lundi 31 août 2015

Scream (Wes Craven, 1996)

 
Quand Scream est sorti au tout début de l'été 1997, personne ne se doutait de l'onde de choc que le film de Wes Craven provoquerait. Le cinéaste sortait d'une période molle, sans succès, oublié de tous malgré deux films plutôt intéressants, Le Sous-sol de la peur et Freddy sort de la nuit (mieux décrit dans son titre original Wes Craven's New Nightmare), deux réflexions sur les racines de l'horreur et leur contagion dans la culture populaire. C'est cela le sujet profond de Scream. Ce qui ne devait donc être qu'un quelconque film estival (par ailleurs interdit aux moins de 16 ans au cinéma) est rapidement devenu le film qui proposait une réflexion métaphysique sur le cinéma d'horreur. Les Cahiers du Cinéma avait mis en couverture le film, déclenchant alors un torrent de lettres d'indignation. La dernière fois que les lecteurs de la revue avaient protesté aussi fort, c'était pour Batman en couverture en 1989. Bien entendu, les Cahiers avaient raison.

La critique avait bientôt relevé ce qui faisait le moteur du cinéma de Wes Craven et de Scream en particulier. Il ne fallait plus se poser la question de savoir qui était le tueur au masque blanc mais d'où il pouvait surgir. Le cinéaste dans la révélation finale se moque allégrement d'ailleurs de ces finales où le criminel confesse la raison de ses crimes. Dans Scream, il n'y a même plus de raison de tuer. Les différentes suspects qui se sont présentés au spectateur, les complexes antécédents familiaux du personnage de Neve Campbell sont autant de manière de donner des fausses pistes. Pourtant, Wes Craven ne prend pas le spectateur de haut, au contraire, il l'incite à comprendre que le cinéma d'horreur n'est pas obligé de rester coincé dans ses carcans. La fameuse scène de théorisation des films d'horreur en fin de film est confronté à la pratique du tueur au masque. Les autres cinéastes vous servent toujours la même soupe, je vais vous étonner ne cesse de clamer Wes Craven.

Si le film fonctionne encore aujourd'hui, près de 20 ans plus tard, c'est précisément parce que le nom du tueur n'a aucune importance. Scream fait sursauter chaque fois qu'un personnage débarque par surprise dans le cadre (ici Skeet Ulrich qui rentre par la fenêtre, là Matthew Lillard qui fait une de ses grimaces), mais ce qui fait vraiment peur, c'est le personnage de Courteney Cox en rapace de la télévision. Pedro Almodovar avait déjà abordé le sujet de la télé poubelle dans Kika, mais Wes Craven montre les rouages de la chasse continuelle au scoop. Le regard de prédateur qu'arbore la journaliste est bien plus pervers que n'importe quel autre. Elle se réjouit de pouvoir montrer ces adolescents, qu'elle juge avec condescendance, se faire trucider. Et si possible avec plein de sang et de viscères. Elle aussi ne se demande pas qui est le tueur au masque mais qui sera la prochaine victime. Et elle fera tout pour être la première sur les lieux du crime.

On le sait, Scream a beaucoup donné d'enfants plus ou moins bâtards. Certains ont même osé reprocher à Wes Craven d'être le fossoyeur du cinéma d'horreur parce que Souviens-toi l'été dernier ou Scary Movie et leurs innombrables sequels existent. Là est la loi du marché à Hollywood. On remarquera que seul Scream est resté dans les mémoires et cela pour au moins deux séquences, en dehors du finale sur la théorie du cinéma « censé faire peur ». L'ouverture du film est un monument du genre. Drew Barrymore qui fait chauffer du pop-corn, un téléphone et un couteau. La séquence d'ouverture a souvent été parodiée. L'autre scène magnifique est celle du reflet dans l’œil du directeur du lycée (Henry Winkler). L'idée géniale de Wes Craven est de faire du spectateur l'unique témoin du meurtre qui va se perpétrer. Le spectateur est ainsi le complice du tueur et, par allégorie, son commanditaire secret, le seul qui tire de tous ces meurtres une jouissance coupable.










dimanche 30 août 2015

Mes chers amis / Amici miei (Mario Monicelli, 1975)

 
Voir Mes chers amis dans sa version italienne, c'est d'abord se confronter à la voix off qui narre le récit. C'est celle de Perozzi, un journaliste qui termine sa journée au petit matin et qui ne veut pas rentrer chez lui quand il comprend que son fils (un adulte cadre dynamique petit bourgeois) est chez lui. Perozzi précise que tout le monde l'appelle toujours par son nom de famille, jamais pas son prénom et ce depuis toujours. Or cette voix est sur le corps de Philippe Noiret dont je connais parfaitement la voix française. Il y a une bizarrerie dont il faut d'abord se débarrasser. La version française n'est plus aisée à regarder. Noiret a sa vraie voix mais les lèvres sont désaccordées.

