mardi 31 juillet 2018

J'ai aussi regardé ces films en juillet


Une pluie sans fin (Dong Yue, 2018)
Comme dans Sev7en, il pleut tout le temps, comme dans Memories of murder, des jeunes femmes sont assassinées et retrouvées dans un champ. La comparaison s'arrête là, ce film noir part vers d'autres pistes pas toujours abouties. Hong Kong par exemple, puisque le film se déroule pour l'essentiel en 1997 année de la rétrocession, n'est évoqué que lointainement, la protégée du personnage principal rêve d'y partir pour vivre une vie meilleure. L'arrivée du capitalisme est plus précisément décrit, la célébration du travail collectif en début de film cède la place à la destruction de l'usine. Censure oblige, contrairement au film de Bong Joon-ho, l'incompétence de la police à retrouver l'assassin n'est jamais appuyé. Ce qui donne cet épilogue tarabiscoté qui donne une explication comme résolution de l'enquête. Ce qui convainc est ce personnage de vigile, l'air ahuri, le regard halluciné, qui se rêve policier. Tout le monde le méprise sauf un autre gars, plus jeune, qui le considère comme son maître spirituel. Tout le récit est vu comme le long flash-back de ce vigile et il ne se donne pas toujours le beau rôle. Mais un deuxième épilogue tendrait à montrer que le vigile a peut-être fantasmé et imaginé toute cette enquête sans fin. C'est cette tension entre le réel noir et le fantasme qui importe dans ce premier film.

The Guilty (Gustav Möller, 2018)
Jadis on a eu Ryan Reynolds enfermé dans un cercueil (Buried), Tom Hardy dans une voiture (Locke), maintenant Jakob Cedergren dans un centre d'appel de secours danois. Le numéro pour avoir ces policiers est le 512. Unité d'action, de temps et de lieu, du théâtre filmé sur grand écran. Pendant 84 minutes, il est tout seul (ou presque) à composer le récit de ce qui se passe à l'autre bout du fil, à remettre en place les pièces du puzzle. Ça marche un moment, les twists s'enchaînent et le film s'effondre dans ses dernières minutes quand notre héros considère ce cas qu'il a à traiter comme un moyen de rédemption car lui-même est dans la situation décrite.

Paul Sanchez est revenu ! (Patricia Mazuy, 2018)
Que dire de gentil sur ce nouveau film de Patricia Mazuy, encore un polar de l'été (il ne semble y avoir que ça cet mois de juillet) ? Pas grand chose. Le récit se lance avec une voix extérieure, celle d'un journaliste qui raconte cette histoire lors d'une interview télé lors de la sortie de son roman. Dès le départ, tout sonne très faux, je ne comprend pas vraiment ce narration qui se veut, j'imagine, objective face aux deux subjectivités, celle de la jeune policière qui rêve de résoudre seule l'enquête et celle de ce Paul Sanchez joué par Laurent Lafitte engoncé dans son regard pas content. Entre les deux, quelques flics aux caractères variés (le vieux sage, le chien fou) et ce journaliste à la recherche de scoop pour partir bosser à BFM (la chaîne info des faits divers crapuleux). Le film semble dater des années 1980 même la grande révélation finale ne soulève plus le moindre intérêt.

Roulez jeunesse (Julien Guetta, 2018)
J'aime beaucoup Eric Judor. Roulez jeunesse n'est pas aussi croustillant que Problemos, pas aussi drôle, pas aussi bien écrit, mais il recèle quelques moments non seulement cocasses mais également d'une rare justesse dans le milieu de la comédie française. Le rythme du film est proche de celui du Doudou, un road movie (en voiture de dépannage) en mode minimaliste pour trouver la maman de trois enfants particulièrement pénibles. Ça serait épatant si Malik Bentalah faisait un duo avec Eric Judor dans un bon film.

lundi 30 juillet 2018

Saraband (Ingmar Bergman, 2003)

En 1992, Françoise Calvez directrice du Crac Scène Nationale de Valence lançait la dernière édition de Cinéma et Littérature avec pour thème « La dernière œuvre ». Deux films d'Ingmar Bergman étaient présentés, Après la répétition et Fanny et Alexandre. Depuis, il a conçu d'autres dernières œuvres, chaque fois pour la télévision. Saraband était l'un des premiers films à avoir été projeté en numérique en France, de là à dire que le cinéaste de 96 ans restait l'un des plus grands modernes est un pas que je franchirai pas, mais aujourd'hui dix ans après sa mort, j'avais envie de revoir Saraband.

