Entre
chacun des cinq films réalisés par Ben Stiller, on trouve une un
lien, parfois infime, qui les relie les uns avec les autres. Un
extrait de télé-achat qui apparaît dans le générique de fin de
Génération 90
est le même que celui que regarde Matthew Broderick sur sa télé
dans Disjoncté.
Une maquette pour un projet immobilier dans Disjoncté
et dans Zoolander.
Lance Bass, alors chanteur de NSYNC acclame Derek dans Zoolander
puis accompagne Alpa Chino aux Oscar dans Tonnerre
sous les tropiques. Une
discussion sur les retardés au cinéma s'engage autour de Sean Penn
dans Tonnerre
sous les tropiques,
Sean Penn est le personnage qui lance la quête de La
Vie rêvée de Walter Mitty.
Ces liens sont des petits effets de signature qui font de Ben Stiller
l'un des auteurs les plus intéressants du cinéma américain.
Il
est Walter Mitty, quadragénaire qui n'a jamais pu s'épanouir
ailleurs qu'au travail. Il travaille au magazine Life. Le journal a
été racheté, ce qui veut dire : licenciements, fin de
l'édition papier et un nouveau directeur qu'incarne Adam Scott
affublé d'une barbe et de deux bras droits aux sourires glaciaux
comme leur plan social et arrogants comme l'ultra libéralisme.
Walter y travaille depuis 16 ans, il est chargé des négatifs
photos. C'est donc à lui qu'incombe la fonction de fournir la
pellicule qui servira pour la dernière couverture du magazine. Sean
O'Connell (Sean Penn qui se donne même pas la peine de jouer) a
envoyé une pellicule que l'assistant de Walter met sur une planche,
mais la photo qui doit couvrir le journal, la N°25 manque. Et quand
le nouveau directeur, impatient et incompréhensif, croise Walter
dans les couloirs, les escaliers et les ascenseurs pour réclamer la
photo, Walter lui raconte des bobards.
Le
souci pour notre héros, c'est que personne ne connaît Sean.
Personne ne sait où il se trouve, où il habite, où il travaille.
Quelques indices sont dissimulés ici ou là dans les autres clichés
de Sean. Dans le reflet de la mer, Walter et son assistant découvrent
le nom d'un bateau. Ce navire ancre au Groenland. Parce que Walter
Mitty est un grand professionnel, parce qu'il n'a jamais remis en
retard un négatif pour la couverture et malgré la pression du
nouveau directeur, il va prendre l'avion, quitter New York pour les
verts rivages de Groenland. L'aventure commence. Un chauffeur
d'hélicoptère soûl, un requin qui menace de le croquer, un volcan
qui entre en éruption, une traversée de l'Islande en skateboard. Et
pour finir cette quête de la photo perdue, cet Indiana Jones en
costume cravate va partir au fin fond de l’Himalaya pour retrouver
Sean en Afghanistan.
Mais
avant d'entreprendre ce voyage peu ordinaire, effectué en quelques
jours, on avait découvert la vie très tranquille de Walter Mitty.
Célibataire, il s'est inscrit sur une site de rencontres et s'est
rendu compte qu'une de ses nouvelles collègues, Cheryl Melhoff
(Kirsten Wiig) est également inscrite et disponible. Une vie
terriblement banale filmé platement, mais que Walter rêve en grand
format avec des aventures palpitantes. Il saute dans un immeuble pour
sauver Cheryl d'une explosion, il répond vertement au nouveau
directeur devant l'hilarité de ses collègues ou il imagine que
Cheryl chante pour lui en Islande. Quand ces rêves sont finis, purs
fantasmes du cerveau de Walter, on le retrouve dépité, un peu gêné
que la réalité le submerge encore avec son ennui profond et sa
routine infernale. Le récit pépère mais divertissant, cherche à
se dynamiser avec ces incursions variées et amusantes mais qui
peinent à faire décoller le film.
Le
voyage de Walter Mitty se fait en solitaire. Certes, il reste en
contact avec Cheryl et pense à son fils Richard à qui il rapporte
un skateboard, il reçoit des appels de Todd (Patton Oswalt), l'homme
au bout du fil du site de rencontres avec qui il discute souvent,
dans un décalage de dialogues cocasses, avec sa mère (Shirley
MacLaine) et sa sœur. Ben Stiller a choisi pour La
Vie rêvée de Walter Mitty de
ne plus donner la parole à ces fous furieux qui ont peuplé ses
films précédents, et c'est quand même bien dommage. Walter n'est
pas un crétin comme Zoolander ou Tugg Speedman. C'est un doux
rêveur, un honnête travailleur pour qui la justice sociale est plus
importante que tout le reste. Ainsi, si le film se termine par une
jolie et émouvante scène où l'on découvre enfin quelle est cette
photo de couverture, cette séquence suit une bonne dizaine de
minutes de réconciliations familiales / retrouvailles amoureuses /
leçon de vie à l'arrogant directeur. Ben Stiller était l'un des
plus habiles manieurs d'ironie, il l'a oubliée préférant se rêver
en nouveau Frank Capra dans un film un tantinet trop long, un chouia
trop édifiant, un peu trop de bon goût qui voulait sans aucun doute
aller à la pêche aux Oscars. C'est raté.
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