Ces chers amis de Perozzi sont Melandri (Gastone Moschin), un architecte qui promène le gros chien de sa femme. Enfin, il se fait plutôt promener. Mascetti (Ugo Tognazzi), un noble désargenté qui vit avec femme et fille dans un sous-sol au confort bien sommaire. Et enfin, le quatrième larron est Necchi (Dullio Del Prete) un tenancier de bar. Ils se connaissent depuis l'enfance et, régulièrement, ils abandonnent femmes et boulot, embarquent pour partir en vadrouille et faire quelques bêtises de gamins. Par exemple, ils vont sur un quai de gare. Quand le train démarre, ils giflent les voyageurs qui se mettent à la fenêtre, le tout dans un grand éclat de rire. Ils sont restés des enfants espiègles.

Cette escapade est l'occasion pour Perozzi de se rappeler quelques souvenirs sur ses trois amis. Comment Melandri s'est retrouvé avec sa femme et les enfants de cette dernière et le gros chien. Comment il a dû convaincre Sassaroli, le mari de la femme, de la laisser partir au prix d'immenses sacrifices. Hélas, le mari cocu (génial Adolfo Celi, le méchant dans Opération Tonnerre) décide de tout dans la nouvelle vie de son ex-femme, donne des conseils à Melandri et juge chacun de ses actes. Mais petit à petit Sassaroli est devenu le cinquième compère de la bande qui abandonne sa clinique pour aller faire les 400 coups avec ses chers amis. Mais Melandri ne supporte plus cette vie de soumission.

Le deuxième flash-back est consacré à Mascetti, aristocrate sans le sou, qui trompe sa femme avec une adolescente surnommée Titti (Silvia Dionisio). Ruiné, il va de chambre en chambre, refusant l'aide de ses amis par arrogance et fierté. Tognazzi est champion pour incarner la morgue du mâle italien. Le troisième récit concerne Necchi, le plus farceur de la bande qui va faire croire à Righi (Bernard Blier) que les quatre amis font partie de la mafia. C'est tout un scénario machiavélique que Necchi élabore pour s'amuser et se moquer de ce pauvre. Tout va se retourner contre eux. Les femmes vont leur donner une leçon bien méritée.

Derrière les facéties des cinq amis, des failles vont apparaître. Les hommes se moquent d'eux souvent, se font des blagues, mais elles laissent assez vite place à un malaise qui se communique au spectateur. Ces enfantillages qui les caractérise et dont ils sont fiers ne sont que les signes de leur médiocrité dont ils se contentent depuis leur enfance. Le film se passe à Florence qui est filmé comme une ville désertique. Le ciel est envahi par la grisaille. La mélancolie pointe son nez quand les récits de chacun des trois amis tourne au vinaigre. Le dernier récit est consacré à Perozzi lui-même. Ses amis (comme nous spectateurs) ne sauront jamais s'il raconte une énorme farce ou s'il dit la vérité. Mes chers amis est la compilation des récits de machos irresponsables qui vont être bien punis de leur arrogance.







Captures d'écran établies à partir du DVD édité par SNC en 2013.

We are your friends (Max Joseph, 2015)

Honnêtement, le scénario de We are your friends on n'en a rien à foutre. C'est l'habituelle histoire du blanc-bec qui veut devenir calife à la place du calife tout en piquant la meuf du calife. Sans oublier les potes avec qui il faut rester amis même s'ils sont bien lourdingues (toute référence à Entourage est volontaire). Ça faisait un bon bout de temps que je n'avais pas vu un film aussi WASP, avec des acteurs et des actrices qui n'ont jamais un kilo de trop. Pas un seul grassouillet dans le film, que des gens aux dents blanches et aux sapes bien assorties. Dans We are your friends, on est bien loin de la lose du personnage d'Eden, le film raté de Mia Hansen-Love. Zac veut devenir DJ, avec du succès, des meufs et du pognon si possible, mais aussi avec de la bonne musique. Il faut trouver ça dans ton cœur, lui dit son mentor. C'est beau comme une leçon de vie à Hollywood.

Dans le rôle du blanc-bec, Zac Efron est évidemment parfait, lui qui rêve de se débarrasser de son personnage de High School Musical, gentil garçon propret au sourire étincelant et à la coiffure ondulée. Comment faire : devenir le gentil mauvais garçon et fumer des joints. Et surtout se mettre le plus souvent torse nu pour montrer ce que certains concurrents n'ont pas : des abdos et du poil. Quand il se montre en promo de Dirty Grandpa à côté de Robert De Niro, tous deux torse nu, le ventre bombé, quand il joue avec le très velu et gros Seth Rogen dans Nos pires voisins ou quand il se fait pisser dessus par Nicole Kidman dans Paperboy, c'est chaque fois dans le même but. Zac Efron ose tout, y compris le ridicule. Il ne s'agit pas vraiment de prendre des risques, mais de chercher à se trouver une place à Hollywood dans la plus pure tradition du stéréotype hollywoodien.

La concurrence est forte. Dans la décennie écoulée, les acteurs qui passent leur temps à se mettre torse nu à chaque rôle sont nombreux. Taylor Lautner, le loup-garou de la franchise Twilight, a du mal à faire autre chose même si sa prestation dans la série Cuckoo était agréable. Kellan Lutz, lui aussi de Twilight, a tellement gonflé en biceps qu'il imagine être la relève de Vin Diesel. On l'a vu dans Expendables 3 (un terrible navet) et dans La Légende d'Hercule de Renny Harlin (un authentique nanar). Tous deux ont une carrière bien morne. Le seul concurrent à Zac Efron est Channing Tatum. Il a aussi commencé dans une franchise pour adolescentes (Sexy Dance) pour passer par un cinéma plus ambitieux (Michael Mann, Steven Soberbergh, les Wachowski) et surtout, jouer sur tous les registres, comédies, romance, aventure, film indé et blockbusters, avec de moins en moins de succès.