Trente ans après Scènes de la vie conjugale (que je n'aime pas beaucoup), il retrouve Marianne (Liv Ullmann) et Johan (Erland Josephson) dans la vieille maison de ce dernier (qu'on découvre d'abord dans une photo de 1973). Il vit là reclus depuis des années, en ermite, en vieux bougon entouré de livres. Entourée de photos, Marianne déclare dans le prologue face caméra son envie de revoir son ancien mari, sans réellement en comprendre les raisons. Elle fait 340 km et arrive dans la maison, Johan est assoupi sur son bureau. S'adressant encore une fois au spectateur, elle le réveille en lui tapotant l'épaule.

Il a chez Johan quelque chose de l'Isak des Fraises sauvages et notamment sa cuisinière Agda – même prénom, personnage qu'on ne verra jamais. Il est un peu plus vieux que le personnage de Victor Sjöström, mais comme lui, il s'est éloigné de ses enfants autant des deux filles qu'il a eu avec Marianne, l'un habite en Australie, l'autre est internée dans un hôpital psychiatrique, que de son premier film Henrik (Börje Ahlstedt) qui a le même âge que Marianne. Veuf, il vit avec Karin (Julia Dufvenius) sa fille de 19 ans dans la cabane au bord du lac.

Le film est divisé en 10 chapitres comme autant de discussions entre deux personnages, Marianne et Johan, Marianne et Karin, Johan et Karin, Johan et Henrik, Henrik et Marianne etc. Les arguments sont énoncés sans ambages entre eux, mais c'est la haine entre Henrik et son père qui est le plus violente Ce dernier déclare avoir toujours méprisé ce fils « trop gros et trop gentil ». C'est Anna, l'épouse d'Henrik qui semble au centre de cette haine, on voit régulièrement sa photo avec un sourire énigmatique. Un fantôme du passé que la visite de Marianne fait resurgir.

Bach ou Wagner ? Le fils écrit depuis des années un livre sur Bach, il en joue sur l'orgue de l'église du coin, le père écoute Wagner les oreilles collées aux enceintes, un portrait du compositeur accroché au mur. La musique tient une place importante et crée l'enjeu narratif qui sous-tend les relations entre le père et le fils. Karin, violoncelliste prometteuse, doit-elle accepter cette formation à Hambourg ? Elle a pour l'instant comme professeur son père, elle ne sait si pas si elle doit l'abandonner. Johan, tout à sa haine, veut l'encourager à quitter ce père.

La lecture d'une lettre d'Anna par Karin à Marianne ne résout pas l'énigme et au contraire la creuse. Cette lettre écrite à Henrik semble donner un terrible secret qui expliquerait le mépris du père pour son fils, c'est peut-être que Henrik n'est pas le père de Karin mais que Johan l'est. Comme le souligne Marianne, Johan a souvent été infidèle. Juste après la lecture de cette lettre, Henrik embrasse sa fille sur la bouche, pour lui faire comprendre qu'il l'aime et qu'il ne veut pas qu'elle le quitte pour partir enfin vivre sa vie comme elle en a décidé.


