Un
titre de film « L'AMBASSADE », en lettres majuscules, un
simple carton « un film super-8 mm trouvé dans une AMBASSADE »
et rien d'autre dans le générique. Pas de noms, pas de références.
Partout on lit au sujet de ce court-métrage, réalisation anonyme.
Un film perdu dans le cosmos, comme dirait Godard, où un ambassadeur
accueille des militants politiques après un coup d'état fasciste
(prononcez fassiste, comme on disait). Une voix off, avec un
léger accent, présente ces réfugiés, artistes, poètes,
militants, communistes que l'ambassadeur et l'ambassadrice consolent
comme ils peuvent. Il faut s'organiser, préparer à manger, dormir
un peu. Et régler les conflits qui déjà se créent entre ces
invités turbulents. Les informations sur le monde extérieur sont
distillées au compte-goutte. Dans la rue, un homme qui tente
d'accéder à l'immeuble est abattu. En face, les bureaux de la
police secrète sont allumés.
Tout
est filmé comme un documentaire, ça en a la forme, l'image du
super-8 ultra granuleuse, la caméra portée à l'épaule, les gros
plans sur les visages et les zooms, ça en a le fond, l'urgence de
parler du coup d'état du 11 septembre 1973 au Chili. C'est une
fiction, l'une des rares que Chris Marker a tourné, après La
Jetée avec qui il partage la réflexion sur un avenir sombre.
Emettons une hypothèse. Au Chili, Pinochet a destitué Allende par
haine du marxisme. Chris Marker imagine qu'après Georges Pompidou,
la gauche puisse accéder au pouvoir en 1976, Georges Marchais pour
le PCF, Michel Rocard pour le PSU ou François Mitterrand pour le PS,
et que les forces réactionnaires déjà en place alors (Raymond
Marcellin, Poniatowski) décident de faire un coup d'état. Voilà la
fiction imaginée et révélée qu'elle se déroule à Paris avec son
dernier plan. Mais l'Histoire (Pompidou n'a pas fini son mandat, la
gauche a perdu) n'a pas rejoint l'histoire de Chris Marker. Jusqu'à
présent.
1 commentaire:
Il m'a piégée Marker, ayant vécu cette histoire, mais en Argentine, je suis restée scotche des les début jusqu'à la fin. Totalement imprègne de ma propre histoire, je me suis vue littéralement dans sa camera.
Déstabilisé par le denier plan, je suis allée mais renseigner sur ce documentaire. Mais quel manipulateur ce Kris. Quel génie cet homme. Tes notes m'ont aidé a mieux comprendre son univers, merci
Martina
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