On pourrait ajouter à cette liste d'autres acteurs américains qui incarnent le jeune Hollywood sexy et #PerpetuallyShirtless des dix dernières années : Ryan Reynolds, Jake Gyllenhaal, Ryan Gosling, Joseph Gordon-Levitt et James Franco. Et ceux qui viennent d'ailleurs, Chris Hemsworth, Jai Courtney, Tom Hardy, Michael Fassbender. Leur prestige est dû tout autant à la corps nu au cinéma, visible en long, large et travers sur grand écran qu'à leur composition. Je me demande toujours s'ils sont interchangeables et combien de temps ils pourront jouer sur le registre physique. Pour finir avec Zac Efron et We are your friends, son personnage réussit dans la vie grâce à son talent musical, il reste ami avec son mentor mais il lui pique sa copine quand même. Dans les magazines, on utilise photoshop pour faire bander les abdos de ces acteurs, à Hollywood, les scénarios aussi passent par photoshop pour être plus vendeurs.

samedi 29 août 2015

Péril en la demeure (Michel Deville, 1985)

 
En 1985, Christophe Malavoy était le plus bel homme de France. Michel Deville en a fait son Terence Stamp dans Péril en la demeure, l'homme qui attire tous ceux qui se trouvent autour de lui, tel le personnage de Théorème. En 30 ans, le film n'a pas tellement vieilli. Il est pourtant ancré très fort dans cette année 1985 où le genre policier était si prisé : Depardieu et Marceau dans Police, Godard avec Détective, Rendez-vous de Téchiné et même le film poids-lourd Trois hommes et un couffin qui mâtine avec le polar.

David (Malavoy) se déplace dans une vieille Peugeot 403, une voiture des années soixante, dont il ferme la porte d'un léger coup de pied. Il portera constamment un imperméable, comme l'Inspecteur Columbo, comme si le film se moquait gentiment des enquêtes policières. Mais sous l'imperméable, il est parfois à moitié nu, notamment quand il prend son petit déjeuner ou après avoir couché (ou plutôt s'être assis) avec Julia (Nicole Garcia), avec qui il entretient une liaison aussi torride que soudaine. Pourtant, au départ, David ne devait que donner des cours de guitare à la fille de Julia.

La musique, tiens parlons-en. On écoute du Brahms, du Schubert, du Granados. Toujours en mode intradiégétique, joué par David ou son élève, sur un disque, sur une radio. Tout ça pour mieux laisser couler la petite musique des dialogues qui passent leur temps à faire des jolis jeux de mots. Bohringer et son « petite cuiller, grosse cuiller, louche », pour qualifier sa situation face à David. Jeux de mots visuels avec ses raccords de main, qui sort du drap pour arriver sur la boîte à café dans le plan suivant, tout cela pour nous distraire de l'énigme qui est en train de se nouer sous nos yeux.

Le personnage de Christophe Malavoy est-il un ange de l'amour, un ange de la mort ? Tout le monde est attiré par lui. Julia, bien entendu avec qui il fait l'amour. Pudique, alors que Malavoy est tout le temps à poil dans le film, elle tiendra à garder un bout de vêtement. Graham (Michel Piccoli), le mari de Julia « aime beaucoup » David, comme le répète l'épouse avec un regard étrange, comme si elle souhaitait que cet « amour » se concrétise à trois. Graham, toujours en costume cravate, fixe longuement David tandis qu'il plie en deux son épouse, comme un jouet.

La voisine Edwige Ledieu (Anémone) – quel nom de personnage – n'est pas en reste. Toujours à observer, à filmer ses voisins, à commenter ce que les autres n'osent pas se dire en face. Edwige est à l'inverse des jolis plans du film, elle remet tout le monde dans la réalité. Les joutes verbales entre David et Edwige sont des moments savoureux, les dialogues se croisent, l'un finissant la phrase de l'autre dans une quête de vérité dans un jeu de séduction étrange et malsain. Anémone n'avait jamais joué comme auparavant.

Le personnage le plus énigmatique est l'ange noir Daniel (Richard Bohringer) qui tourne autour de David tel un vautour autour de sa proie, prêt à le dévorer tout cru. Dans leurs rapports, on se croirait parfois dans un film de Blier, Buffet froid par exemple. Daniel terriblement jaloux de Julia, traîne dans les jambes de David et court s'installer chez lui. David, avec son petit air de gentil garçon, sa coiffure d'enfant sage et ses bonnes manières, semblait bien innocent. Il aurait pu être la proie de Julia, Graham, Edwige et Daniel. Mais il va se sortir indemne des filets qu'ils leur lance et quitter ce cloaque avec son élève guitariste.