Marianne est ici au centre d'une dispute familiale, une arbitre qui écoute quand elle le peut toutes ces haines accumulées au fil des années. La phrase clé dans Saraband est « je veux sortir de ta vie ». Juste avant l'épilogue où Marianne consulte une dernière ses nombreuses photos comme autant de souvenirs, Johan et elle se retrouvent nus dans le lit et il lui demande pourquoi elle est venue lui rendre visite « parce qu'il me semblait que tu m'appelais ». Là Ingmar Bergman filme les vieux corps de ses interprètes dans leur intimité, l'ultime testament du cinéaste à son cinéma.


























dimanche 29 juillet 2018

Le Dernier samaritain (Tony Scott, 1991)

Bruce Willis tire la gueule, débraillé, mal rasé, le corps rempli de whisky, avachi dans sa bagnole où il décuve de sa terrible nuit, il est embêté par trois gamins qui lui jette un rat crevé à la gueule. Il sort son flingue et les effraie. Bruce Willis est Joe Hellenbeck un détective privé à l'ancienne avec un bureau mal éclairé, son nom écrit en majuscules sur la porte vitrée. Et il fume cigarette sur cigarette avant de répondre au téléphone de son meilleur ami qui lui propose une affaire, à la clé 500 $.

Cette tonyscotterie tournée entre Jours de tonnerre, cet irregardable film de bagnoles avec Tom Cruise et Nicole Kidman le symbole du cinéma MTV et True romance polar grossier, est un sommet de vulgarité, d'incohérences narratives, de chromos aux couleurs criardes ne vaut que par le duo entre Bruce Willis et Damon Wayans, variation de L'Arme fatale. Le film est cité, la fille de Joe le regarde à la télé (la scène où Mel Gibson est torturé). Depuis deux ans, Damon Wayans joue Roger Murtaugh dans la série L'Arme fatale.

Alors cette affaire donnée à Hellenbeck concerne une danseuse strip-teaseuse (jouée par Halle Berry dans un de ses premiers rôles, elle danse sur Get Off de Prince, l'une de ses chansons les plus triviales). Assez vite, elle est assassinée, tout comme le meilleur ami de Hellenbeck qui meurt d'une explosion de sa voiture. Ça meurt beaucoup dès que notre anti-héros pointe le bout de son nez, mais pour son meilleur ami, il n'est pas triste, Joe avait compris qu'il était l'amant de sa femme Sarah (Chelsea Field).

Halle Berry était la petite amie de Jimmy Dix, le personnage de footballer américain que joue Damon Wayans, les deux hommes vont faire équipe, chacun jouant sur un mode différent. Damon Wayans se voit attribuer le sidekick comique, punchline à chaque réplique et Bruce Willis est le bougon de service à qui on ne la fait pas. On imagine que le duo aurait pu faire d'autres films, mais il n'en a pas été ainsi. Dans Le Dernier samaritain, Joe est gêné par la présence de Jimmy Dix qu'il prétend ne pas supporter.

Si dissemblables a priori, les deux hommes se ressemblent beaucoup, chacun possède une fêlure, un passé qu'ils n'arrivent pas à enterrer, le côté psychologique du scénario. Jimmy Dix est accro à la drogue à cause des douleurs aux genoux (c'est dur le football comme le montre les rares scènes de match), Joe Hellenbeck a été un garde du corps respectable, il bossait pour le sénateur Banyard (Chelsie Ross). Mais un jour, Joe a frappé son patron quand il a découvert qu'il frappait une prostituée dans son bureau. Depuis Joe est tricard et alcoolique.

Ce que Jimmy ignore est que Joe était son plus grand fan. Il l'apprendra par la fille de Joe Darian (Danielle Harris) une adolescente rebelle mais attachante. Elle sort un déluge d'insultes à son père (pas facile d'être papa) avant de rejoindre le duo sans avoir rien demandé. Ce sont d'ailleurs les meilleures scènes du film, ce trio désaccordé qui ne cesse de se contredire, de tomber dans les pièges de leurs ennemis mais ce sont ces caractères si opposés qui vont devenir complémentaires et à la fin, Darian admirera son papa.


Tout le sel du film repose sur un suspense simple : qui peut bien en vouloir à nos amis ? La corruption politique et sportive mon ami ! Le sénateur Banyard demande de l'argent à Marcone (Noble Willingham), le riche patron d'une équipe de football de Los Angeles, look ad hoc de cow-boy sur un physique de nabab du pétrole. Un type qui croit à l'ultra-libéralisme et fait tout pour poursuivre son rêve américain. Tous les mauvais coups sont permis et ça n'arrête pas, c'est évidemment plaisant surtout quand les invraisemblances prennent le dessus.