L'idée
géniale qui ouvre Tonnerre
sous les tropiques, ce sont
ces bandes annonces et cette publicité qui permettent de présenter
les quatre personnages principaux. La caricature est évidente, et
jouissive, sur ces acteurs qui seront au centre du tournage
chaotique, à la Apocalypse
now, qui plonge le spectateur
au cœur de la jungle vietnamienne. Alpa Chino (Brandon T. Jackson)
est un rappeur entouré de filles en bikini vantant ses sponsors
tandis qu'il chante aimer les chattes. Jeff Portnoy (Jack Black) est
un acteur comique spécialiste du pet, entre Martin Lawrence (Big
Mamma) et Eddie Murphy (La
Famille Foldingue). Tugg
Speedman (Ben Stiller) est la star du film d'action musclée, entre
Steven Seagal et Gary Daniels. Kirk Lazarus (Robert Downey Jr.) est
un acteur multi oscarisé, sorte de Daniel Day Lewis qui tourne des
films exigeants, en l'occurrence Satan's alley où il joue un prêtre
médiéval qui tombe amoureux d'un moine incarné par Tobey Maguire.
Les bandes annonces sont hilarantes, très réussies (surtout Satan's
alley) et crédibles.
Comme
dans Zoolander,
ce sont les médias, ici une émission people, qui mettent les points
sur les I sur ces quatre acteurs et sur le tournage de Tropic
thunder. Lors d'un reportage,
la présentatrice évoque le tournage compliqué par la faute de
Damien Cockburn (Steve Coogan), le réalisateur débutant et
incompétent à gérer ses stars à l’ego surdimensionné. Jeff
Portnoy a de gros soucis de comportement (le sujet de mes films,
c'est pas le pet, c'est la famille) d'autant qu'il est accro à
l'héroïne. Lazarus est un acteur qui s'immerge dans ses rôles,
jusqu'à la démence. Pour son rôle de soldat noir, il s'est fait
pigmenter la peau. C'est sur Tugg que le reportage s'acharne en
affirmant qu'il est fini, que son dernier blockbuster a été un bide
et que depuis sa tentative de faire un film sérieux, Simple Jack,
jouant un personnage retardé, il est la risée de Hollywood. D'un
côté, une image strictement marketée, celle des bandes annonces,
de l'autre l'image tabloïd, prétendument réelle. Entre les deux,
le tournage de ce film de guerre où une troisième image va se
révéler.
Entre
ces deux présentations complémentaires, Tonnerre
sous les tropiques commence
avec une séquence de bombardements, d'assaut et d'affrontements
entre les soldats américains et les Viêt Cong, sans S au pluriel,
comme le fait remarquer Kevin (Jay Baruchel) le cinquième soldat de
l'escouade. Là encore les images sont différentes. Leur rôles
cinématographiques sont déclinés. Tugg Speedman est le héros d'un
roman écrit par un vétéran surnommé Four Leaf – le trèfle –
et que joue, avec son regard ronchon, Nick Nolte. Les explosions se
succèdent, les mitraillettes se déchargent et atteignent les mains
du héros qui explosent. Des hélicoptères sont venus récupérer
Four Leaf, le personnage, et Osiris, que joue Lazarus, se jette dans
la bataille pour sauver le blessé. Au milieu des balles, ils se
confessent et pleurent. Enfin, seul Lazarus parvient à chialer, Tugg
tourne la tête vers le cinéaste qui crie « Coupez ».
Nous voici de plein pied dans le tournage du roman Tropic Thunder.
La
guerre n'est pas seulement dans le scénario que le cinéaste anglais
tente de tourner. Elle se déploie dans les egos des quatre stars qui
veulent tirer la couverture à eux. En coulisses, ce sont le
producteur Les Grossman (Tom Cruise), son envoyé spécial, larbin
lèche-cul (Bill Hader) et Rick Peck l'agent de Tugg (Matthew
McConaughey) qui se mènent une bataille sans relâche. Il faut dire
un mot sur leur patronyme. Grossman = l'homme vulgaire. Et
effectivement, Tom Cruise habilement grimé comme un producteur de
porno des années 1970, chemise ouverte sur un torse velu, le crâne
à moitié chauve, une grosse chaîne et l'insulte à chaque phrase,
est génial. Peck est surnommé Pecker = queutard. Sa seule ambition
est que Tugg ait son TiVo (un magnétoscope numérique), son confort
et qu'il reste en tête de l'affiche. D'un côté le confort de
l'équipe dont les fêtes sont débridées, de l'autre une volonté
de mater ses vedettes capricieuses. Lors d'une réunion salée, une
idée surgit : mettre les cinq acteurs au milieu de la jungle,
les lâcher dans la nature et filmer tout ça. Le réalisme, ça
paiera bien un Oscar, se félicite déjà le réalisateur.
Le
parcours du combattant à travers la jungle ne fait commencer. Chaque
personnage révèle aux autres un pan de sa personnalité. Kevin, le
jeune acteur, dont personne ne réussit à se rappeler le nom, est
une bavard impénitent. Alpa Chino s'engueule avec Lazarus au sujet
du langage « gangsta » dont ce dernier abuse, se prenant
pour un Afro-américain. Jeff Portnoy, en manque de drogue, devient
maboule. Tugg se prend de manière délirante pour son personnage et
ne comprend pas qu'ils se sont perdus en pleine jungle. Les
personnages, à moins que ne soient les personnages des personnages,
parlent d'eux-mêmes, de leurs rôles, de leur place dans l'industrie
du divertissement dans une mise en abyme vertigineuse où Simple Jack
va devenir l'attraction des trafiquants de drogue qui le capturent,
où Lazarus va se servir d'un ancien rôle pour libérer ses amis et
où la cérémonie des Oscar consacre enfin Ben Stiller, dans un
espoir de justice scénaristique, car le film en aurait mérité des
Oscar, cette annus horribilis
où l'atroce Slumdog milionaire
a tout raflé.
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