Le film n'a donc pas vieilli parce que Deville a eu l'idée de ne pas dater ses personnages (tenues intemporelles), parce que son scénario n'a rien à voir avec les années 1980 (les pères célibataires de Coline Serreau, les jeunes beurs de Pialat) et parce que les tubes de l'époque sont absents. Seuls les acteurs sont générationnels. Piccoli a pris sa retraite, Anémone et Bohringer sont devenus tricards au cinéma à cause de leur sale caractère. Garcia est devenue une réalisatrice. Malavoy écrit et joue au théâtre. Et vraiment, s'il était le plus bel homme de France en 1985, son personnage est encore aujourd'hui magnifique à regarder.











Captures d'écran établies à partir du DVD édité par Gaumont en 2009.

vendredi 28 août 2015

Les Dollars des sables (Israel Cárdenas et Laura Amelia Guzmán, 2014)

En janvier, on avait laissé Géraldine Chaplin en vieille alcoolique qui ne parlait que pour demander sa vodka dans Valentin Valentin de Pascal Thomas. On la retrouve dans ce film venu de la République Dominicaine tourné par un duo de cinéastes mexicains Israel Cárdenas et Laura Amelia Guzmán. L'actrice apparaît par bribe pour sa première scène : un bout de peau couverte de rides et de tâches de vieillesse, un dos dénudé, une main maigre qui se balade sur le corps d'une autre femme. Puis, sous l'eau les deux femmes, l'une très jeune, un Dominicaine, l'autre Chaplin, bien âgée, se baignent dans l'océan. Là, on ne voit plus la différence d'âge, de corps vieilli. Ce sera le seul moment où les deux femmes sont égales dans Les Dollars de sables. Puis, enfin, le visage de Chaplin, ses yeux écarquillés d'être en face de cette jeune beauté dont elle est tombée amoureuse.

Pourtant, le film s'ouvre sur une scène bien cruelle. La jeune femme nommée Noéli (Yanet Mojica), est en face d'un homme d'âge mûr, un touriste qui doit partir. Il lui dit qu'il l'aime, elle lui rend la pareille. Il veut lui laisser un souvenir. Elle choisit sa chaîne en or qu'elle va immédiatement vendre avec son vrai petit ami. Noéli n'a pas besoin de vieux amants ou de vieilles maîtresses, elle a besoin d'argent. Et tout le film tournera autour de ça. Son pseudo frère a eu un accident, il faut de l'argent pour l'hôpital. Tout ça arrange Anne, le personnage de Géraldine Chaplin, qui s'assure que Noéli reste auprès dans le même rituel quotidien où elle quitte son rôle de petite femme qui cherche de l'argent, revêt un bikini tout riquiqui et devient l'objet sexuel d'Anne.

Le film montre les rouages de ce marché, de cette consommation de chair fraiche. Anne affirme que ça dure depuis trois ans. Anne vit tranquillement de sa retraite et appelle de temps en temps son fils. Elle veut maintenant inviter son « amoureuse » en France, dans un aveuglement total. Quand elle raconte ça à ses autres amis européens qui habitent aussi en République Dominicaine, c'est tout l'égoïsme du colon installé dans son petit confort qui est mis en avant. Il suffit de pas grand chose pour qu'un élément du rouage se brise et que toute la mécanique se dérègle. Le film ne choisit pas vraiment son camp, comme s'il renvoyait dos à dos les deux femmes. Il se dégage du coup une relative impression de mollesse et d'inachevé.

jeudi 27 août 2015

Les Secrets des autres (Patrick Wang, 2014)

La petite fille s'appelle Biscuit (drôle de prénom). Mutique, elle fait l'école buissonnière pour aller jeter un œuf et brûler une ficelle au bord de la rivière. Paul est le fils, adolescent obèse qui se fait chamailler par ses camarades du lycée. Dès qu'il rentre à la maison, il lève les yeux au ciel mais reste très poli (trop poli) et va se changer dans sa chambre avant d'engloutir des gâteaux. Bienvenue dans la famille Ryrie avec son père John qui bosse dans la cinéma et sa mère Ricky un peu mélancolique. Ils habitent une grande maison dans l'état de New York, loin de la ville mais près de la mer. La famille Ryrie va accueillir un nouveau membre, Jessica, la fille aînée de John, issue d'un amour passée. Elle prétend s'être fait virer par sa mère, elle annonce qu'elle est enceinte de 9 semaines, John et Ricky acceptent qu'elle s'installe chez eux.

The Grief of others (le chagrin des autres) est devenu dans son titre français Les Secrets des autres. Des secrets, il y en a en abondance dans le nouveau film de Patrick Wang. Et du chagrin également. Le titre français est tellement explicite qu'on est à l'affût de chaque indice sur le dysfonctionnement de la famille Ryrie, mais aussi du jeune voisin Gordie et de son énorme chien. On essaie de mettre les pièces du puzzle dans l'ordre pour tout comprendre. Le mieux est d'aller voir le film, comme je l'ai fait, sans savoir de quoi il parle, sans avoir vu une seule image. Et il faut s'armer de patience et combler les trous narratifs. Finalement, c'est de plus en plus rare qu'un cinéaste face confiance au spectateur pour construire ensemble le récit. On y arrive, jusqu'à la scène finale d'une grande émotion.

