mercredi 30 septembre 2020
J'ai aussi regardé ces films en septembre
mardi 29 septembre 2020
L'Inspecteur Harry est la dernière cible (Buddy Van Horn, 1989)
Je vais aller un peu plus vite avec L'Inspecteur Harry est la dernière cible parce que le film est vraiment moins bien que les quatre autres. Et de loin. Dans L'Inspecteur ne renonce pas, le maire de San Francisco cherchait à se faire de la publicité avec la presse. Il devait redorer son blouson et Harry Callahan (Clint Eastwood) refusait, en grommelant, de se prêter au jeu. La presse a toujours été présente dans les Dirty Harry pour couvrir les procès des accusés mais là elle est omniprésente et pas pour faire la promotion de la police.
La première cible de Callahan est la télé qui débarque dès qu'un crime sanglant a eu lieu. Plus c'est sale, gore et dégueulasse, plus ça fait d'audience. Là, Clint Eastwood est totalement en phase avec la critique de la télé des années Reagan peu regardante sur l'éthique. Callahan, dinosaure selon à peu près tous les autres personnages, déteste ces méthodes surtout quand les reporters viennent mettre leur micro et caméra sur le visage de la veuve éplorée qui n'en demande pas tant. Le film choisit Samantha Walker (Patricia Clarkson) pour illustrer ce vautour.
Elle dira elle-même, Samantha était un Miss dans son patelin, c'est comme ça qu'elle a atterri à la télé. Callahan n'est pas tendre avec elle alors son chef décide de la lui flanquer dans les pattes. Évidemment au début, ça coince pas mal. Samantha n'est intéressé que par le scoop, que parce qui pourrait faire la « Une ». Evidemment, Callahan la sauve quand elle se met dans le pétrin, porte la caméra pour sauver un suicidaire. Evidemment elle deviendra sa meilleure alliée quand elle comprendra que ce qu'elle fait peut faire de la peine aux familles des victimes.
L'autre cible du film est le cinéma d'horreur de série B. Dans le rôle du cinéaste raté qui fait des navets horrifiques, Liam Neeson. Il s'appelle Peter Swan, mauvais cygne. Dans le rôle de l'acteur minable, succédané de la vedette qui vend son âme au diable, Jim Carrey (encore crédité James Carrey). La vedette meurt d'une overdose, Mais il a été empoisonné. C'est le premier d'une longue liste d'assassinats. S'en suit une longue enquête pas folichonne sur un gros fan du réalisateur qui reproduit les meurtres des films.
Il va s'en dire que ce cinéaste menteur, incompétent et prétentieux est tout ce que déteste Clint Eastwood. Je me demande si un journaliste cinéma lui a demandé un jour s'il visait un de ses confrères (mettons Brian De Palma, la séquence du tournage de film ressemble vaguement à Body double). Mais comme tout est fait grossièrement, la critique de la télé comme celle de ce cinéma, ça manque la cible. Ah oui, Callahan a un nouveau partenaire, Quan (Evan C. Kim) qui nous agrémente un improbable combat d'arts martiaux. Il était temps que Harry prenne sa retraite.
lundi 28 septembre 2020
Raining in the moutain (King Hu, 1979)
Tout le récit de Raining in the mountain est centré sur un rouleau de prière, McGuffin idéal qui permet à King Hu de tracer un scénario somme toute minimaliste et de développer son art de la mise en scène. Comme à son habitude, après un long générique composé d’estampes, la montagne est le premier décor du film. Trois personnages la traversent pour arriver au Monastère des Trois Joyaux, lieu de prière isolé et havre de plénitude. Ce rouleau est le manuscrit de Xuan Zang des Soutras de Mahayana. L’ambition de Wen An (Suen Yuet) est de s’emparer de cet objet qu’il considère d’une valeur inestimable. Il est accompagné de « Renarde Blanche » (Xu Feng) qu’il présente comme son épouse et de « Serrure d’or » (Ng Ming-choi) qui fait office de porteur des bagages.
Ce sont des voleurs dont l’agilité est démontrée dans une longue séquence où Renarde Blanche et Serrure d’or traversent tout le monastère pour arriver dans la chambre qui contient tous les parchemins. Il leur faut éviter d’être vus par les moines, se dissimuler dans les cachettes des bâtiments et avancer à toute vitesse. Pour cela, King Hu monte son film à un rythme alerte. Les déplacements sont suivis en travelling, les regards sont l’objet de gros plans sur les deux voleurs montés en contrechamp des plans larges où l’on découvre les moines qui ne se doutent de rien. Le monastère est filmé comme un labyrinthe composé de nombreux couloirs. Il est absolument impossible de se rendre compte de l’architecture du bâtiment, tout cela reste mystérieux afin de perdre le spectateur dans les méandres des déplacements. Mais Renarde Blanche ne parvient pas à ouvrier le loquet de la bibliothèque. Un moine, Hui Wen (Lu Chan), va l’aider sans qu’on ne lui demande rien.
Ce moine est le complice de Wen Na. Il est aussi l’un des prétendants à la succession du maître du monastère qui va prendre sa retraite. Wen Na est d’ailleurs venu pour soutenir la candidature de Hui Wen, qui comme on l’a compris est un homme corrompu. C’est alors qu’entre en scène le gouverneur Wan (Tien Feng) et son bras droit le commandant Zhang Cheng (Chan Wai-lau) qui viennent pour exactement les mêmes raisons : voler le manuscrit et soutenir un moine, Hui Tong (Shih Jun). Leur méthode sera différente, moins subtile mais plus sournoise. Wan et Zhang Cheng représentes ce qu’il y a de pire dans le pouvoir : son abus. D’ailleurs, très vite on va comprendre que leur passé est trouble, que la violence ne leur fait pas peur, ce qui dans un monastère bouddhiste n’est pas recommandé. On retrouve ce thème de l’injustice qui, depuis son premier film, traverse le cinéma de King Hu.
Tous ces personnages présentés jusque là, à l’exception du vieux maitre, pratique l’art du faux, de la dissimulation, du simulacre. Aucun d’eux n’est ce qu’il affirme être, cette idée du faux ne s’applique plus ici comme dans Legend of the mountain avec des fantômes ou dans Dragon Inn avec de simples mensonges. Les personnages de Raining in the mountain ne sont pas dupes de ce que sont les autres, c'est dans cette connaissance de l'adversaire et de leur dessein que le film avance. Le grand maître et son bras droit, le moine Hui Si (Paul Chun) vont faire preuve d’encore plus de ruse qu’eux pour que personne ne s’empare du rouleau dont on ne saura jamais ce qu’il contient vraiment (dans Legend of the mountain, les sutras avaient une ambition, celle de communiquer avec les morts).
L’arrivée de deux personnages permettra de changer les plans des deux bandes de voleurs. Un sage laïc, Wu Wai (Wu Jia-xiang) arrive avec ses servantes pour l’élection du nouveau maître. Il va mettre à rude épreuve les moines bien peu chastes quand il les forcera à méditer tandis que cette nuée de femmes se baignent en petite tenue, dans une scène à l’érotisme discret mais réel. Puis, Qiu Ming (Tung Lam) entre en scène. Accusé d’un crime dont il se dit innocent, Qiu Ming a choisi de se retirer dans le monastère. Son calme et sa détermination sont décelés chez les maîtres du monastère qui vont le désigner nouveau maître. Puis, c’est son habileté politique, son sens des réformes qui font de Raining in the mountain à la fois un film politique et l’aboutissement de l’œuvre du cinéaste qui livrait son meilleur film.