Contrairement
à Aaltra et Louise-Michel, autres road movies du duo
Delépine Kervern, les personnages de Saint Amour ne font pas
des milliers de kilomètres pour aller botter le cul des méchants
capitalistes qui leur ont causé des soucis. Jean (Gérard Depardieu)
et Bruno (Benoît Poelvoorde) sont deux paysans morvandeaux montés
au salon de l'agriculture pour présenter à un concours
Nabuchodonosor, leur bœuf de 1600 kilos. Plutôt que de rester
coincés là toute la semaine, plutôt que laisser son fils se soûler
la gueule dans le salon, Jean décide de l'emmener faire la route des
régions vinicoles : Bourgogne, Jura, Côtes du Rhône,
Languedoc et Bordeaux. Ouf, en voilà un parcours ! Qu'ils
effectuent en taxi, conduits par un Mike (Vincent Lacoste), que le
père et le fils vont s'évertuer à appeler Mick, oui, quelle
horreur, un prénom américain, quelle honte cette nouvelle
génération pas capable de donner des vrais prénoms français à
leurs enfants.
Le
film aurait pu conter le trajet de 3 Pieds Nickelés, le road movie
de Dumb Dumber and Dumberer, le France tour détour de notre temps.
Mais le nombre de producteurs, d'investisseurs et de régions/conseils
départementaux est devenu trop important pour dire quoi que ce soit
sur le vin, le vignoble et son commerce (et pourtant le film commence
dans une foire). Saint Amour n'est pas un film de Jonathan
Nossiter, ni non plus Premiers crus, qu'on se rassure. Saint
Amour est uniquement une ode gentille et agréable au vin. Pour
comprendre à quoi ressemble le film, il faut imaginer un remake des
Valseuses où la douceur de Gérard Depardieu se substitue à
sa violence et sa verve d'il y a 40 ans. On pourrait dire que c'est
le même personnage que dans le film de Bertrand Blier, mais
désormais papa complaisant et revenu de tout. Son fils est lui
bourré de tics (la main qui rabat ses cheveux gras), puceau jusqu'à
l'os et incapable de parler à une femme.
La
poésie déglinguée des dialogues que déploient Benoît Delépine
et Gustave Kervern n'est pas non plus sans rappeler celle des
meilleurs Blier. La petite serveuse du restaurant qui cause du 3% de
déficit en petite culotte dans sa chambre sous le regard éperdu de
Depardieu est l'exemple parfait de ce que cherche à trouver le duo.
A la fois un discours sur notre époque, un décalage esthétique
(ici la belle et la bête) et une pointe d'humour surréaliste. Saint
Amour est une succession de rencontres avec une distribution
d'actrices qui viennent de tous les horizons du cinéma français,
Ovidie (le porno), Andréa Ferréol (le clin d’œil à Marco
Ferreri), Céline Sallette (le nouveau réalisme français), entre
autres. Certains sketches sont très bien tournés, franchement
rigolos (le terme qui convient le mieux) d'autant plus qu'ils sont
courts. Dès la rencontre avec Vénus (Céline Sallette), le film
cherche une issue rédemptrice à ses trois hommes non réconciliés
avec le monde. Et le film la trouve cette issue bouclant tout avec un
happy end digne d'un conte de fées version vin de table.
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