Ce qui frappe dans Les Secrets des autres, c'est sa grande douceur pour mettre en scène la violence des sentiments des personnages, ce chagrin dû au deuil et aux secrets qui s'en suivent. L'image est simple, comme filmée par un caméscope familial (c'est du super 16mm avec son grain comme à l'époque de la pellicule) au format carré. On ne quitte jamais la famille et le spectateur est immergé au milieu du drame. On imagine les chantages à l'émotion qu'aurait donné un gros film hollywoodien face à ce sujet. Ici, pas même une note de musique pour faire sortir une larme. Il est remarquable de constater que le deuil est un sujet tellement casse-gueule que pratiquement seul le cinéma indépendant l'aborde. Ou le cinéma français comme récemment Valley of love ou Floride.

mercredi 26 août 2015

Les Mille et une nuits (Miguel Gomes, 2015)

D'abord quelques chiffres. 2004, premier film La Gueule que tu mérites, 1h43. 2008, deuxième film, Ce cher mois d'août, 2h25. 2012, troisième film, Tabou, 2h02. 2015, quatrième film sous forme de trilogie, Les Mille et une nuits, 6h22. Après le succès surprise de Tabou, Shellac s'est lancé dans le pari un peu fou fou de sortir sur 3 mois les trois volets des Mille et une nuits. Après tout, l'an dernier Winter sleep, Palme de d'or Cannes 2014, est sorti début août et les 3h15 du film ont attiré 400000 spectateurs. Cet été, la recette n'a pas pris malgré une presse plus qu'élogieuse depuis son passage à Cannes 2015. Le cinéma social a la côte en ce moment même si le public semble vouloir plus se passionner pour un chômeur en crise de La Loi du marché que pour le crise économique au Portugal.

Le cinéma social, c'est facile. On peut un peu faire bouger l'image, cadrer les personnages en tenant la caméra à l'épaule, on éclaire pas trop les décors naturels pour avoir une photographie qui fait vrai. Le réalisme, c'est facile. On doit jouer vrai, on doit faire le plein. Le plein d'émotions, le plein d'histoires vécues, le plein de dialogues signifiants, le plein de scénario. De Polisse avec ses stars qui jouent les flics ou les mis en examen avec la même fougue à La Loi du marché avec son chômeur qui donne des leçons à tous ceux qu'il rencontre en passant par La Vie d'Adèle avec ses 10 ans de vie passionnée, chacun de ces films déborde de son trop plein de tout, jusqu'à l’écœurement. Mais surtout, pour parvenir à faire tenir ses personnages, le sentiment du super-vrai est privilégié aux dépends du vraisemblable.

Pour Miguel Gomes, il faut bien plus que 5 minutes pour concevoir un personnage, pour qu'il existe aux yeux du spectateur. Sinon, le personnage reste un cliché, une caricature, un archétype. Les habituels dialogues des fameuses scènes d'introduction chères aux partisans de la grammaire académique du cinéma n'existent pas dans le cinéma de Gomes. Les Mille et une nuits dans sa forme de compilation de courts-métrages présentent une bonne douzaine de personnages en ne montrant que leur moments de creux, et non pas de plein. Les préparatifs d'une plongée dans l'océan dans les volume 1, la vie d'un gentil toutou du volume 2, des concours de chants de pinson dans le volume 3 sont des exemples de micro-récit qui forment un puzzle. C'est dans Ce cher mois d'août que le cinéaste va au bout de son système en tournant autour de ses personnages, en le cernant littéralement pour que le spectateur puisse vraiment les connaître, comme s'il pénétrait dans leur intimité. Comme Jacques Rivette, Gomes filme ce que personne ne filme d'habitude.

L'un des écueils sur le cinéma de Miguel Gomes est de le voir comme du documentaire, précisément à cause de cette fausse impression de réalisme. Gomes et au contraire un amateur de contes. La Gueule que tu mérites évoque et pastiche Blanche Neige et les sept nains de manière énigmatique, d'abord avec un spectacle d'enfants puis avec le suivi du quotidien de sept hommes dans une maison au milieu d'une forêt. La force du film est de proposer un quotidien à la fois banal et mystérieux. Conteur, Gomes l'est aussi dans Tabou avec ce pastiche de cinéma muet (largement supérieur à Blancanieves ou à The Artist) où une voix off narre à l'ancienne le récit. Gomes récuse l'idée du documentaire en abattant le quatrième mur, en intervenant dans le film en tant que cinéaste. Cela consiste à toute la première partie de Ce cher mois d'août et du volume 1 des Mille et une nuits.

