit s’ajoute un désir de vengeance. Lee a appris que l’un des gardes du corps de Han, le terrifiant O'Hara (Bob Wall) est responsable de la mort de sa petite sœur. On découvre son calvaire dans un flash-back tandis que Lee se rend en bateau sur l’île. Là, il aura comme agent de liaison la belle Mei-lin (Betty Chung), agent infiltré.

Les décors ont une grande importance dans le film. On passe des bidonvilles de la baie de Hong Kong au riche palais de Han, ultra kitsch saturé de couleurs vives. La scène de repas où tous les invités se bâfrent avec à leurs pieds des jeunes femmes tandis que deux sumotori s’affrontent, est là pour contraster avec la rigueur de Shaolin présentée en début de film. Han possède un musée de la torture et une pièce mauve où ses filles se font tatouer. C'est dire sa perversité.

Chaque combattant a sa propre raison d’aller remporter le tournoi. Williams (Jim Kelly) est victime du racisme ordinaire (deux flics blancs l'arrêtent pour aucune raison, déjà en 1973). Roper (John Saxon) a des dettes d’argent. Parsons (Peter Archer) aime se battre et humilier les Chinois. Elaborés sur un mode humoristique où Roper et Williams parient sur le vainqueur, les combats restent de simples démonstrations de boxe.

Parmi les hommes costauds de Han, ceux sur qui il peut compter pour laminer ses adversaires, on peut compter sur Bolo Yeung. L'acteur hongkongais, bodybuildé ne dit pas un seul mot de tout le film, mais il se bat, toujours torse nu, avec force. C'est amusant de voir l'opposition physique entre Bolo Yeung et Bruce Lee - plus impressionnante que celle avec Sammo Hung qui n'était pas encore avec le corps qui fera plus tard sa réputation.

Ce n’est finalement qu’au bout d’une heure de film que Lee commencera à entrer dans le tournoi. Son adversaire est O’Hara, le sbire balafré de Han qui a tué sa sœur. Sa vengeance peut enfin s’accomplir. Le combat est relativement court, environ trois minutes. Bruce Lee donne ses coups avec précision en poussant ses petits cris tandis qu’O’Hara déshonore son patron en cherchant à piéger Lee, notamment en voulant l’attaquer avec des tessons de bouteille. Le lâche.

Il reste à Lee à mener sa mission anti-drogue. Il pénètre dans les sous-sols de la demeure, se met torse nu, actionne son nunchaku et frappe les gardiens. Il rentre alors en transe bombant tous les muscles de son corps et de son visage. Le dernier combat est le plus beau. Lee se bat dans une salle aux murs en miroir. L’image de Bruce Lee se démultiplie à l’infini et, avec elle, les mouvements de son corps telle une chronophotographie d'Etienne-Jules Marey. C'est sublime.

C'est d'autant plus étonnant que les autres combats sont relativement bâclés. Juste avant ce final, Mei-ling libère tous les prisonniers de Han (en tuniques noires) qui se rue du sous-sol à l'extérieur pour se battre contre les hommes de Han (en tuniques blanches). Le combat est illisible et grossier. Seule cette astuce des différentes tuniques permet de comprendre ce qu'il se passe. Si ce n'est qu'à la fin les gentils gagnent contre les méchants.


La délicate musique de Lalo Schifrin, tout en notes aiguës et stridentes, permet à la fois de faire passer quelques scènes poussives et de rendre meilleurs certains combats, disons moins ennuyeux, il ajoute une pointe de tension. Robert Clouse, en bon tâcheron, a utilisé les images tournées par Bruce Lee mais non montées pour Le Jeu de la mort et tenté, en vain, de renouveler le succès d’Opération dragon avec Jackie Chan dans Le Chinois.




























Aucun commentaire: