mardi 1 mars 2016

Tonnerre sous les tropiques (Ben Stiller, 2008)

L'idée géniale qui ouvre Tonnerre sous les tropiques, ce sont ces bandes annonces et cette publicité qui permettent de présenter les quatre personnages principaux. La caricature est évidente, et jouissive, sur ces acteurs qui seront au centre du tournage chaotique, à la Apocalypse now, qui plonge le spectateur au cœur de la jungle vietnamienne. Alpa Chino (Brandon T. Jackson) est un rappeur entouré de filles en bikini vantant ses sponsors tandis qu'il chante aimer les chattes. Jeff Portnoy (Jack Black) est un acteur comique spécialiste du pet, entre Martin Lawrence (Big Mamma) et Eddie Murphy (La Famille Foldingue). Tugg Speedman (Ben Stiller) est la star du film d'action musclée, entre Steven Seagal et Gary Daniels. Kirk Lazarus (Robert Downey Jr.) est un acteur multi oscarisé, sorte de Daniel Day Lewis qui tourne des films exigeants, en l'occurrence Satan's alley où il joue un prêtre médiéval qui tombe amoureux d'un moine incarné par Tobey Maguire. Les bandes annonces sont hilarantes, très réussies (surtout Satan's alley) et crédibles.

Comme dans Zoolander, ce sont les médias, ici une émission people, qui mettent les points sur les I sur ces quatre acteurs et sur le tournage de Tropic thunder. Lors d'un reportage, la présentatrice évoque le tournage compliqué par la faute de Damien Cockburn (Steve Coogan), le réalisateur débutant et incompétent à gérer ses stars à l’ego surdimensionné. Jeff Portnoy a de gros soucis de comportement (le sujet de mes films, c'est pas le pet, c'est la famille) d'autant qu'il est accro à l'héroïne. Lazarus est un acteur qui s'immerge dans ses rôles, jusqu'à la démence. Pour son rôle de soldat noir, il s'est fait pigmenter la peau. C'est sur Tugg que le reportage s'acharne en affirmant qu'il est fini, que son dernier blockbuster a été un bide et que depuis sa tentative de faire un film sérieux, Simple Jack, jouant un personnage retardé, il est la risée de Hollywood. D'un côté, une image strictement marketée, celle des bandes annonces, de l'autre l'image tabloïd, prétendument réelle. Entre les deux, le tournage de ce film de guerre où une troisième image va se révéler.

Entre ces deux présentations complémentaires, Tonnerre sous les tropiques commence avec une séquence de bombardements, d'assaut et d'affrontements entre les soldats américains et les Viêt Cong, sans S au pluriel, comme le fait remarquer Kevin (Jay Baruchel) le cinquième soldat de l'escouade. Là encore les images sont différentes. Leur rôles cinématographiques sont déclinés. Tugg Speedman est le héros d'un roman écrit par un vétéran surnommé Four Leaf – le trèfle – et que joue, avec son regard ronchon, Nick Nolte. Les explosions se succèdent, les mitraillettes se déchargent et atteignent les mains du héros qui explosent. Des hélicoptères sont venus récupérer Four Leaf, le personnage, et Osiris, que joue Lazarus, se jette dans la bataille pour sauver le blessé. Au milieu des balles, ils se confessent et pleurent. Enfin, seul Lazarus parvient à chialer, Tugg tourne la tête vers le cinéaste qui crie « Coupez ». Nous voici de plein pied dans le tournage du roman Tropic Thunder.

La guerre n'est pas seulement dans le scénario que le cinéaste anglais tente de tourner. Elle se déploie dans les egos des quatre stars qui veulent tirer la couverture à eux. En coulisses, ce sont le producteur Les Grossman (Tom Cruise), son envoyé spécial, larbin lèche-cul (Bill Hader) et Rick Peck l'agent de Tugg (Matthew McConaughey) qui se mènent une bataille sans relâche. Il faut dire un mot sur leur patronyme. Grossman = l'homme vulgaire. Et effectivement, Tom Cruise habilement grimé comme un producteur de porno des années 1970, chemise ouverte sur un torse velu, le crâne à moitié chauve, une grosse chaîne et l'insulte à chaque phrase, est génial. Peck est surnommé Pecker = queutard. Sa seule ambition est que Tugg ait son TiVo (un magnétoscope numérique), son confort et qu'il reste en tête de l'affiche. D'un côté le confort de l'équipe dont les fêtes sont débridées, de l'autre une volonté de mater ses vedettes capricieuses. Lors d'une réunion salée, une idée surgit : mettre les cinq acteurs au milieu de la jungle, les lâcher dans la nature et filmer tout ça. Le réalisme, ça paiera bien un Oscar, se félicite déjà le réalisateur.

Le parcours du combattant à travers la jungle ne fait commencer. Chaque personnage révèle aux autres un pan de sa personnalité. Kevin, le jeune acteur, dont personne ne réussit à se rappeler le nom, est une bavard impénitent. Alpa Chino s'engueule avec Lazarus au sujet du langage « gangsta » dont ce dernier abuse, se prenant pour un Afro-américain. Jeff Portnoy, en manque de drogue, devient maboule. Tugg se prend de manière délirante pour son personnage et ne comprend pas qu'ils se sont perdus en pleine jungle. Les personnages, à moins que ne soient les personnages des personnages, parlent d'eux-mêmes, de leurs rôles, de leur place dans l'industrie du divertissement dans une mise en abyme vertigineuse où Simple Jack va devenir l'attraction des trafiquants de drogue qui le capturent, où Lazarus va se servir d'un ancien rôle pour libérer ses amis et où la cérémonie des Oscar consacre enfin Ben Stiller, dans un espoir de justice scénaristique, car le film en aurait mérité des Oscar, cette annus horribilis où l'atroce Slumdog milionaire a tout raflé.




















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