Pour parodier un peu cyniquement Miguel Gomes, regarder ses films, ça se mérite. L'impression de flottement est parfois plus forte que la précision de la narration, l'approximation du jeu de certains acteurs (la propriétaire du coq qui ne cesse de chanter ou le bandit populaire ne sont pas très bons et gâchent les scènes). On sourit souvent, notamment dans cet interminable procès où les accusations rebondissent, dans ces réunion des économistes en érection. Comme dans ses autres films, Miguel Gomes joue sur les ruptures de ton, sur les anachronismes, sur les décalages narratifs. Comme dans ses autres films, ce qui est réussi est très réussi, ce qui est raté est terriblement ennuyeux.

mardi 25 août 2015

American ultra (Nima Nourizadeh, 2015)

Le duo Jesse Eisenberg Kristen Stewart aurait dû être flamboyant. Lui avec son débit ininterrompu, sa tête de gars toujours étonné et son grand corps longiligne. Elle avec sa voix coincée dans la gorge, sa bouche tordue et sa manie de remettre ses cheveux en place. Leur duo aurait pu être Cary Grant Katharine Hepburn dans L'Impossible Monsieur Bébé d'Howard Hawks, explosif chacun empêchant l'autre de débiter ses dialogues dans un concours de cabotinage jouissif. Bien des choses explosent dans American ultra, comme dans Mr. & Mrs. Smith de Doug Liman, référence du film. C'est d'ailleurs amusant de voir l'action du film se dérouler justement dans la ville de Liman, Virginie.

Mike (Jesse Eisenberg) est un espion dormant de la CIA mais qu'il l'ignore lui-même. Sans doute à cause des trop grandes quantités de drogue qu'il consomme. Sa copine Phoebe (Kristen Stewart) subit son état lamentable quand il laisse cramer une omelette sur le feu, quand il s'enferme dans les chiottes, quand il fixe sans but l'horizon. Eisenberg est très bon pour jouer les tarés, il ne semble faire pratiquement plus que ça depuis The Social network à l'exception d'Insaisissables et Zombieland. Stewart est elle dans le sous-jeu (comme à son habitude diront ses détracteurs), mais c'est qu'elle cache un lourd secret. Chut, je dirais rien, mais tout le monde a déjà deviné.

A l'ancienne, American ultra enchaîne les longues scènes d'explication avec des explosions et des combats entre Mike et la CIA. Car, il faut bien qu'on comprenne ce qui se passe et, hélas, tout passe par des tunnels de dialogues. Les scènes d'action sont toutes similaires, du gros rock en fond sonore, un montage ultra découpé et Mike qui découvre ses nouvelles aptitudes au combat. Le film se montre incapable de sortir du chemin balisé dans lequel il s'enferme, y compris avec les seconds rôles censés apporter un peu de fun. Le scénario, aussi improbable que Mr. & Mrs. Smith ou Hypertension de Taylor & Neveldine n'arrive jamais à atteindre leur niveau de sarcasme. Un gros gâchis.

lundi 24 août 2015

Vive les vacances (John Francis Daley & Jonathan M. Goldstein, 2015)

Je ne sais pas si le retour de Chevy Chase grâce à la fabuleuse série Community a donné des idées à Warner de faire une suite à la franchise Vacation. Plus qu'un remake, Vive les vacances est une prolongation du concept : traverser les Etats-Unis dans une voiture pourrie et ne prendre que les mauvaises décisions. Rencontrer des tarés, emprunter des itinéraires mal famés, se tromper sur les intentions de chacun. Ed Helms joue à merveille Rusty Griswold, le fils de Chevy Chase et Beverly D'Angelo (qui feront une apparition en fin de parcours du film). Désormais lui-même mari et père, il emmène sa petite famille composée de sa femme (Christina Applegate aussi drôle que dans Ron Burgundy présentateur vedette) et ses deux fils, ados aux tempéraments opposés, sur les lieux du Vacation de 1983, soit le parc d'attraction Walley World.

Le film de John Francis Daley (qui jouait Lance Sweets, le psy dans Bones) et Jonathan M. Goldstein ont eu la bonne idée de lorgner du côté de We're the Millers et de se plonger dans la plus saine vulgarité. Ils y vont à fond, et d'abord par le langage ce qui leur a valu un classement R aux USA (interdit aux mineurs non accompagnés). Le plus jeune des deux fils est celui qui jure le plus, il harcèle son grand frère qui endosse le rôle du puceau, inversant les habituels standard des relations entre frangins. Cette inversion constituait aussi le noyau de l'humour de 21 Jump Street. Les sous-entendus sexuels, quels qu'ils soient, pleuvent sur ce pauvre ado qui est humilié par tout le monde. Pas franchement un film sur l'éducation familiale. Le fiston aura du mal à obtenir le soutien de ses parents, surtout quand sa mère vomit après avoir trop bu ou que son père croit l'aider pour draguer une fille.

Le film est construit selon la logique du film à sketches, avec ses bons et ses moins bons moments. Chaque étape est l'occasion de rencontrer des personnages (et donc des acteurs venus faire un coucou) qui vont encore plus humilier les Griswold. Ils veulent faire du canoë sur le Grand Canyon, ils veulent se baigner dans des bains chauds naturels, ils visitent le Four Corners, ils vont saluer la sœur et le beau-frère (Leslie Mann et Chris Hemsworth avec son buldge apparent), rien ne se passe comme prévu. Les Griswold se baignent dans un étang de merde, mais ils le font avec le plus grand aplomb. Le spectateur est le premier à découvrir ce qui se passe avant que les personnages se rendent compte de l'étendue de la catastrophe. Le film joue aussi sur quelques gags récurrents, dont le GPS en coréen et le routier étrange. Il était envisagé de faire une série avec ce nouveau Vacation. Quand on voit la mollesse des gags de Wet Hot American Summer, je me dis qu'un film de 95 minutes est franchement une bien meilleure idée.

