L'Expédition
du Fort King est le portrait
le plus terrifiant d'une ordure, d'un salaud que l'on puisse voir au
cinéma. Un homme intransigeant pour qui seul le règlement compte,
il ne vit que pour ça et exige que tout le monde ne vive que pour
ça, la discipline, la loi et les ordres. Cet homme est un militaire,
bien évidemment, à l'apparence banale, au corps anecdotique et dont
on ne découvrira pas tout de suite le visage. En comparaison de la
grande taille, de la force et de la prestance de Lance Caldwell (Rock
Hudson), le major que Budd Boetticher montre assis et de dos pue la
mesquinerie. Le Major Degan (Richard Carlson) exige que Caldwell,
officier de l'armée américaine, sorte de la pièce et n'en revienne
qu'une fois son uniforme propre et sans poussière. Lance Caldwell
s'était pourtant pressé de venir saluer son supérieur
hiérarchique, mais Degan est intransigeant avec les tenues, peu
importe qu'il fasse chaud, que les soldats triment ou que les
éléments salissent, les uniformes doivent être impeccables.
Caldwell
n'a rien contre la discipline et l'ordre, il ne discute pas les
ordres d'un plus haut gradé, mais il n'en pense pas moins. En
revanche, l'officier est terriblement déconcerté de la réalité de
la mission pour laquelle il est assigné. Le film de Budd Boetticher
se déroule en 1835 en Floride. Le gouvernement fédéral décide
d'appliquer ses lois racistes et d'expulser les Américains Natifs,
les Seminoles, Indiens pacifiques vivant dans les marais. Degan ne
veut pas seulement les expulser, il envisage de les tuer, de les
exterminer jusqu'au dernier. Il ne s'en cache pas. Le regard sans
pitié, il semble jouir d'avance de pouvoir les abattre. Degan les
accuse de tous les mots, notamment d'avoir volé des chevaux de
l'armée. « Les Indiens des marais ne sont pas différents des
Indiens des bois. » Caldwell comprend vite, après une
discussion avec le sergent Magruder (Lee Marvin) que derrière cette
haine viscérale et brutale se cache un secret, un échec militaire
du major Degan qui souhaite poursuivre sa carrière avec un fait de
gloire, ou ce qu'il entend comme tel. Il entreprend un expédition à
travers les marais où les soldats vont souffrir et certains mourir,
sans que cela ne crée de dilemme pour le major.
Seulement
voilà, Lance Caldwell est du coin, c'est d'ailleurs pour cela qu'il
a été mandaté. Il connaît les Seminoles et doit discuter avec eux
pour signer un traité. Sur place, après 5 ans d'armée, Lance
retrouve son amour de jeunesse, la sémillante Revere (Barbara Hale).
Mais tout a changé et Revere aime désormais le meilleur ami de
Lance, John. Il se trouve que ce dernier est un métis, il est à
moitié peau-rouge et il est maintenant Osceala, le chef des
Seminoles. Anthony Quinn, habitué à ces rôles de métis, incarne
un chef Indien coincé entre deux cultures, tiraillé par les
querelles de sa tribu dont certains membres veulent faire la guerre à
Degan. Budd Boetticher est du côté de Lance et Osceala, il est pour
la paix, et le film le proclame haut et fort tout en créant un
suspense intense. Le film s'ouvre sur un procès où Lance est accusé
de trahison, il raconte à ses accusateurs et aux juges ce qu'il
s'est passé. L'Expédition du
Fort King se lance dans un
long flash-back pour établir la vérité et se termine sur le
verdict du procès. Budd Boetticher laisse un film très fort,
souvent éprouvant devant l'injustice à laquelle fait face Lance et
révoltant devant l'ignominie des militaires. J'imagine qu'en 1953,
il en fallait du courage pour affirmer que l'édification des
Etats-Unis s'est fait sur de tels actes.
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