dimanche 23 août 2015

Amnesia (Barbet Schroeder, 2015)

45 ans séparent More, son premier film, d'Amnesia, son dernier film. Barbet Schroeder boucle ainsi la boucle de son cinéma et retourne à Ibiza dans la même maison où il avait tourné les amours de More. Entre ces deux films situés à Ibiza, le génial cinéaste aura posé sa caméra en Papouasie (La Vallée), en Ouganda (Général Idi Amin Dada), longtemps à Hollywood, un peu en France dans des appartements où on pratiquait le BDSM (Maîtresse), en Colombie (La Vierge des tueurs) et dans le cerveau complexe de Jacques Vergès (L'Avocat de la terreur). Dans Amnesia, l'action se déroule entre deux maisons aux murs blancs étincelants. Martha (Marthe Keller) habite là depuis des années, on ne sait combien, mais 45 ans séparent la fin de la seconde guerre mondiale de la chute du mur de Berlin. Là aussi, une boucle est bouclée pour Martha qui fût allemande mais refuse tout ce qui vient d'Allemagne.

Jo (Max Riemelt, repéré dans Free fall et dans Sense8 – celui qui montrait son sexe à la jeune Indienne) vient de s'installer dans la maison du dessus. C'est l'été juste après la chute du mur. Il croit qu'une nouvelle époque va commencer. Il a 25 ans et se rêve en DJ. La musique qu'il crée avec son ordinateur est composé de boucles sonores qu'il superpose. Je me rappelle la première chanson de l'album More des Pink Floyd où des chants d'oiseaux ouvraient le morceau. Jo fait la même chose, avec son micro, il enregistre des chants d'oiseau et les pose sur ses bandes sonores. Là aussi la boucle est bouclée. Ce jeune homme sans passé va chercher à faire que Martha se réconcilie avec son passé, et cela passe par la musique, quelques verres de vin et des promenades en barque.

Barbet Schroeder filme avec une infinie tendresse ce drôle de couple qui se forme sous nos yeux. Martha avec son sourire énigmatique qui refuse de parler allemand, Jo avec ses t-shirts trop larges et son air de grand naïf. Même quand Martha s'entête dans sa haine de l'Allemagne, créant un malaise ineffable lors de cette scène de repas avec Bruno Ganz ou donnant des moments comiques bienvenus, le cinéaste ne juge pas son personnage. Parfois, le thème de la mémoire, ou de l'absence de mémoire donc de l'amnésie, est un peu appuyé. La tension entre Ganz et Martha est un peu artificielle et, paradoxalement, ce que je trouve le plus justement rendu est cette esquisse de romance entre Martha et Jo. 45 ans séparent la vieille dame et le jeune DJ. Là encore, la boucle est bouclée.

jeudi 20 août 2015

Wise guys (Brian De Palma, 1986)

Inédit dans les salles françaises mais sorti en VHS sous le titre croquignolet de Mafia Salad (oh que c'est beau), Wise guys n'est pas franchement le meilleur film de Brian De Palma. Tourné entre Body Double et Les Incorruptibles, il suit la destinée sur quelques jours de Harry (Danny De Vito) et Moe (Joe Piscopo, star des premières année du SNL mais qui n'a jamais percé au cinéma). Ce sont deux amis d'enfance de Newark, New Jersey, devenus au fil de temps les larbins du parrain excellement incarné par un Dan Hedaya qui parodie tout ce que le cinéma a compté de parrains de mafia depuis les quinze dernières années. Les deux corniauds, l'un roublard, l'autre peureux, mais les deux incompétents, ont eu la bonne idée de perdre 250000$ qui appartiennent à leur patron. Ils vont passer un sale weekend plein de quiproquos, de Cadillac rose déglinguée et de mauvaises décisions qui mènent à d'autres mauvaises décisions.

On peut rire au film si on est bien luné, on peut aussi l'oublier. Wise Guys vaut pour une scène, très courte située en début de film. Perruque sur le crâne, Danny De Vito imite devant son miroir Robert De Niro qui sort sa fameuse réplique « You talkin' to me ». Le visage de l'acteur se transforme pour prendre exactement la forme de celui de De Niro et la phrase culte sort de sa bouche, répétée plusieurs fois, puis comme un écho, débitée par le fiston qui se trouve dans la pièce voisine. Chaque fois que j'entends cette phrase, et on sait qu'elle a été parodiée, reprise et accaparée dans de nombreux films dès qu'un gars veut se la jouer dur, je pense au court documentaire Italianamerican que Martin Scorsese a tourné sur ses parents en 1974 (soit 2 ans avant Taxi driver). On y entend Catherine Scorsese, la mère du cinéaste dire cette phrase, avec l'intonation de De Niro. C'est très frappant. L'origine de « You talkin' to me » vient de la Mama Scorsese. Ça sent la private joke entre De Palma et Scorsese, d'autant que les parents de ce dernier sont figurants dans Wise guys.

mercredi 19 août 2015

Frank Borzage, mon Top 5

Patrick Brion prononce son nom « borzèdj » quand il présente ses films au Cinéma de Minuit sur France 3. En américain, on l'appelle « borzégui » puisqu'il est d'origine italienne. Quoi qu'il en soit, Frank Borzage a tourné pendant ses quarante ans de carrière une bonne douzaine de très grands films et au moins cinq chefs d’œuvre, à chacun de choisir les siens. L'unique sujet de ses films est le couple, comment il se rencontre, comme il se forme et comment il résiste aux contraintes. Voici mon Top 5.

L'Heure suprème (7th Heaven, 1928)
Janet Gaynor et Charles Farrell ont tourné dans trois des meilleurs films muets de Borzage. Le cinéaste filme des gens pauvres avec grande empathie mais sans démagogie. L'histoire d'amour va être désintégré par la guerre, la première celle de 1917. Le film est clairement anti-militariste (la guerre mène à la folie), mais aussi anti-clergé (le curé est un sacré hypocrite). Il est rare de voir à Hollywood un anarchiste comme Borzage. Il réitérera avec Lucky Star et L'Ange de la rue.

Bad Girl (1931)
Bad Girl a donné à Frank Borzage un Oscar du meilleur metteur en scène. Il choisit d'améliorer ce qu'il avait raté dans Liliom, son film précédent, soit montrer comme l'insouciance peut parfois ruiner un couple. Elle (Sally Eilers) rencontre lui (James Dunn) sur une péniche. Elle ne veut pas se laisser séduire, il ne veut pas séduire : ils étaient fait pour se rencontrer avec leur esprit bougon. Borzage manie la légèreté avec autant de grâce que Lubitsch. Une merveille de tendresse.

Ceux de la zone (Man's castle, 1934)
L'ouverture du film est l'une des plus étonnantes. Loretta Young crève de faim mais donne pourtant des miettes de pain aux pigeons. Là, Spencer Tracy, vêtu en costume queue de pie et haut de forme, l'interrompt et l'invite au restaurant. Mais il est aussi pauvre qu'elle. Borzage poursuit son analyse de la vie des pauvres sous la crise. Il prouve, comme dans Bad Girl, que l'on peut dire de grandes choses sur le ton de la comédie.

Désir (Desire, 1936)
Marlene Dietrich est une voleur de bijoux mondaine, Gary Cooper est concessionnaire automobile. Les opposés s'attirent et la roublardise de la belle escroc va se cogner à la grande naïveté du petit vendeur, au sens propre comme au sens figuré. Le duo entre Dietrich et Cooper se promène entre l'Espagne et la France, entre les palaces dans une sensualité bien supérieure à celle de Morocco leur film commun tourné par Josef Von Sternberg. Une immense comédie.

Mortal Storm (1940)
Borzage est le précurseur du film anti-nazi, un genre auquel Lubitsch, Fritz Lang, Charles Chaplin et Jean Renoir ont largement illustré. C'est aussi le film qui va le plus loin dans la dénonciation du nazisme, comme Borzage dénonçait la guerre dans L'Heure suprême. Deux frères allemands vont s'affronter sur le terrain de l'idéologie et de l'amour. Pas de fantasme sur un attentat contre Hitler qui changerait le cours e la guerre, ici Borzage dénonçait déjà les camps de la mort dont tout le monde connaissait l'existence.

mardi 18 août 2015

Wet Hot American Summer: Firt day of camp (David Wain, 2015)

C'était un film en 2001 (inconnu chez nous, très populaire aux USA), c'est une série aujourd'hui diffusée sur Netflix en 8 épisodes de 30 minutes. Wet Hot American Summer suit la première journée d'une colonie de vacances au beau milieu des Etats-Unis, le Camp Firewood. Les animateurs et les adolescents se rencontrent pour la première, certains se retrouvent d'une année sur l'autre. La première idée de la série est de faire jouer certains ados par des acteurs adultes. C'était déjà le cas dans le film, mais l'effet est encore plus étonnant avec quinze de plus. Bradley Cooper est ainsi un ado qui va découvrir son homosexualité, Joe Lo Truglio joue le puceau, Michael Showalter (le créateur de la série) se transforme en rebelle pour conquérir son flirt de l'année précédente, Amy Poehler est une ado de 16 ans délurée, Paul Rudd est le séducteur, etc. Le décalage entre leur aspect physique de quadragénaire et leur action est le moteur du comique. D'autant que le scénario se plaît à les faire jouer des stéréotypes d'ados tels qu'on les voyait dans les teen-movies. Le second volet comique de Wet Hot American Summer est le non-sens constant des situations. Au milieu du camp, le gouvernement jette des déchets toxiques. Le directeur se transforme en boite de conserve. Christopher Meloni, le cuisinier de la colonie, est un ancien membre du SWAT. Ronald Reagan en personne vient dans le camps. Chris Pine est un ancien rocker en panne d'inspiration. Elizabeth Banks est une journaliste de rock qui vient faire un article sur les ados. Comme l'an dernier avec The Spoils of Babylon, les acteurs doivent jouer avec le plus grand sérieux des choses complètement stupides. On pense aussi beaucoup à Psycho Beach Party de Robert Lee King (2000) qui jouait sur les mêmes décalages parodiques. La série gagne en effets comiques au fur et à mesure et il n'y a pas besoin d'avoir été dans une colonie pour tout comprendre.